Me voilà au seuil du jardin, et donc d’un domaine mieux connu par certains de mes lecteurs que par moi-même, ce qui assez intimidant, et impressionnant : merci de me corriger, chers lecteurs, ou de venir à mon secours !
C’est impressionnant aussi, et émouvant, de voir combien de villes et villages français portent un nom rappelant qu’ils ont pris naissance d’une clairière en forêt.
Selon « Toponymie générale de la France » (1990) d’Ernest Nègre, par exemple, tous les noms celtiques comme :
Counozouls, clairière des chiens.
Cruéjouls, clairière en pays rude.
Lanuéjol, clairière sacrée.
Valuéjols, clairière des pommiers.
Vernajoul, clairière des aunes.
Courteuge, courte clairière.
Couteuges, clairière cultivée.
Bessuéjouls, clairière du buis.
Corneuge, clairière des cornouillers.
Genestuéjols, clairière des genêts.
Nuzéjouls, clairière du noyer….
Tous ces noms évoquent un village qui se pose dans une clairière, ou à sa proximité. Clairière naturelle ? clairière d’origine humaine ?
Cette histoire là n’est pas finie : à lire ce site :
http://foretgourmande.fr/la-conception-de-clairieres-dans-un-jardin-foret/
Ouverte dans l’idée de diffuser l’agroforesterie, la clairière a de multiples avantages :
Les auteurs rappellent d’abord ce qu’est l’agroforesterie :
« L’agroforesterie est un mode de culture largement répandu depuis des milliers d’années sous la ceinture tropicale, avec l’exemple des agro-forêts ou des jardins de case et dans les oasis. La grande majorité des espèces forestières sont vivaces, ce qui les distingue de l’agriculture annuelle, non pérenne. Dans les pays tempérés, l’agroforesterie est à réinventer et le premier jardin-forêt dans l’hémisphère nord date seulement des années 60, créé en Angleterre par l’inspirant Robert Hart. Pourtant, sous nos latitudes, la végétation naturelle n’est autre que la forêt et tout lieu laissé à l’abandon est voué, tôt ou tard, à retrouver cet aspect originel. Car, à bien y voir, l’agriculture, telle que nous la pratiquons, n’est qu’une succession de travaux (défrichage, labour, désherbage…) conçus pour détruire et empêcher la végétation climax de s’installer, avec tout ce cortège de conséquences que nous connaissons et subissons. Un jardin-forêt, quelle que soit sa taille, imite les processus naturels, gage de résilience, de durée et de sécurité. C’est une révolution agricole, la manière la plus aboutie de concilier les lois naturelles à nos productions alimentaires, de conjuguer les réussites du passé aux connaissances scientifiques et intuitives les plus modernes… »
Puis précisent ainsi :
C’est un jardin comestible étagé imitant la structure, la biodiversité et la résilience d’un jeune boisement naturel. On y trouve donc des arbres nourriciers de grand ou de petit développement, associés à des arbustes, des vivaces herbacées, des aromatiques, des annuelles, des légumes-racines, des champignons et des lianes qui complètent à merveille la structure verticale. Un plan d’eau peut venir parfaire la complexité du design et l’ensemble est implanté de manière réfléchie, pour intensifier les interactions positives. C’est l’utilisation de plantes essentiellement pérennes qui donne au système sa durabilité. »
« Une règle d’or à respecter sous nos latitudes : une forêt comestible tempérée doit être conçue de manière à laisser passer la lumière jusqu’au sol. Pour cultiver des annuelles et des plantes potagères, le design doit comporter des clairières ou prévoir un espacement suffisant entre les plantations. »
Sur les clairières, donc, en particulier :
« D’un point de vue purement structurel, la création d’espaces ouverts et de trouées lumineuses dans une agro-forêt permet de:
-créer une nouvelle niche écologique
-cultiver des annuelles héliophiles nécessitant chaleur et soleil comme bien des potagères (carottes, tomates…)
-implanter un point d’eau pour enrichir le système en accueillant une flore et une faune aquatique.
En plus de l’aspect esthétique et des services écosystémiques rendus, une mare offre aussi la possibilité de cultiver des plantes aquatiques ou hygrophiles alimentaires.
-d’aménager une petite aire de repos, de jeux, de pic-nic où peuvent s’exprimer la détente et la créativité en un lieu ensoleillé, en complément, pourquoi pas, d’un aménagement similaire en zone ombragée afin de profiter des deux ambiances selon l’humeur et l’époque de l’année.
-Enfin, pareil espace permet d’introduire des végétaux en limite d’aire de rusticité, l’atmosphère de la clairière étant différente du reste du Jardin-Forêt grâce aux rayons solaires plus intenses et à l’effet coupe-vent conservé.
Conception réfléchie:
Elle se fait en tenant compte de la hauteur qu’auront les arbres (ou arbustes) adultes en bordure de clairière et dont les tailles recherchées seront différentes selon la lisière considérée.
-En effet la lisière nord est celle qui comportera les arbres les plus élevés (cf dessin naïf) pour protéger des vents septentrionaux et parce qu’ils ne projetteront pas d’ombre dans la trouée.
-La lisière de l’Est arrête une partie de la lumière matinale quand le soleil est encore bas, que les températures sont fraîches et donc que la photosynthèse est ralentie. Cette lisière peut donc comporter des arbres relativement grands, d’autant qu’elle gardera un ombrage protecteur quand, certains matins d’hiver, un soleil trop virulent après une nuit glacée pourrait endommager, par contraste thermique trop brusque, les tissus végétaux encore gelés. (situation qui peut se présenter par exemple chez les persistants comme les camellias utilisés pour la récolte de thé.)
-La lisière de l’Ouest au contraire, contiendra des essences de petites tailles, arbustives, pour améliorer la quantité de lumière reçue en soirée, quand les températures sont chaudes et que la photosynthèse est à son optimum.
-Au Sud de la clairière, la lisière comportera des arbres de taille basse, mesurée ou haute selon que l’endroit considéré aura besoin d’être embrassé ou non par les rayonnements de midi, forcément les plus chauds.
L’utilisation de caduques ou de persistants n’aura pas les mêmes répercussions automnales et hivernales sur le biotope et une implantation panachée ne pourra que parfaire la complexité du système multi-étagé. »
Reste à voir si de telles clairières, créées dans un but purement agricole, peuvent accueillir une forme, même minime, d’urbanisation, comme le suggère le premier paragraphe. Sans toutefois détruire les équilbres … la chose est funambulesque, mais vaut d’être tentée.