A la recherche d’un mode de construction réunissant les critères suivants :
Utilisant un minimum d’outillage.
Faisant appel plus au savoir-faire qu’au déploiement d’énergie, humaine, ou mécanique.
Permettant de construire sur deux ou trois étages, avec une densité importante, sans risque d’incendie.
Permettant de modifier une maison achevée, en créant des ouvertures, des extensions, un étage,…
Donnant un minimum d’isolation, tout en gardant une inertie thermique importante.
Etant à la fois durable à l’infini, mais aussi démontable et recyclable.
Utilisant des matériaux locaux, sur chaque site.
Facilitant une utilisation rapide des lieux, avec un temps de séchage réduit.
Autorisant tout type de décoration : fresques, …
Se prêtant facilement à l’auto-construction, car comprenant des opérations successives relativement simples, mais aussi tout une progression de tâches de complexité variable, permettant d’organiser une formation, une transmission, sans lesquelles il n’est pas d’auto-construction possible.
Bénéficiant d’une expérience multimillénaire, tout en étant reconnu aujourd’hui.
Je me dirige, sans exclure tout autre procédé, vers le torchis.
Bien des villes médiévales furent d’abord des villes de torchis, avant que l’enrichissement de leurs habitants ne leur permette de substituer la brique, ou la pierre, au remplissage de torchis, pour le prestige plus que pour le confort.
Pourquoi pas les bottes de paille ?
Je rappelle que nous nous plaçons ici, que cela plaise ou non, dans une perspective où les énergies fossiles sont proscrites, et nous devons oublier les moissonneuses batteuses à 220 000 euros, avec leurs 350 CV et leur consommation de 52 l/h, et les jolies bottes de paille….
N’importe quelle paille, bien sûr la plus longue possible, ainsi que beaucoup des terres que l’on trouve sous nos latitudes, conviennent pour le torchis. Celle du seigle paraît bien adaptée.
Pourquoi pas le pisé ?
Un chantier de pisé nécessite de très importantes quantités de terre.
Je me réfère ici au travail de Anne Lyse Antoine et Elisabetta Carnevale : « Architectures contemporaines en terre crue en france de 1976 à 2015 » (2016) :
« En définitive, est-ce que construire avec ce qu’on a sous les pieds est un mythe ? Selon Frédéric Moy, « travailler avec la terre du site, c’est une utopie totale. Je n’ai jamais découvert de trou à côté de la maison qui justifiait l’usage de la terre du site pour construire. Par contre j’ai toujours trouvé une carrière à un minimum de 100m. Cette idée est l’ennemi de la terre. Ce n’est pas rentable. Personne ne veut qu’on fasse un trou.» ALAEC
Rentre aussi en ligne de compte la nécessité d’isoler le pisé :
« La tendance pour les nouveaux projets en pisé est de laisser ce matériau visible, car son aspect constitue une raison esthétique dépassant la contrainte économique. Comme pour le béton, l’aspect brut du pisé est très apprécié des architectes. Cependant la notion de confort et la réglementation thermique en vigueur imposent d’isoler les murs extérieurs en terre crue. Ce contexte mène au développement de nouveaux systèmes constructifs, l’isolation par l’intérieur ou l’extérieur avec un isolant perspirant ou bien le double mur en pisé isolé en sandwich. »ALAEC
Vient alors la nécessité de rassembler les connaissances sur le torchis, pour le mettre en œuvre de façon correcte : « En 2012, la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) et le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE) organise un groupe de travail d’une trentaine de membres: entreprises, laboratoires, centre technique, producteurs, maîtres d’oeuvres, syndicats professionnels pour définir les obstacles du développement de la filière terre crue et des plans d’actions. A l’issue de ces 6 réunions sont ressorties, en janvier 2013, des stratégies, un rapport final et l’initiative de produire, à partir de 2015, un guide de bonnes pratiques pour les six techniques constructives : Pisé, Bauge, Brique de terre, Torchis, Terres
allégées, Enduits .”ALAEC
Ce qui suit est donc extrait du “Guide des Bonnes Pratiques, édition 2018 “, en commençant par la définition du torchis :
« Les torchis désignent un complexe de matériaux solidaires associant terre, fibres végétales et supports en bois. Les torchis comblent les vides de la structure porteuse à laquelle ils sont reliés. Ils apparaissent avec la sédentarisation des populations et figurent à l'heure actuelle parmi les techniques de construction en terre crue les plus utilisées dans le monde. »GBP2018
Sur la provenance locale des remplissages :
« Les pailles et balles de céréales (orges, avoine, seigle, blés, méteil …), les foins, le jonc, le roseau, les cannes, l’ajonc, les molinies et carex, la bruyère, les filasses de chanvre et de lin, les crins et bourres constituées de fibres fines d’animaux (veaux, vaches, chevaux …), ou de végétaux sont ou ont été utilisés, seuls ou en mélange y compris les copeaux de bois. Cette liste n’est pas exhaustive. »GBP2018
La structure du barreaudage, elle, peut se faire avec des petits bois inutilisables par ailleurs .
De la longévité du matériau, témoignent de nombreuses constructions, des villages entiers aussi :
« Le torchis est un matériau d'une très grande longévité pour autant qu'il est protégé des projections d'eau directes ou jaillissantes, de l'humidité remontante par le soubassement ou descendante par désordre de la toiture. La face vue du torchis revêt différents aspects de finition.» GBP2018
A l’appui de techniques de barreaudage assemblés par rainures et encoches dans les montants, l’avertissement suivant :
« Les matériaux ferreux ou s’oxydant sont déconseillés en particulier sur les parois au contact de l’extérieur du bâtiment. De plus, les connecteurs et matériaux métalliques de la structure captent parfois le point de rosée et sont responsables de dégradations des bois de structure et de fixation. »GBP2018
Sur la capacité isolante des murs, ceci :
« Les épaisseurs du torchis sont variables allant d'environ 3 cm et assurant un simple rôle de fermeture jusqu'à atteindre 20 cm d’épaisseur rarement plus. L'enrobage des supports de fixation fait 2,5 à 3 cm minimum. Une épaisseur de cloison, de chape ou d'enveloppe couramment rencontrée est de l'ordre de 8 à 16/18 cm. »GBP2018
Les contributeurs, la plupart pratiquants, de cet ouvrage de référence, originaires de différentes régions, ont apporté chacun leur manière de faire . Cette diversité ne doit pas effrayer : elle est au contraire la preuve d’une technique qui sait s’adapter au contexte :
« On connaît quelques grandes familles de techniques de pose. Cette liste reste ouverte.
Citons par exemple :
- la pose à cheval par dessus le support de fixation d’un boudin de mortier recouvrant le rang précédent ;
- la pose projetée en garnis ou en surface à la manière d’un enduit ou d’un renformis par des moyens mécaniques ou manuels ;
- la pose plaquée comme un enduit ;
- le tressage avec une corde de fibres sèches ou imprégnées de barbotine autour des barres du support de fixation , comme dans les Landes.
- la pose d’un coffrage temporaire d’un côté de la structure porteuse, puis la pose à cheval depuis l'autre face. Le coffrage pouvant être retiré immédiatement après la pose. »GBP2018
Même si, de par mon histoire, je reste fidèle au mode de pose vu à l’Ecomusée de Marquèze, et à la forêt landaise. Nous retrouverons les forêts, et aussi les Landes, dans les prochains textes.