Parmi les rencontres importantes récentes : « Les diplomates » de Baptiste Morizot, puis le loup, lui-même, une belle nuit d’août, suivi des hurlements de janvier, et des ultimes traces de cette semaine.
L’actualité nous rappelle en permanence cette qualification de l’humain, par différenciation de l’animal, supposé livré à de bas instincts : c’est par exemple cette légende du basket qui exhorte : « Assez de saccages, nous ne sommes pas des animaux ! » Il s’agira ici d’y voir plus clair, car oui, nous sommes des animaux.
Les loups, en règle générale, et aucun animal, n’a l’habitude de saccager. La couverture des « Diplomates », donc, est un tableau du XIXème siècle, figurant des indiens, couverts de peaux de loups, s’approchant de bisons sauvages. L’indien sait que le bison sait que s’il s’enfuit à l’approche du loup, cela déclenche chez le loup une attaque. D’une certaine façon, l’indien, quoique couvert de peau de loup, se met bien dans la peau des bisons. C’est cette connaissance fine, dû au décentrement effectué, qui lui permet de les chasser. Ainsi, Baptiste Morizot se présente, un philosophe sous une peau de loup, comme pour ne pas faire fuir ceux que la philosophie effraie.
Pour faire connaissance : https://www.youtube.com/watch?v=KzM1Fjl4KXw
Ou : https://www.youtube.com/watch?v=oaTJMnH4GMg
Le livre, qui prend comme point de départ les difficultés que présentent pour les éleveurs la croissance importante du nombre de loups en France, passés de 20 à 600 en quelques années,
https://observatoireduloup.fr/2020/03/07/france-presence-du-loup-par-departement-en-2020/
https://observatoireduloup.fr/2017/10/28/les-quatre-phases-de-dispersion-du-loup-en-france/
est une méditation très riche, dont il est impossible de rendre entièrement compte ici. En voici quelques arguments, choisis en fonction de leur intérêt pour notre projet global :
Pour faire suite à la lecture de Jean Rouaud : « …l’état de fait est, historiquement, depuis le néolithique, un état de conflit avec le sauvage. »BM
Ce conflit est ici attribué à une «attitude de ressentiment et de pulsion de contrôle envers le sauvage codé comme indocile, héritée de traumas ancestraux….traumas absents au paléolithique, où l’espérance de vie était, par un étrange paradoxe…probablement plus haute qu’au début du néolithique. »BM
Mais : « Nous ne pouvons pas nous penser comme en guerre avec le vivant, car nous sommes pris avec lui dans des relations constitutives. Cette approche qui met l’accent sur les relations entre les termes, plutôt que sur des termes isolés, permettra de comprendre la diplomatie réelle comme art de vivifier les relations, opposée à une diplomatie instrumentale comme ruse de guerre entre termes. »BM
Comment peut-on parler de diplomatie, et en engager une ? « Dans le monde animal, il existe de la convention, de la vie symbolique, et de la géopolitique…les rapports entre animaux non humains ne se limitent pas à des rapports de force, lutte pour la vie, comme l’éthologie et l’éco-évolution contemporains ne cessent de le montrer. … Dès lors qu’on peut montrer l’existence de ces phénomènes, il ne s’agit plus d’imposer le dispositif conceptuel de la philosophie politique des Modernes au monde animal, mais d’entrer dans des rapports politiques avec l’animal, qui coïncident avec ses formes politiques propres. »
Sur notre rapport au vivant : « Cette échelle commune sur laquelle on distingue des degrés est toujours construite par l’humain de telle manière qu’il se trouve toujours au degré supérieur…cette échelle commune n’existe pas : chaque forme de vie est perfection sans modèle, divergence sans canon. »BM
Sur l’animisme : « …l’animisme devient une attitude ontologique fondamentale qu’on peut entreprendre, dans laquelle on peut s’aventurer, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse. Descola, et l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro ont libéré l’animisme pour un paradigme philosophique. » BM
Nous interrogerons ces deux derniers auteurs…
Sur le chamanisme : « Réenchanter le monde ne consiste pas à supplémenter ontologiquement des âmes dans la matière, mais à réenchanter le mode de saisie de l’expérience, c’est-à-dire le mode de connaissance, en désobjectivisant sans perdre le savoir, pour viser de meilleurs effets d’intelligibilité, et par là, de cohabitation. »BM
« Il s’agit de comprendre que c’est pour mieux savoir qu’il faut enchanter, et c’est parce qu’on sait mieux que l’enchantement advient. »BM
De fait, ils sont nombreux à vouloir en savoir davantage sur le loup :
Par exemple : https://www.facebook.com/lifewolfalpseu/
Lui, par la carte de sa dissémination dans le pays, semble nous indiquer , plutôt que les zones d’élevage, ce qui serait signe d’un intérêt premier pour les moutons, ce qui n’est pas le cas, les zones que l’homme a abandonnées : déprise agricole, manque d’intérêt pour des régions dont il y a peu à tirer , du point de vue économique, celui qui est dominant. Cette carte nous dessine où précisément il est possible de repeupler, sans vouloir pour autant disputer, diplomatie oblige, ces territoires au loup.
Puisqu’il faut, bien sûr enfin, toucher terre, le faire en tentant d’abandonner les dualismes : «…c’est cette conception dualiste des rapports entre l’humain et la nature pensée comme communauté biotique qui est conjointement dépassée et toxique. Sa toxicité est visible dans la crise écologique actuelle. »BM
Cette idée de sortir de cette pensée dualiste doit rester comme une constante, imprégnant tous nos choix, y compris ceux qui paraissent pouvoir le moins y échapper : celui de l’implantation d’une construction, ou pire, d’une ville, au premier chef. Comment des civilisations éloignées dans le temps (le néolithique, encore), ou l’espace (les japonais) ont traité, voire résolu la question ? Nous allons le voir.