Aucun des textes présentés ici depuis mai n’est à proprement parlé une découverte : dans chaque champ exploré, ce sont des références connues, et saluées. Les rassembler ici, dans un projet précis, a deux buts :
Le premier, donner une orientation à ces différentes particules de savoir, qui comme des limailles de fer, s’orientant dans un champ magnétique, viendraient à dessiner tout à coup une figure lisible, un dessin.
Le second, qui s’apparente, relève plutôt de la masse critique : du brusque rapprochement de deux éléments s’atteint la masse critique nécessaire à la fission nucléaire, et de même peut-on espérer que tous ces objets réunis, une fois rassemblés, outre de figurer un dessein, trouvent une énergie multipliée, une énergie explosive.
La question reste la même : comme l’a exprimé récemment Eric Lenoir : sachant que 30% de la planète va devenir inhabitable, comment nous organisons-nous ensemble pour vivre dans les 70% restant ? Et y vivre bien , c’est-à-dire, une fois posées quelques priorités, entraide devant concurrence, beauté devant confort, ….chercher à les atteindre peut fonder sinon une civilisation, du moins un art de vivre, ensemble.
Résumé donc des 24 épisodes précédents , en deux fois douze :
Traces 27/ Animaux 3
« Ce n’est qu’en reconnaissant que tous les êtres vivants, quelle que soit leur espèce, vivent une seule et même vie qu’une politique planétaire et écologique peut être fondée. Ce n’est que lorsque nous reconnaissons que la vie qui nous anime et nous traverse est la même que celle qui anime et traverse un pissenlit, un oiseau de paradis, mais aussi les champignons, bactéries ou virus qui ont causé tant de morts que nous pouvons changer notre regard, notre attitude et nos actions envers la planète. » Emanuele Coccia, dans « Métamorphoses » (2020).
Qui continue ainsi sur les villes : « Tout ce qui ne relève pas du minéral et de l’humain… est repoussé à l’extérieur de la ceinture urbaine, dans la forêt….Or cette opposition, qui a guidé la manière d’imaginer notre cohabitation et notre politique, est tout à la fois illusoire et dangereuse. »
Traces 28/ Animaux 4
« Avec la transformation de groupes humains primitifs en Etats, nous sommes passés de l’homicide à la guerre, du meurtre au génocide, de la disette familiale à la famine, de la diversité sous toutes ses formes à l’homogénéité, de la maladie, en tant que défaillance organique individuelle ou atteinte de parasites, à des épidémies de masse mortelles, d’un pouvoir centré sur le groupe ou un conseil à une hiérarchie d’empires, d’une folie occasionnelle à une aliénation mentale de groupe. » Paul Shepard « Nous n’avons qu’une terre » (2019)
Traces 29/ Lenteur 1
Aborder ce sujet de la lenteur, dans les pas d’un éléphant, dans le glissement d’un escargot, dans l’écoute d’un arbre est une étape nécessaire, avant de parler pour notre projet d’infrastructures routières, ou de simples cheminements, et de comment s’y déplacer, étant entendu au moins une chose : ce sera sans carburant fossile. Et sans doute lentement…
La question est de redonner valeur à cette lenteur.
« La lenteur, c’était, à mes yeux, la tendresse, le respect, la grâce dont les hommes et les éléments sont parfois capables. Pour ma part, je me suis promis de vivre lentement, religieusement, attentivement, toutes les saisons et les âges de mon existence. » Pierre Sansot, « Du bon usage de la lenteur » (1998).
Traces 30/ Lenteur 2
Que la lenteur soit un choix gastronomique, un choix esthétique, un choix éthique, elle est finalement un choix politique, au sens premier : elle peut redonner forme à la ville, que la vitesse a dévastée.
Traces 31/Politique 1
Car c’est bien de politique qu’il s’agit ici, que nous parlions de loups, d’arbres, ou de fontaines.
Comme on le voit en lisant Pierre Clastres, les structures politiques peuvent être vues comme étant à la source d’une économie de l’accumulation, ce qui est bien notre problème aujourd’hui.
« Il n’y a rien, dans le fonctionnement économique d’une société primitive, d’une société sans Etat, rien qui permette l’introduction de la différence entre plus riches et plus proches, car personne n’y éprouve le désir baroque de faire, posséder, paraître plus que son voisin. La capacité, égale chez tous, de satisfaire les besoins matériels, et l’échange des biens et services, qui empêche constamment l’accumulation privée des biens, rendent tout simplement impossible l’éclosion d’un tel désir, désir de possession qui est en fait désir de pouvoir. La société primitive, première société d’abondance, ne laisse aucune place au désir de surabondance. »Pierre Clastres , « La société sans état » (1974).
Traces 32/Politique 2
Cette réflexion de Pierre Clastres trouve aujourd’hui de multiples échos, comme si le monde était désormais prêt à l’entendre, mais aussi à le mettre en pratique, comme on le voit à Notre Dame des Landes.
Traces 33/Décarboné 1
Une des difficultés de la réflexion sur un nouvel emploi du monde est bien qu’il faille y proscrire l’usage des énergies carbonées. De là cette réflexion sur la lenteur, qui était un moyen de s’acheminer, lentement, vers cette difficulté.
Diviser par six notre émission personnelle, et collective, ne sera pas facile.
Traces 34/Décarboné 2
Comme un rideau levé sur des visions qui trouveront leur place plus en aval dans la recherche, ont été proposées quelques fictions, venant répondre à celles imaginées par l’ADEME pour trouver des modes de vie économes en émission de CO2.
Que ces fictions aient été accueillies comme un vent de fraîcheur, malgré les conditions de vie assez exigeantes qu’elles décrivent, est encourageant.
Traces 35/Chemins 1
Une fois la lenteur assumée comme valeur, retrouver les chemins où l’exercer. Tel est ici le thème.
Il s’agit , plus que d’y cheminer, de s’en servir comme de la charpente, pour reprendre le terme de Gaston Roupnel, des futures cités .
« Ces chemins de desserte rurale sont, nous l’avons dit, les traits essentiels, les lignes de force, dans la construction de la clairière culturale. Cette clairière, ce monde élémentaire, cette construction fondamentale qui reste le thème terrestre et sensible sur lequel se développe tout le système d’association de l’homme avec le sol… nous la connaîtrons quand nous en aurons rétabli toute l’architecture…. »Gaston Roupnel, « Histoire de la campagne française » (1932).
Traces 36/ Chemin 2
Mais construire route, sans béton, ni bitume ?
Oui, et même des routes durables, dans le sens premier du terme, comme la Via Appia, et tant de voies romaines, que nous sommes allés voir, et dont les poètes de l’époque décrivent par le menu la construction. De quoi s’inspirer …
Traces 37/ Clairières 1
Que tant de villages aient pris naissance par une clairière, c’est ce qu’enseigne la toponymie.
Comment s’en inspirer aujourd’hui, mais dans une formule composée d’ « égards ajustés » envers la forêt, pour reprendre les termes de Baptiste Morizot dans « Raviver les braises du vivant »(2020) ?
Nous commençons ici une exploration de l’agroforesterie…
Traces 38/ Clairières 2
Avec Roupnel, mais aussi seuls, il nous appartient d’apprendre à lire le paysage, pour y déceler les anciennes clairières, mes anciens chemins, afin d’en ouvrir de nouveaux, au sens propre comme au sens figuré.