jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

245 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 novembre 2024

jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

Trace 1, Villes 1

jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette recherche dont il était question plus haut passe par des lectures, sans négliger un contact permanent, mais point trop invasif, avec le présent.

Du cheminement, laisser tous les deux jours ici quelques traces palpables, un peu comme les  cailloux du Petit Poucet, voilà l’objectif de ces notes d’écoute et de lecture, commentées, qui ouvriront, je l’espère bien des questions, en attendant d’y apporter un jour des réponses. Des lectures tressées, pour faciliter les collisions entre elles.

 La journée d’aujourd’hui commence avec l’optimisme de Mohammad Yunus, prix Nobel de la Paix 2006 :

 https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/05/muhammad-yunus-la-crise-du-coronavirus-nous-ouvre-des-horizons-illimites-pour-tout-reprendre-a-zero_6038665_3232.html

« Du désespoir et de l’urgence de l’après-coronavirus, un Etat adoptant la bonne attitude pourra faire émerger un foisonnement d’activités comme on n’en a jamais vu. C’est à cette aune que l’on mesurera la qualité des dirigeants : montrer la voie d’une renaissance radicale du monde, par des moyens inédits, en fédérant tous les citoyens. » MY - Le Monde 5 mai 2020.

J’aime bien le mot Renaissance.

 Philippe Descola, cité il y a peu, rappelle dans une interview l’objectif :

https://www.franceinter.fr/environnement/les-entretiens-confines-avec-philippe-descola-inventer-de-nouveaux-modeles-de-vie?fbclid=IwAR1kQkzyjszKtKojWorEMVqCCaU0civnbRDFLFGVpE5xeMBgEdpsBCRMnrk

« L'espoir, c'est que cette pandémie nous pousse à devenir moins routiniers, plus imaginatifs. Toutes les grandes crises ont ceci comme effet d'engager un retour sur soi-même, sur nos conditions de vie -lorsqu'il ne s'agit pas de la survie-. C'est un tremplin pour imaginer des conditions de vie qui soient différentes de celles dans lesquelles on a vécu jusqu'à présent. »

Ainsi que le rôle éminent de l’anthropologie : « Le fait de faire connaître des formes différentes d'habiter le monde incite à mettre en question le caractère quasiment inéluctable de notre propre manière d'habiter le monde. »

Il est une autre façon de visiter ou revisiter des « manières d’habiter le monde », c’est l’histoire.

Admiratif, comme beaucoup, des villes italiennes, et les voyant comme un modèle de l’urbanité perdue, et qui serait à reconstruire, en suivant ce que dit Thierry Paquot dans la très riche interview publiée par Bastamag,

https://www.bastamag.net/deconfinement-ville-densite-urbaine-covid-transport-en-commun-velo-teletravail-retour-a-la-campagne-entretien-thierry-paquot

je m’interroge comme lui sur la taille optimale pour une ville, et je prends comme guide la lecture de : « Le città italiane del Medioevo », de Franco Franceschi et Ilaria Taddei (2012), dont voici quelques aperçus, avec les quelques brèves réflexions que cette lecture m’inspire :

p.27 Après la peste, la population de Firenze est passée de 100 000 à 40 000, Sienne de 50 000 à 18 000,…

Faut-il des villes plus grandes, quand on voit le rayonnement de Firenze ou de Sienne, dès le trecento ? A comparer avec celui de Wuhan, par exemple, et ses 11 millions d’habitants …

p.31 Il est question de soi-disant lois somptuaires : pourquoi ne pas rétablir des lois somptuaires : comment tuer, si la pandémie elle-même n’y a pas réussi, cette addiction à la marchandise, qui ne date pas du néo-libéralisme (ce serait trop beau), et faire en sorte que la richesse même devienne inutile, si le paraître , qui en est le signe ostentatoire, devient prohibé ? Les lois somptuaires dans le Japon du XVI et XVIIème siècle n’ont-elles pas contribué à la naissance d’une culture plus raffinée en architecture, art des jardins,… ?

  Réponse de Michel de Montaigne (Les Essais, I, XLIII) Des lois somptuaires, où il note : « La façon dequoy nos loix essayent à régler les foles et vaines despences des tables et vestements, semble estre contraire à sa fin. Le vray moyen, ce seroit d’engendrer aux hommes le mespris de l’or et de la soye, comme des choses vaines et inutiles; et nous leur augmentons l’honneur et le prix, qui est une bien inepte façon pour en dégouster les hommes; car dire ainsi, qu’il n’y aura que les Princes qui mangent du turbot et qui puissent porter du velours et de la tresse d’or, et l’interdire au peuple, qu’est-ce autre chose que mettre en credit ces choses là, et faire croistre l’envie à chascun d’en user. »

p.48 à 63 : on y voit comment, favorisés par l’appui de l’Eglise, et donc aussi par les premières croisades, certaines villes, Pise, et Gênes, mais aussi Sienne et Lucques, font fructifier des échanges financiers, qui dépassent les flux de marchandises, dans un crescendo qui ira jusqu’à 1340, date des premières faillites, suite à la banqueroute du roi Edouard III d’Angleterre. De la colonie génoise de Caffa, en Crimée viendra en 1347 la peste noire…

Braudel, dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme (1979) signale :

« … le capitalisme n’a pas attendu le XVIe siècle pour faire sa première apparition. Je suis d’accord ainsi avec le Marx qui a écrit que le capitalisme européen (il dit même la production capitaliste) a commencé dans l’Italie du XIIIe siècle »

Avant d’affirmer :

« le capitalisme ne peut s’effondrer de lui-même, par une détérioration qui serait “exogène” ; il faudrait pour un tel effondrement un choc extérieur d’une extrême violence et une solution de remplacement crédible. »

Pour le choc, nous y sommes. La solution de remplacement crédible reste à construire. Un exemple à méditer, celui de Detroit :

https://www.traxmag.com/detroit-ruinee-la-ville-de-la-techno-revit-grace-a-lagriculture-urbaine/?fbclid=IwAR17SnBpJ89yJRlnkM58Iyz7oiPOvAkXCedF_-6gRVGB0bDHHCQtXmCaPlo

Comme si ce qui pouvait arriver de mieux à une ville serait de faire faillite, pour qu’un mode de vie raisonnable, avec cultures vivrières intégrées à certains quartiers,  puisse y voir le jour. Mais est-ce suffisant ?

Cette question des villes est un des centres de la réflexion. Faut-il les laisser dépérir, et revivre d’une autre façon, comme Detroit ? Ne faut-il pas tirer un trait sur cette explosion urbaine, laisser les villes aux jardins, aux canards et aux biches, et repartir à zéro, avec création de nouveaux pôles de vie, destinés ou non à faire ville ? La question est lancée…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.