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Billet de blog 7 février 2025

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Trace 143-Eloge de l'ombre 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Au sortir de la ville, les eaux d’égout, aspirées par des machines, comme le sang l’est par le jeu des muscles, se dirigeront vers un large réservoir voûté où les ordures entraînées se mêleront en un liquide fangeux. Là, d’autres machines s’empareront de la masse fétide et la lanceront par jets dans les conduits rayonnant en diverses directions sous le sol des campagnes. Des ouvertures pratiquées de distance en distance sur les aqueducs permettront d’en déverser le trop-plein en quantités mesurées d’avance sur tous les champs appauvris qu’il faut régénérer par les engrais. Cette fange coulante, qui serait la mort des populations si elle devait séjourner dans les villes ou se traîner dans les fleuves le long des rivages, devient au contraire la vie même des nations, puisqu’elle se transforme en nourriture pour l’homme. » Elisée Reclus « Histoire d’un ruisseau » (1869)

De 1869 à 2021, peu de changement de tonalité :

« Vivent les déchets humains ! L’idée n’est pas nouvelle : rappelez-vous cette citation empruntée plus haut à Bernard Palissy qui, au XVI° siècle, recommandait « de rapporter les fumiers, boues et immondicités, et même les excréments et ordures, tant des hommes que des bêtes ». L’artiste et architecte autrichien Friedensreich Hundertwasser qui mariait la pierre à la plante en ses œuvres, écrivit un « éloge de la merde » : « Nous nous faisons une idée fausse de nos déchets… Le trou des cabinets a pour nous l’apparence de la porte de la mort… Et pourtant c’est justement le contraire. La vie commence seulement avec la merde…Aussi loin qu’il s’en souvienne l’homme essaie d’être immortel…. Grâce à la merde nous devenons immortels » Notre merde est en effet notre plus sûre contribution à une vie éternelle, si nous la mettons dans les sols. » Marc-André Selosse « L’origine du monde » (2021)(voir Trace 118)

Une belle unanimité à travers les siècles, mais, concrètement, comment fait-on ?

Certes, si on est propriétaire,  on trouve des indications à foison sur comment installer des toilettes sèches, au fond du jardin, si on a un jardin, et celui-ci a un fond, avec voisin compréhensif : la loi veille :

http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=1132

« Le droit français a longtemps ignoré les toilettes sèches, ce qui posait certaines difficultés pour respecter la loi en la matière. Aujourd’hui, l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions applicables aux installations recevant une pollution organique inférieure ou égale à 20 DB05, autorise explicitement l’installation de toilettes sèches. Ces dernières sont définies comme des toilettes « sans apport d’eau de dilution ou de transport ».
C’est une petite révolution lorsque l’on sait qu’antérieurement à cet arrêté, il était toujours question du traitement des eaux, que ce soit les « eaux usées », les « eaux à vannes » ou les « eaux résiduaires ». Aucune fois il n’a été mentionné dans la réglementation la possibilité d’un traitement des excréments humains d’une autre manière que par le biais des eaux usées. »

Certes des indications très précises sont données sur la phyto-épuration, par exemple ici :

https://www.alec-grenoble.org/6306-la-phytoepuration.htm

« Pourquoi installer un système d'assainissement par phytoépuration ?

Nous utilisons chaque année 10 à 15 000 litres d'eau potable par personne pour évacuer et transporter nos urines et fèces (eaux noires), auxquels s'ajoutent 40 000 litres d'eaux grises issues des douches, machine à laver, vaisselle, etc.

Les matières organiques, qui seraient pourtant une source d'enrichissement pour les sols, participent par leur rejet dans les eaux usées à une pollution importante des eaux de surface.

L'assainissement par phytoépuration constitue donc une bonne alternative.

La phytoépuration : comment ça marche ?

Un prétraitement des eaux usées est réalisé soit dans un filtre à écoulement vertical planté de roseaux, soit dans une fosse toutes eaux.

Dans cet étage, les matières solides sont retenues en surface, et les matières organiques dégradées par les micro-organismes (sans mauvaises odeurs) qui se développent à proximité des racines.

Un traitement est ensuite réalisé dans un second étage de filtres plantés à écoulement horizontal (bambous, massettes, iris des marais...). Il permet la dégradation lente et sans oxygène des matières organiques restantes et l'absorption par les végétaux des éléments et minéraux issus de la dégradation.

Les filtres à écoulement horizontal se déversent enfin dans une mare terminale.

Il est nécessaire d'alterner la circulation de l'eau tous les 3 jours dans les parties plantées. L'entretien est limité à la taille annuelle des roseaux, et au retirage du compost de surface tous les 10 ans. 

Le dimensionnement dépendra des eaux traitées par phytoépuration. Il faut compter 2 à 3 m2 de surface par équivalent habitant pour le traitement des eaux grises seules et 4 à 5 m2 si les eaux noires sont ajoutées.

Les urines et fèces ne représentent que 1% du volume des eaux usées, mais contiennent la majorité des polluants. Il est donc intéressant de les séparer des eaux ménagères pour un traitement efficace, en associant des toilettes sèches. Les fèces sont ainsi valorisées sous forme de compost, et seules les eaux grises (et éventuellement les urines) seront traitées par phytoépuration. Si les urines sont également séparées, il sera possible de n'installer qu'un filtre horizontal. » Alec-Grenoble

Certes, mais cela semble réservé à quelques passionnés, écologistes fervents, auquel le simple fait de pisser sous la douche ne suffit pas, mais ne résout pas le problème collectivement, ni au niveau du traitement, ni au niveau de l’agriculture : bambous, massettes, iris des marais font maigre pitance.

Mes recherches m’ont fait tomber chez Toopi : https://toopi-organics.com/fr/ :

« Chaque année, plus de 18millions de tonnes d’engrais minéraux sont utilisés en Europe. Les engrais les plus importés sont à base d’azote (29%), de phosphore (58%) et de potassium (78%). Notre agriculture est largement dépendante de l’importation, est étroitement liée à l’exploitation de ressources non renouvelables et menace la biodiversité, notre environnement et notre santé.

La gestion de l’urine est un problème mondial. Chaque année, en Europe, 6000 milliards de litres d’eau potable sont souillés par 200 milliards de litre d’urine. Dans le monde, 80 % environ des eaux usées sont rejetées sans traitement. Ailleurs, difficile à traiter, l’urine pollue nos ressources en eau. L’urine humaine représente 50 à 80 % de la teneur en N, P et K pour seulement 1 % du volume total des eaux usées.

L’urine humaine est riche en Azote, Phosphore, Potassium (N, P, K) et en micronutriments. Outre l’apport fertilisant qu’elle procure aux sols, c’est un excellent milieu de culture pour les microorganismes. » Toopi, qui récupère, stocke, et distribue donc.

Et m’ont fait revenir à Bordeaux, Bordeaux où mes parents m’enfermaient dans les WC, au noir, quand je n’étais pas sage, ce qui m’excuse de chercher, tel Tanizaki, un lieu plus tranquille, avec une belle vue, … comme la cabane démontable en planches superposées qui était déplacée chaque année  sur un nouveau trou, près du moulin où j’habitais longtemps.

Bordeaux désormais à la pointe du progrès, avec la Fumainerie :

https://www.lafumainerie.com/blog/un-composteur-electromecanique-a-bordeaux

« La Fumainerie s’est donnée pour mission de donner aux citoyens le pouvoir d’accompagner la transition des systèmes alimentation-excrétion urbains vers des modèles plus circulaire maximisant le recyclage des nutriments libérés par nos excréta. Cette orientation constitue le socle de déploiement de son réseau expérimental, lancé en juillet 2020, qui offre avant tout un cadre d’animation territoriale pour promouvoir une gestion durable et circulaire des excreta. Bien plus qu’un opérateur de collecte ou de valorisation, la Fumainerie incarne ainsi la vision d’une politique de gestion des excreta qui pourrait se déployer sur le territoire girondin et se répliquer sur d'autres métropoles.

Une gestion durable et circulaire des excréta :

Participer à l’effort de réduction de la pollution des cours d’eau.

Accompagner la réduction de la consommation d’eau potable.

Mobiliser les ressources locales.

Valoriser les gisements en local.

Limiter les émissions de carbone (et consommations d’eau) de nos systèmes alimentation-excrétion.

La résilience des réseaux d'assainissement collectif.

Identifier - à travers l’expérimentation - les solutions viables et adaptées au contexte et aux contraintes locales.

Faire évoluer durablement les usages de l’assainissement collectif.

Accompagner le développement de modèles économiques pérennes.

S’inscrire dans une logique de complémentarité avec les autres acteurs de la filière.

Accompagner la définition d’un cadre politique facilitant.

L'engagement citoyen et solidaire :

Promouvoir une gouvernance plus transparente, horizontale et démocratique sur la question de l’assainissement collectif.

Rendre l'assainissement écologique accessible à tous (économiquement et techniquement).

Renforcer la responsabilisation des usagers de l’assainissement.

Un projet coopératif :

Impliquer l’ensemble des parties prenantes à la réflexion visant la transition du système alimentation-excrétion.

Fédérer les acteurs économiques de la filière.

Partager les expériences avec l’ensemble des parties prenantes. » La Fumainerie

Rien que de belles idées !

Ne restons pas cependant pas enfermés dans le sujet . Au cours de mes recherches pour ce qui est plus un thème obligé qu’une passion personnelle, j’ai souvent rencontré la nécessité de la pente, par exemple pour pouvoir se passer d’une pompe de relevage. Cela tombe bien, les prochaines Traces parleront de comment construire dans des pentes….

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