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Billet de blog 8 février 2025

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Trace 144-Dans les pentes 1

Le réchauffement climatique nous poussera  à  implanter la vie humaine plus en altitude, dans des zones  montagneuses,  endroits jusqu’à présent soit dédaignés de par des conditions climatiques difficiles, soit abandonnés, en Italie, suite à des séismes, ou à des glissements de terrain. Ceci suppose de pouvoir adapter des modes de construction, et d’urbanisation à des pentes.

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Le réchauffement climatique nous poussera  à  implanter la vie humaine plus en altitude, dans des zones  montagneuses,  endroits jusqu’à présent soit dédaignés de par des conditions climatiques difficiles, soit abandonnés, en Italie, suite à des séismes, ou à des glissements de terrain.

En France, ce furent des refuges pour protestants (voir Traces 108), des lieux de Résistance,  et où il faudra faire refuge, pour mieux résister à des changements qui s’annoncent violents.

Ceci suppose de pouvoir adapter des modes de construction, et d’urbanisation, à des pentes. Ce qui n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité.

Que ce soit pour des raisons liées à la nécessité de respecter les terrains en plaine, moins rocheux, plus fertiles, ou pour des raisons sanitaires, les plaines étant parfois infestées de malaria, ou, le plus souvent, pour des raisons défensives, les villages et les villes se sont longtemps réfugiés au sommet de collines ou de montagnes, ou sur leurs flancs.

Dans un premier temps, nous irons recueillir des exemples du passé, avant d’imaginer des techniques de construction  en pentes  liées aux besoins comme aux ressources d’aujourd’hui.

Ce sera d’abord en Iran, avant de retrouver encore une fois l’Italie.

Masouleh n’est pas le seul village où les maisons semblent s’empiler l’une sur l’autre .

On peut notamment citer Palangan, que Kiarostami nous a fait découvrir dans le film « Le vent nous emportera » (Bād mā rā khāhad bord) (1999) : https://www.youtube.com/watch?v=xq1gXC3119A

Masouleh a fait l’objet d’un film documentaire de Philippe Simay, où ce dernier  nous fait partager son enthousiasme pour les dispositifs architecturaux, et leur apport à la vie sociale du village : https://www.youtube.com/watch?v=QEjU_PIhoZE

Le travail suivant, d’étudiantes iraniennes : « Sustainable Architecture Analyses of Stepped Village, Case study: Masouleh, Iran” , de Maryam Imani Emadi, Maryam Ghasemi, Sina Osivand,  Farshid Roudi, permet d’en savoir plus sur les techniques constructives .

« Masouleh est situé dans une zone montagneuse et sauvage de la province de Guilan sur la partie sud de la mer Caspienne, dans une chaîne de montagnes escarpée. En plus des pentes sud-nord, on y trouve deux thalwegs (pentes est-ouest). L’altitude est de 1050 mètres, et la différence de niveau entre la partie la plus haute et la plus basse est de 100 mètres. Il y a 700 maisons dans le village et elles datent presque toutes de 9 siècles. Les habitants  de Masouleh sont principalement actifs dans le commerce et l’élevage.

Le climat à  Masouleh est soumis à deux influences : l’une humide et tempérée et l’autre avec hivers froids et secs et des étés tempérés.

La texture du village de Masouleh est en forme de gradins ; ainsi, il possède la meilleure morphologie architecturale avec une forme extravertie en relation avec le climat tempéré humide pour fournir confort et ventilation naturelle. Par conséquent, les bâtiments sont construits ouverts dans deux ou quatre directions, et aussi haut que possible au-dessus du sol. La forme du bâti à Masouleh est influencée par le taux très élevé de pluie et d’humidité, et  donc prête à faire face à ces deux éléments.

La texture du village de Masouleh organise une sorte de coexistence entre le paysage naturel et l’architecture de l’environnement créé par l’homme.

 Masouleh ne se blottit pas dans la partie inférieure de la vallée pour deux raisons :

  1. Froid intense la nuit et sa domination dans la partie inférieure de la vallée.
  2. Le danger de l’inondation. De plus, la partie nord de la montagne est très froide car elle est située à l’ombre et, par conséquent, elle provoque un manque de confort pour les habitants. En outre, en raison des vents forts et du manque de contrôle de la barrière, le sommet de la montagne est un endroit inapproprié pour le village. En conséquence, le milieu du piémont a été choisi pour établir Masouleh car il est en accord avec les pentes naturelles, et est susceptible de recevoir un rayonnement solaire optimal.

Les voies de circulation à pied dans Masouleh sont conçues avec une pente appropriée et en forme d’escaliers de deux manières : la première , des routes longitudinales et parallèles avec peu de marches; la seconde,  des voies transversales avec un assez grand nombre de marches qui assurent la circulation entre la partie supérieure et aussi la partie inférieure de ce village.

 L’une des caractéristiques les plus importantes de Masouleh est que les toits des maisons sont utilisés comme voies d’accès. C’est comme si chaque bâtiment était une cour pour le bâtiment supérieur, et ces cours ont leurs usages sociaux comme marcher et organiser des cérémonies…

Les formes de bâtiment sont extraverties et  hautes par rapport au sol afin d’éviter l’humidité, elles sont en harmonie avec le climat humide et tempéré; on y trouve des balcons extérieurs et de grandes fenêtres qui facilitent les relations entre espaces extérieur et intérieur du bâtiment.

Chaque maison a entre un à 4 étages, et plus de 70%  ont deux étages. Le rez-de-chaussée est normalement non résidentiel et sert soit d’entrepôt, soit de grange. L’entrée est également à ce niveau, et les étages supérieurs sont résidentiels. Cette architecture comprend des espaces intérieurs uniformes comme: 1) pièce principale, 2) salle d’hiver: une pièce à l’arrière de la maison dont la seule source de lumière était un orifice appelé « Ivan », 3) partie ou comptoir d’été, 4) entrée, 5) escalier, 6) entrepôt et 7) toilettes; qui est en coordination avec les conditions climatiques, topographiques et sociales.

L’ensoleillement, la priorité donnée à l’écoulement de l’eau de pluie, la contiguïté appropriée et précise  et le mode de communication ont figuré parmi les critères les plus importants pour la conception de la maison.

Les matériaux utilisés dans différentes parties du bâtiment sont variés et associent  pierre, adobe et  bois, qui sont tous locaux. Le bâtiment est appuyé sur une roche laissée intacte. Les architectes locaux ne brisent jamais les roches solides en morceaux, à cause de leurs problèmes d’humidité. Par conséquent, ils les utilisent pour construire deux ou trois bâtiments au sol sur la pente naturelle afin de montrer l’intégration de l’architecture à la topographie naturelle de l’environnement et de créer une vue magnifique .

Ils utilisent également un type de sol gris comme matériau isolant contre la chaleur et l’humidité, ce qui améliore sa fonction isolante; et l’utilisation par les habitants des toits comme voie de circulation aide les maisons à isoler.

La structure des murs est en moellons jusqu’au premier étage, puis avec des briques de 8 x 30 x 30 centimètres…  il y a des poteaux de bois disposés tous les mètres afin de répartir la force de pression du toit vers le sol .

Les murs perpendiculaires au cheminement extérieur portent les poutres principales et porteuses parallèles à la façade . Les piliers principaux d’une épaisseur de 40 centimètres ne sont pas dans la façade en raison du nombre élevé d’ouvertures car le mur ne serait pas assez solide. Les autres poutres porteuses sont utilisées  parallèlement au mur pour aider à la distribution de la pression. Dans les cas où la largeur de la pièce devient plus grande, deux poutres porteuses avec un espace de 20 à 30 centimètres seront utilisées.

Conclusion : Pour les raisons suivantes, le village de Masouleh est une structure vernaculaire durable :

  1. a) Établissement de la structure au milieu du piémont, et en coordination avec les conditions climatiques de la région.
  2. b) Ce village est orienté vers le sud et le sud-est en coordination avec la pente naturelle pour recevoir le plus de soleil possible dans les hivers froids et enneigés de Masouleh.
  3. c) La structure en escalier, la haute densité et l’extension des maisons en hauteur en fonction des pentes naturelles.
  4. d) Voies de communication nord et sud selon le terrain naturel. La topographie et l’utilisation de matériaux locaux, tels que: bois, adobe et pierres naturelles, dans la construction du village.
  5. e) Conception de la vie en hiver et en été pour différentes saisons.
  6. f) Il n’y a pas de bruit et d’autres pollutions environnementales destructrices.
  7. g) Utilisation des puits naturels afin de fournir aux villageois leurs besoins en eau.
  8. h) Conception des toits avec des pentes douces pour modérer l’écoulement de l’eau de pluie et son humidité.
  9. i) Des isolants thermiques pour les saisons froides et un isolant d’humidité pour prévenir l’influence de la pluie.
  10. j) Utilisation des thalwegs naturels comme canaux de balayage.

Bien que l’architecture ancienne iranienne ait toujours été fondée sur la créativité et des caractéristiques durables, elle est  aujourd’hui loin de son origine sous l’influence du monde industriel moderne occidental. Selon de nombreux exemples, l’architecture ancienne iranienne a toujours été fidèle aux principes d’une architecture durable. Ainsi, ce village avec ses caractéristiques  pourrait être une leçon pour son extension future et  celle d’autres villages similaires impliquant les besoins de la vie d’aujourd’hui. »

On imagine aisément qu’un tel village, notamment sans aucun garde-corps, aurait un mal  fou à obtenir un permis de construire en France…les mentalités devront évoluer.

Le prochain texte nous ramènera en Italie .

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