La sortie en ligne du très riche « Atlas des régions naturelles de France », de Nelly Monnier et Eric Tabuchi vient à point pour confirmer l’intérêt d’une géographie explorant un pays selon un découpage lié à des unités naturelles, plus que politiques, comme en fait foi le découpage adopté par les auteurs , où l’on retrouve Entre-deux-mers, Baronnies, Trégor, Limagnes, ….
https://www.archive-arn.fr/?fbclid=IwAR1RRyqvBxTo02aMyZU0-A7xURbgmlVZ2YIRnPdKj1nNMAHTXxFPx_JTeN4
« Pour résumer, le terme de région naturelle est une notion assez vague qui désigne des territoires aux limites tout aussi incertaines. Cette imprécision, qui tempère l’autorité des cartes conventionnelles, nous a paru propice à décrire le continuum territorial qui est davantage une succession de nuances parfois ponctuées de ruptures franches - s’il fallait trouver une comparaison, on pourrait dire que les régions naturelles sont tour à tour des teintes d’aquarelle dont les contours se mélangent et des aplats de gouache dessinant des aires distinctes. »NMET
C’est là une autre manière de remettre en cause les frontières nationales, thème des Traces 41 et 42.
Nous explorerons cette notion de «Bio-région», en suivant d’un côté Kirkpatrick Sale, et son «Art d’habiter la terre »(1985, trad.fr. 2020) , d’autre part l’école italienne, ou plutôt toscane, autour de Alberto Magnaghi , dans «Urbanistica e pianificazione nella prospettiva territorialista» (2020), en laissant la conclusion à Thierry Paquot, pour tenter une forme de synthèse.
Nous avons été récemment abreuvés de la carte des 50 états américains, mais une autre carte, plus pertinente, à l’échelle des siècles passés, et qui sait des siècles à venir, c’est celle des nations indiennes. Kirkpatrick Sale y fait mention dans son livre, notant la pertinence de cette partition (pour reprendre le terme de Vinciane Despret, qui m’enchante) (voir Traces 42).
Tout d’abord, nous avons tellement à apprendre, et cela même est déjà enthousiasmant :
« Pour devenir des habitants de la terre, pour réapprendre les lois de Gaea, pour en venir à une compréhension profonde et sincère de la terre, la tâche la plus cruciale est de comprendre le lieu, le lieu exact où nous vivons spécifiquement. Les types de sols et de roches qui sont sous nos pieds ; la source des eaux que nous buvons ; le sens des différentes sortes de vents ; les liens avec les insectes, oiseaux, mammifères, plantes et arbres ; les cycles particuliers des saisons ; les périodes auxquelles il est judicieux de planter, cultiver, fourrager – voilà ce qu’il faut savoir. Les limites des ressources du lieu, la capacité de charge de ses terres et de ses eaux ; les endroits fragiles ; ceux où les fruits peuvent se développer au mieux ; la présence de trésors cachés – voilà ce qui doit être envisagé. Enfin les cultures des peuples, des populations natives d’un territoire, qui ont grandi avec lui, les arrangements humains, sociaux et économiques, dessinés et adaptés selon des paramètres géo-morphiques à la fois urbains et ruraux – voilà ce qui doit être pris en compte. »KS
En effet, il nous faut : «Connaître la terre sur laquelle nous vivons et ses ressources. A ce sujet, nous n’en saurons peut-être jamais autant que ceux qui y habitaient à l’origine, ceux-là même qui avaient 40 mots pour décrire la neige et qui connaissaient chaque arbre de la forêt. »KS
L’auteur nous engage à retrouver également une forme d’organisation sociale proche de celle des amérindiens : « S’il doit y avoir une échelle à laquelle la conscience écologique peut être développée, c’est bien au niveau régional. » KS
« Puisque les amérindiens dépendaient de la terre pour subvenir à leurs besoins, et parce que leurs modes de vie variaient en fonction des types de territoires, ils s’étaient répartis selon ce que l’on reconnaît aujourd’hui précisément pour des bio-régions.
Si l’on devait définir le composant unique le plus basique du monde écologique, il s’agirait de la communauté. »KS