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Billet de blog 20 novembre 2024

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Trace 8, Eau 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Une de nos hypothèses de base ici est le fait que nous n’avons pas tant besoin de nouvelles technologies, mais bien plutôt de puiser dans un répertoire existant, immense, qui, dans son économie de moyens, est déjà parfait.

Sur cette question de l’eau, les recherches, et les solutions existent depuis 10 000 ans, pour certaines.

La lecture du très riche « L’hydraulique dans les civilisations anciennes » Pierre-Louis Viollet (2004) rend modeste : qu’avons-nous inventé depuis 5000 ans ?  Je lui emprunterai beaucoup ici.

A l’heure où le changement climatique risque de faire ressembler demain les conditions météorologiques en France et en Italie, à celles qui règnent aujourd’hui au proche Orient, ou au Maghreb, s’inspirer de ce qui s’y est fait depuis si longtemps a aussi un sens.

Quelques extraits ,donc :

En Mésopotamie :

Irrigation des cultures :

« C’est du VIIe millénaire av. J.-C. que sont datées les premières traces certaines d’irrigations, sur la moyenne vallée du Tigre, aux pieds du Zagros, sur les sites de ce que l’on a appelé la civilisation de Samarra. »

Systèmes d’assainissement :

« C’est même dès la fin du Néolithique, aux alentours de 6500 av. J.-C., à El-Kowm, El-Kowm, qu’existent les plus anciennes traces connues de dispositifs permettant d’évacuer l’eau des maisons. »

Irrigation :

« Cependant, il est probable qu’à l’époque des cités-états indépendantes (-3000 env.) le système des canaux secondaires d’irrigation reste essentiellement local, organisé à l’image du terroir

qui entoure chaque cité : un anneau de jardins, un anneau de cultures céréalières irriguées. »

Ce qui a de quoi nous inspirer fortement.

Mais Mari aussi, est étonnante :

 « Vers 2800 ou 2900 av. J.-C., des Sumériens ou peut-être des gens déjà installés un peu plus au nord à Terqa fondent Mari, sur le cours moyen de l’Euphrate, au carrefour des pistes vers le littoral syrien, à proximité du débouché de la vallée fertile du Khabur. Ce n’est pas un village qui a grossi, c’est une « ville nouvelle ». La région de Mari est tout à fait aride, rien n’y est possible sans irrigation, alors que 200 km plus au nord, au pied du Taurus oriental, on peut trouver des terres naturellement bien arrosées. Les raisons de sa fondation ne peuvent donc être que le commerce et le contrôle de la voie fluviale. »

Quelle organisation sociale liée à ces travaux ? L’auteur nous livre son point de vue : 

« Cette maîtrise de systèmes hydrauliques complexes ne peut se concevoir sans une forte organisation sociale. Les royaumes mentionnés plus haut sont effectivement organisés et hiérarchisés. » Sont-ils organisés pour pouvoir répondre à ces difficultés ? Ou bien ces difficultés pourraient être résolues aussi bien, sinon mieux, avec une autre organisation sociale ?

 Ceci est une question à élucider, à la lumière d’Ivan Illich : ces systèmes, aussi anciens soient-ils, ne seraient déjà plus « conviviaux » ?

En Crête : Adductions d’eau et lavoirs :

« Ces lavoirs sont apparemment alimentés par un conduit qui descend le long d’un escalier et qui provient d’un bassin où l’eau de pluie collectée à partir des terrasses est conservée. »

Attesté dans l’Iliade:

« Qui n’a vu un homme tracer des rigoles partant d’une source sombre, pour guider le cours de l’eau à travers plants et jardins ? Un hoyau à la main, il fait sauter ce qui obstrue chaque canal. L’eau alors se précipite, roulant en masse les cailloux, et vivement s’écoule, murmurante, sur la

pente du terrain, dépassant même celui qui la conduit. » Homère, l’Iliade, XXI, 250.

Le rapport avec la science de l’époque est évoqué, en parlant de la Grèce :

« Les quelques extraits cités ci-dessus montrent également que le savoir-faire hydraulique est en Grèce très en retard par rapport à l’Orient. Et pourtant, cette Grèce classique nous est connue comme un lieu privilégié du développement de la pensée philosophique et mathématique.

Deux faits sont à souligner. En premier lieu, la science grecque à cette époque met en quelque sorte un point d’honneur à être déconnectée de l’ingénierie, à ne pas servir à des applications pratiques. En second lieu, et c’est en cela que l’on peut effectivement parler de science peut-être pour la première fois, les « sages » recherchent par le raisonnement les explications des grands phénomènes naturels. »

Comment pratiquer, arriver à la pratique sans faire le détour de la théorie ? Ce sera l’occasion d’aller au « Barefoot college » de Tilonia, au Rajahstan. La théorie comme entrave ? Voire …

Une synthèse se fera néanmoins à Alexandrie :

« Les conquêtes d’Alexandre le Grand mettent en contact le savoir-faire hydraulique de l’Orient, resté durant des millénaires transmis par tradition orale, avec l’esprit d’observation et d’analyse des Grecs. La ville d’Alexandrie, fondée sur la façade maritime de l’Égypte, devient, pour de nombreux siècles, le centre scientifique du monde connu. Le savoir des scientifiques de l’École d’Alexandrie reste, en Orient comme en Occident, inégalé pendant tout le millénaire suivant, jusqu’à la Renaissance en Occident. »

Vers le moyen-âge :

« Tandis qu’en Occident, au Moyen Âge, on oublie que la Terre est ronde… mais dans l’expansion démographique des XIIe et XIIIe siècles, on assèche des terres et on construit des moulins. »

Nous verrons ceci en analysant la période liée à l’expansion de Cluny. Mais les prochains chapitres traiteront de Rome, de l’Andalousie et de Sienne….tous ont à nous apprendre.

 NB : Les photos des norias qui illustrent ce texte sont extraites du très beau et stimulant ouvrage de Nicolas T. Camoisson : « Les roues interdites – Hommage aux norias syriennes et à leurs artisans (2016).

Pour l’heure, il faut hélas signaler que 10 000 ans après ces développements, il y a encore, sur le territoire de la République française, à Mayotte pour être précis, 1800 habitants qui disposent à l’échelle du quartier d’un unique point d’eau, payant, où l’eau est hors de prix. Aucun tout à l’égout, et donc des systèmes de toilettes plus que rudimentaires, comme s’il fallait à tout prix ajouter le choléra au Covid …

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