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Billet de blog 17 novembre 2024

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Trace 2, Villes 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Improvisation sur une conférence de Paola Vigano.

Rappelons, pour être bien compris, le postulat de base : pouvoir accueillir des millions, disons 6 millions pour la France, de personnes déplacées.

Quoique l’on pense des métropoles, et de leur capacité à se réformer, à s’améliorer, à devenir plus poreuses, pour reprendre le concept cher à Paola Vigano, dont la conférence accompagne cette réflexion :

https://www.youtube.com/watch?v=dT9XMxJuM5k ,

 (voir notamment 23’40’’ : notion d’injustice spatiale) elles ne peuvent plus jouer ce rôle d’attracteur qu’elles jouent depuis l’urbanisation, mais surtout depuis le grand exode rural du XXème siècle. Le chômage dans les banlieues touche jusqu’à 40% de la population. Preuve s’il en est de l’impossibilité d’accueillir de nouveaux arrivants autrement que dans un régime d’assistance. Ivan Illich a étudié comment, au moment des débuts de la chrétienté à Rome, est née cette notion de charité, qui présupposait, et d’un certain côté, avait besoin de toute une frange de population à assister. Ceci ne peut être un projet de société ni enviable ni stable : c’est le nôtre.

Je suis très sensible, et intéressé, par le travail organisé par Cyrille Hanappe autour du concept de « Ville accueillante », ici avec l’exemplaire maire de Grande Synthe.

http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/la-ville-accueillante-accueillir-a-grande-synthe-a1439.html

Sans évoquer les réactions de refus, imprégnées de racisme, ou de protection d’une valeur du foncier, l’arrivée de nouvelles populations dans des villes, Paris, ou autres métropoles,  ne s’accompagne hélas pas automatiquement de créations d’emploi, sinon de services, à la limite de l’esclavage.

Pour en rester à l’initiative courageuse d’Angela Merkel en 2015, les résultats, en matière d’emploi sont assez disparates :

https://www.liberation.fr/planete/2020/02/20/depuis-2015-le-pays-mobilise-pour-integrer-les-refugies_1779105

«Au début il y a eu un véritable choc des civilisations», décrit Arras Marika, lui-même fils de réfugiés kurdes syriens arrivés en Allemagne il y a une vingtaine d’années. «Les Allemands visaient une main-d’œuvre qui leur manquait dans certains secteurs mais exigeaient des certificats ou des diplômes que même les artisans très expérimentés ne peuvent fournir pour prouver leurs compétences, puisqu’ils ont appris leur métier sur le tas. Les arrivants, eux, rejetaient souvent les emplois pénibles ou de service, très demandés sur le marché allemand mais mal payés, surtout par rapport aux allocations élevées proposées par les services d’aide, notamment pour les familles avec beaucoup d’enfants.»

https://www.la-croix.com/Monde/Europe/En-Allemagne-succes-demi-teinte-lintegration-refugies-2017-08-25-1200872002

« Rémunérés à moins de un euro, les demandeurs d’asile doivent s’engager dans de tels emplois qui concernent souvent des tâches basiques telles que « servir des plats ou s’occuper des espaces verts dans les abris pour réfugiés », selon le ministère de l’intérieur. »

Les associations, en dépit des annonces officielles optimistes, dénoncent :

https://www.infomigrants.net/fr/post/13801/allemagne-un-rapport-denonce-l-exploitation-de-travailleurs-etrangers

« Le rapport pointe aussi l’absence fréquente de contrats de travail ou de fiches de paie, ce qui rend difficile pour les travailleurs immigrés d’intenter ensuite d’éventuelles actions en justice. Leurs employeurs ne paient pas non plus de cotisations sociales. »

L’objectif reste bien que chacun, quelles que soient ses capacités, puisse non seulement travailler, mais le faire dans les conditions d’un travail qui réponde à ce que William Morris, dans « La civilisation et le travail » (journal 21 avril) appelle « travail utile », et non « vaine besogne ».

D’un autre côté, il existe en ville des populations privilégiées, disposant d’un emploi, d’un logement : mais le plus souvent, elles fuient la ville tous les week-ends, et aussi pendant le mois d’août. Comme le souligne Paola Vigano (42’50 ‘’), la ville Paris, en l’occurrence, est un lieu d’une grande richesse en matière de biodiversité, donc potentiellement d’un grand agrément : nos ancêtres n’ont pas situé leurs villes au hasard. Cela questionne donc fortement le fait qu’un lieu, construit, élaboré depuis des millénaires, soit un lieu d’où l’on ait autant envie de fuir, ce que la récente pandémie a mis en évidence :

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/26/confinement-plus-d-un-million-de-franciliens-ont-quitte-la-region-parisienne-en-une-semaine_6034568_4408996.html

La ville devient alors, selon les classes sociales, d’une part incapable d’être centripète, et d’autre part en partie centrifuge. Sans condamner la notion de congés payés, qui est un acquis social important, ne faut-il pas se donner les moyens de construire, et d’habiter, des lieux où l’on ait, simplement, envie de rester, toute la semaine, voire toute l’année ? Depuis 1978, j’ai eu la chance de vivre ainsi, sans y investir un sou : question de choix.

Les économies d’énergie nécessaires renforcent la nécessité d’un tel choix.

Concernant l’existant, comme le souligne toujours P.Vigano (56’25’’), démolir et reconstruire mobilise de grandes quantités d’énergie grise.  En même temps, l’amélioration thermique des bâtiments reste un exercice complexe d’une part, et la nature des différents réseaux nécessités par l’usage de l’automobile complique l’été la question du confort d’été, dans un contexte de réchauffement climatique : l’écart peut avoisiner les 10°C.

https://www.lemonde.fr/climat/article/2016/07/19/canicule-entre-un-espace-rural-et-la-ville-l-ecart-de-temperature-peut-etre-de-plus-de-10-c_4971921_1652612.html

Il est temps de réinterroger la métropole du XIXème siècle, celle qui s’est agglomérée autour d’industries qui, comme le souligne P.Vigano (58’30’’) sont en grande partie en déliquescence. Les formes de production ont changé, la délocalisation a fait des dégâts, le capital est allé investir ailleurs, et la ville subsiste, comme un anachronisme, absolument inadaptée à la nécessité de se déplacer que ce soit pour travailler, ou pour accéder à ce que Thomas More avait décrit comme une priorité dans son Utopie : de simples cultures vivrières. Mobilité des transports, et mobilité sociale étant par ailleurs étroitement liées (P.V. 1 :02’00’’) : il suffit de penser les difficultés à joindre centre et banlieue signalées, s’il était besoin, par Paul Chemetov, dans « Mille mots pour la ville » (1996).

Il est temps de songer à un lieu de vie qui ne reproduise pas aussi fidèlement les inégalités sociales, au sens double du mot : les mettre en évidence, mais aussi en assurer la permanence.

Il est intéressant de se dire que rien n’est moins pensé que ce développement tentaculaire des grandes agglomérations :

https://www.monde-diplomatique.fr/1970/02/CHOMBART_DE_LAUWE/29454

Elles semblent obéir à un abandon à une fatalité, grignotant de jour en jour de nouvelles terres arables de grande valeur : La question de la faim dans le monde n’est toujours pas résolue, et va vers des difficultés croissantes.

Le choix est de se tourner vers les forêts. J’entends déjà les protestations …

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