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Billet de blog 10 février 2025

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Trace 147-Réhabiter 2

Les contraintes liées aux manques de carburants fossiles, mais surtout à la nécessité de ne plus les utiliser, vont créer de vastes modifications sociétales, rendant obsolètes un certain nombre d’équipements, liés  entre autres à la diffusion commerciale, aux loisirs de masse, aux transports, au travail enfin, dont l’organisation, et la nature vont changer.

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Les contraintes liées aux manques de carburants fossiles, mais surtout à la nécessité de ne plus les utiliser, vont créer de vastes modifications sociétales, rendant obsolètes un certain nombre d’équipements, liés  entre autres à la diffusion commerciale, aux loisirs de masse, aux transports, au travail enfin, dont l’organisation, et la nature vont changer.

Ceci ne pourra qu’entraîner une réaffectation de milliers de bâtiments, qui, bien qu’apparus dans les villes et autour depuis un demi-siècle à peine, nous semblent avoir toujours fait partie du paysage.

Les exemples suivant sont des modestes propositions pour amorcer ces changements aussi radicaux que nécessaires. Ils pourront paraître très improbables, comme me serait paru très improbable en 1976 d’imaginer que la caserne d’Espagne, à Tarbes, où je venais de faire « les 3 jours », c’est à dire , de me présenter, bien obligé, devant l’institution militaire, avant de choisir l’objection de conscience,  d’imaginer donc que cette caserne serait transformée en Ecole de Cirque, avec chapiteau fixe, salle d’entraînement , et hébergement de troupes circassiennes. C’est pourtant ce qui arriva, et  le projet que nous portions, avec Doazan-Hirschberger architectes, fut même choisi. Le chantier eut lieu en 2011. Les écuries de la caserne accueillirent donc les résidences d’artistes, de part et d’autre d’un couloir central crevé dans la toiture. La salle d’entraînement émerge des mêmes écuries. Le chapiteau se tient dans la cour de manœuvre, et Pyrénées Charpente y a fait une  de ses plus belles charpentes.

 La vengeance est un plat qui se mange froid. Les casernes deviendront toutes des cirques,  ça,  c’est tout vu. Attaquons-nous donc avec entrain aux cibles suivantes !

Supermarchés devenus étables et écuries :

18 Millions de m2 : c’est la surface, déjà évoquée Trace 109, des supermarchés et hypermarchés en France.

A quoi s’ajoute  les entrepôts des centres logistiques d’Amazon, et autres parasites : « Amazon  a établi depuis  14 ans près d'un million de mètres carrés d'entrepôts, contre 540 000 pour son principal concurrent Cdiscount. » Prenons un entrepôt de 45 000 m2 : 150 x 300 m, et attaquons.

Comme dit alors, il sera transformé en écuries et étables. Nous n’avons pas l’intention d’en faire une ferme comme celles de 10 000 vaches : ce qui pose problème dans ces projets démentiels, commerciaux, ou agricoles, étant avant tout la taille, il conviendra de diviser. Pour ce faire des bandes transversales  de toitures seront ôtées, pour laisser entrer le jour, ventiler convenablement et créer des circulations pour le nettoyage, le remplacement des litières…. D’autres coupures, longitudinales, seront mises à profit pour planter des arbres, qui finiront par ombrager un jour la toiture. Les façades recevront des cultures grimpantes : fruitiers, houblon, vigne, ...

Dedans, ânes, chevaux, vaches, chameaux, lamas voisinent : le changement climatique nous imposera, là aussi, d’autres choix.

Les éléments de structure récupérés par l’ouverture des failles servent à renforcer la toiture pout lui permettre d’accueillir une prairie, fauchée pour la nourriture des hôtes, dont nous reparlerons Trace 150.

Stades devenus terrasses horticoles :

Qu’en faire, de ces stades désertés ? Un vigoureux green-washing, au sens propre, c’est-à-dire un nettoyage par le vert, comme ce qui advint des amphithéâtres romains de Saintes, de Caerleon, de Pompéi, ou d’Arezzo. Ceci tout naturellement, sans qu’il ait été nécessaire  de porter terre ou semences, le temps, le vent et les oiseaux faisant leur office.

Voilà ce qui est envisagé, d’une manière plus active, pour les différents stades : une mise en culture, selon des terrasses facilement accessibles. Les cultures y seront adaptées, suivant les orientations. En cas de couverture des gradins, l’eau pluviale sera récupérée, et stockée dans les loges VIP transformées en citernes, pour les arrosages des bandes couvertes, suivant les expositions, de plantes adaptées.

Nous prenons ici le stade de Nice, dont la couverture translucide se prêtera bien à l’exercice, plus favorable qu’elle est aux courges qu’aux crânes des spectateurs égarés.

Aéroports devenus lycées agricoles :

Prenons par exemple Roissy. Les avions seront immobilisés, faute de kérosène. On peut imaginer d’en récupérer les éléments qui peuvent être employés dans d’autres véhicules : systèmes de navigation,… . Il faudra en extraire tout ce qui pollue ou présente des risques : kérosène, huiles hydrauliques, … uranium (mais oui),…

Ensuite ils serviront de classes, enfin sans distinction entre classe affaire et classe touriste, et seront au milieu des jardins et des prés, une fois que les pistes auront été suffisamment scarifiées pour laisser s’infiltrer l’eau de pluie. Les ailes pourront porter, si nécessaire, des panneaux photovoltaïques pour alimenter chaque classe. Y récupérer l’eau de pluie, dans les anciens réservoirs, pourrait servi pour les cultures. Des arbres seront plantés, qui fractureront de leur mieux les différents revêtements.

Les halls et circulations de la zone centrale, une fois vidés des boutiques qui les encombraient inutilement, peuvent servir pour y pratiquer des ateliers de formation à tous travaux manuels, utiles compléments à une formation plus théorique.

Une seule piste sera conservée, en tant que témoignage du passé, mais aussi pour le trafic des quelques rares avions solaires moyen-courrier.

Autour des avions, peu à peu, les pistes, et les espaces qui les séparaient finissent par se confondre en une multitude de lopins, que séparent des haies. Plus de bruits de réacteurs, seulement le chant des oiseaux.

Immeubles de bureaux, devenus logements et jardins ouvriers :

https://beta.gouv.fr/startups/bureaux.vacants.html : La montée en puissance du télétravail dans l’Ile-de-France va conduire dans les 10 prochaines années à un excès de 3,3 millions de m2 de bureaux, soit 6,5% du parc.

https://www.franceinter.fr/emissions/l-urbanisme-demain/l-urbanisme-demain-20-mars-2021 : Il faut savoir que L’Ile-de-France, compte par exemple, 3 millions de m2 de bureaux vides auxquels se rajoutent entre 3 à 6 millions de m2 du fait du télétravail. Ce qui finit par faire 10 millions de m2 inutiles et gaspillant l’énergie à qui mieux mieux. Des occupants, nous parlerons bientôt Trace 149.

https://www.sortirdunucleaire.org/Urbanisme-et-consommation-d-energie-des-batiments#:~:text=Les%20consommations%20%C3%A9nerg%C3%A9tiques&text=Par%20comparaison%20un%20b%C3%A2timent%20de,80%20kWhep%2Fm2%20tous%20usages.

Les ratios de consommation énergétiques sont nettement plus élevés dans une tour que dans un bâtiment de bureaux de quelques étages. Les plus anciennes montent jusqu’à 1000 ou 1500 kWhep/m2 tous usages ; les plus récentes consomment autour de 500 kWhep/m2 ; les tours les plus performantes affichent 200 à 300 kWhep/m2 (ex : tour PB6 à La Défense, Post-Tower à Bonn). Par comparaison un bâtiment de bureaux passif consomme autour de 70-80 kWhep/m2 tous usages.

Nous prendrons comme exemple le plan de la tour Granite, de l’architecte de Portzamparc et y logerons, d’une part des logements, d’autre part des cultures horticoles, autant que le vent nous le permettra.

Ce qui saute aux yeux, concernant la plupart des tours, est leur côté « désorienté », leur absence totale d’orientation. Exemple : les 4 tours-livres de Perrault constituent un geste niant tout Nord, ou tout Sud.

Revenant à la tour Granite,  nous distinguerons un noyau conséquent, composé de circulations verticales et de services (sanitaires,…), puis quatre faces, toutes garnies de bureaux.

Proposition 1 : Pourquoi ne pas alterner ? Un nord-ouest cultivé, un nord-est et un sud-est habité, un sud-ouest cultivé ? En effet, devant l’absence de protections solaires horizontales, le sud-ouest est exposé à des surchauffes, et l’alternance des secteurs peut faciliter la diffusion des effets rafraichissants de l’évapotranspiration sur les logements voisins. Les pluies, à Paris (les autres villes ont été plus modérées dans leurs élans érectiles) venant d’ouest, des dispositifs recueilleront à chaque niveau, dans un drain périphérique, les pluies battantes. Comme on le sait, elles peuvent parfois égaler la pluie au sol, et les rejeter est un gaspillage.

Le noyau central abritera sanitaires, et cuisines collectives. Les « appartements » sont donc délivrés des pièces d’eau, et comprennent seulement séjours et chambres, ou simples lofts.

Proposition 2 : L’idée serait d’alterner un étage habité, et un étage cultivé. Le drain devient périphérique, et sert de garde-corps. Un garde-corps bassin, peuplé de nénuphars et de lotus, où coassent les grenouilles.

Proposition 3 : Toutes les façades sont démontées. Chaque étage abrite des terrains cultivables, avec 10 à 15 cm de terre. Des modules de bois, isolés, et pourvus d’une partie des vitrages récupérés, sont disposés librement sur chaque plateau, se raccordant toutefois au noyau, pour plus de commodité.

Proposition 4 : Comme ce fut le cas du Colisée, ou du modeste Palais Gallien de Bordeaux, nous procédons au démontage et recyclage de tout ce qui n’est pas la structure de béton armé, laissée là pour servir d’aire d’atterrissage aux pigeons et aux goélands : un pigeonnier géant, où la fiente vient être ramassée annuellement. Ce que furent les tours des églises gothiques, entre XIII et XIX° siècle, pour consoler l’architecte.

Voilà bien des efforts pour sauvegarder ces emblèmes du capitalisme, direz-vous. Mais que sont les tours de San Gimignano, de Bologne, si appréciées de nos jours, sinon elles aussi des signes d’arrogance ?

Voilà bien du vert : c’est que nous aurons faim.

Voilà bien des efforts, direz-vous encore, pour juste pouvoir rester à Paris.  Je vous l’accorde. De toute façon, je préfère la campagne, comme on le verra au prochain numéro.

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