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Billet de blog 24 février 2025

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Trace 167-Démographie 2

Huit milliards d’humains sur la Terre, et alors ? A ceux qui nous renvoient à la face, comme premier motif de désespérer, ce nombre, nous poserons les questions suivantes :Pouvons-nous nourrir 10 milliards d’humains ? Oui.  Comment ? En arrêtant d’être carnivores. Pourquoi tant d’humains souffrent-ils de la faim ? Parce que la justice n’est pas de ce monde. Pas encore.

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Huit milliards d’humains sur la Terre, et alors ? A ceux qui nous renvoient à la face, comme premier motif de désespérer, ce nombre, nous poserons les questions suivantes :

Pouvons-nous nourrir 10 milliards d’humains ? Oui.  Comment ? En arrêtant d’être carnivores.

Pourquoi tant d’humains souffrent-ils de la faim ? Parce que la justice n’est pas de ce monde. Pas encore.

Que devons-nous craindre le plus ? Une appropriation du vivant ? Un accaparement des terres arables ? Les deux.

L’eau sera-t-elle suffisante pour tous ? La réponse est non, voir Trace 162.

Question toutes légitimes, à poser pour une bonne organisation de la vie sur notre vaisseau spatial, et sans présumer des capacités de nuisance de nos systèmes économiques et politiques.

  1. Pouvons-nous nourrir 10 milliards d’humains ?

Oui, selon The Other Economy : https://theothereconomy.com/fr/fiches/comment-nourrir-10-milliards-de-personnes-en-2050/#:~:text=Nourrir%2010%20milliards%20d'hommes,de%20produire%20plus%2C%20mais%20mieux.

« Les démographes estiment que la planète comptera en ordre de grandeur 9,5 milliards d’humains, à l’horizon 2050 (voir ici). Alors qu’environ 800 millions de personnes souffrent toujours de la faim dans le monde, on peut s’interroger sur la capacité de l’agriculture mondiale à nourrir deux milliards d’hommes en plus dans 30 ans. La plupart des chercheurs estiment que cet objectif est atteignable à deux conditions : réduire les pertes et le gaspillage alimentaires et augmenter la production agricole mondiale. Si le premier objectif fait relativement consensus, l’atteinte du second traduit des choix de développement opposés.

Les pertes : Une étude menée par le Groupe d'experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition  en 2014, sur les pertes et le gaspillage alimentaires à l’échelle mondiale montre qu’environ un tiers de la production agricole destinée à l’alimentation humaine est perdue ou gaspillée (entre le stade de production et de consommation).

Les pertes ne se situent pas aux mêmes stades dans les pays du Sud et dans ceux du Nord. Au Sud, elles se produisent plutôt au moment de la récolte et du stockage, alors qu’au Nord elles ont davantage lieu aux stades de la distribution et de la consommation.

Aujourd’hui, deux modèles d’agriculture s’opposent :

L’un, porté principalement par le monde industriel (agrofournitures et agro-alimentaires) qui propose une agriculture intensive dite « raisonnée » prenant en compte l’environnement.

L’autre, porté par le monde de l’écologie et alimenté par des agronomes de terrain, vise à développer des systèmes agricoles plus économes en énergie et adaptés aux conditions de sol, de climat et aux pratiques des agriculteurs locaux. Cette seconde voix se regroupe sous la formulation d’agroécologie.

Pour beaucoup, y compris le syndicat agricole majoritaire en France, la réponse aux enjeux climatiques et à la progression de la population passe par l’augmentation des rendements en production végétale et par l’innovation technique.

Pour atteindre ces objectifs, les tenants de l’intensification raisonnée mettent en avant l’amélioration génétique des variétés (y compris les OGM), la fertilisation à la juste dose et la poursuite de la protection des cultures par des fongicides, insecticides, herbicides mais ajoutent également les techniques de biocontrôle.

Pour les partisans de cette agriculture intensive raisonnée, la technologie numérique transformera l’agriculture et aidera les agriculteurs à conjuguer rendements et protection de l’environnement. L’innovation génétique permettra, quant à elle, de proposer des plantes adaptées aux milieux et aux nouvelles conditions climatiques.

Ne faudrait-il pas envisager des solutions différentes pour les pays du Nord où les rendements sont élevés, la main d’œuvre agricole peu abondante et l’agriculture très capitalistique, à l’inverse des pays du Sud ?

Concernant les pays du Sud, la généralisation des technologies numériques conduirait à ne soutenir que l’agriculture industrielle ou les latifundia. Les pays où l’agriculture familiale reste la norme (Afrique, Inde) seraient de fait exclus car le coût des matériels n’est pas envisageable pour les paysans pauvres.

Par ailleurs, les cultures OGM n’ont pas donné les résultats attendus dans des pays comme l’Inde et ont entrainé la faillite d’un grand nombre d’agriculteurs.

Si l’agriculture intensive raisonnée peut apporter des réponses techniques et permettre un accroissement des rendements sans pression supplémentaire sur l’environnement, son défaut principal est de reposer toujours sur une économie dépendante du pétrole et de la chimie. La production et l’épandage d’engrais sont fortement émissifs de gaz à effet de serre, les technologies numériques augmentant également la consommation d’énergies fossiles. Enfin, la production de pesticides est aussi consommatrice d’énergie et ceux-ci ont un impact fort sur la biodiversité. Ainsi, cette agriculture, même si elle réduit son bilan carbone, reste très émissive de gaz à effet de serre tout comme elle maintient les agriculteurs dans une grande dépendance, autant en amont qu’en aval.

Une autre voie est possible, nécessitant une modification du régime alimentaire actuel au Nord et une limitation de la croissance de la consommation de viande dans les pays du Sud.

Des chercheurs européens ont publié une étude dans Nature Communication montrant que le bio pouvait alimenter la planète et 9 milliards d’êtres humains à deux conditions : réduire le gaspillage alimentaire (vu précédemment) et réduire la part des protéines animales.

Comment produire autant mais autrement ? En se basant sur les données de la FAO, les chercheurs, financés par l’institution onusienne, ont modélisé les surfaces agricoles qui seraient nécessaires pour obtenir le même nombre de calories (2 700 par jour et par personne) en 2050, avec différentes proportions d’agriculture biologique (0 %, 20 %, 40 %, 60 %, 80 % ou 100 %), et en tenant compte de plusieurs niveaux d’impacts du changement climatique sur les rendements (nul, moyen, élevé).

Première conclusion : convertir la totalité de l’agriculture au biologique nécessiterait la mise en culture de 16 % à 33 % de terres en plus dans le monde en 2050 par rapport à la moyenne de 2005-2009 – contre 6 % de plus dans le scénario de référence de la FAO, essentiellement basé sur l’agriculture conventionnelle. Car les rendements du bio sont plus faibles. [A VERIFIER] En découlerait une déforestation accrue (+ 8 % à 15 %), néfaste pour le climat. Mais dans le même temps, l’option avec 100 % de bio entraînerait une réduction des impacts environnementaux : moins de pollution due aux pesticides et aux engrais de synthèse et une demande en énergies fossiles plus faible. L’un dans l’autre, les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture bio seraient de 3 à 7 % inférieures à celles du scénario de référence, « un gain faible », notent les auteurs.

Pour contrebalancer les besoins supplémentaires en surface agricole du tout bio, les chercheurs proposent d’introduire deux changements dans le système alimentaire :

  • réduire le gaspillage, aujourd’hui responsable de la perte de 30% des aliments ;
  • limiter la concurrence entre la production de nourriture pour les humains et celle pour le bétail.

Un tiers des terres cultivables de la planète est utilisée pour nourrir les animaux d’élevage avec du soja, du maïs, du blé, etc., alors que ces céréales pourraient servir à l’alimentation humaine. Un tel changement reviendrait à réduire la quantité de bétail et donc la consommation de produits d’origine animale (viande, poisson, œufs, laitages) qui pourrait être divisée par trois.

Nourrir 10 milliards d’hommes à horizon 2050 est techniquement possible. Les décisions sont politiques.. Globalement au Nord, il ne s’agit pas de produire plus, mais mieux. Au Sud, une progression des rendements est possible par une bonne maitrise de l’agroécologie. » TOE

  1. Que devons-nous craindre le plus ? Une appropriation du vivant ? Un accaparement des terres arables ?

Ce qui pose déjà problème, et le posera sans cesse davantage, est, que dans le contexte de chaos climatique notamment, et de développement de pays comme la Chine et l’Inde, un accaparement croissant des terres agricoles aura lieu : pour produire de la nourriture, mais aussi hélas, des bio-carburants…

Cet accaparement est une pratique que la colonisation a bien connu : le roi de Belgique n’était-il pas propriétaire, à titre personnel , de l’ensemble du Congo ? Accabler à ce sujet la Chine est juste un retour de l’histoire. Il faut savoir que la moitié des terres à blé ukrainiennes appartiennent à des sociétés étrangères….

La Chine qui achète des terres même en France, cela inquiète, néanmoins :

https://information.tv5monde.com/info/agriculture-pourquoi-des-investisseurs-chinois-achetent-ils-des-terres-en-france-104576#:~:text=L'op%C3%A9ration%20de%20rachat%20des,du%20d%C3%A9partement%20de%20l'Indre.

https://trends.levif.be/economie/entreprises/pourquoi-la-chine-rachete-des-terres-agricoles-partout-dans-le-monde/article-normal-804515.html?cookie_check=1658997318

Trace 133, Hélène Tordjman nous a fait faire connaissance avec GRAIN : « Selon : https://grain.org/ 80% des exploitations dans le monde sont des petites fermes, produisant 75% de la nourriture sur un quart des terres. L’agriculture industrielle produit le reste sur 75% des terres cultivées : quel est le système le plus efficace ? » HT

L’organisation GRAIN : https://grain.org/fr/pages/organisation  est sur ce sujet très active, pour dénoncer ce qu’on appelle « Land-grabbing » : https://grain.org/fr/pages/organisation

Comment lutter contre ce phénomène mondial ? En occupant les terres confisquées dans cette grande entreprise d’ « enclosure » mondialisée.

Enclosure qui se double d’une appropriation du vivant, comme nous en a déjà averti Hélène Tordjman, dans « La croissance verte contre la nature- Critique de l’écologie marchande » (2021) (Voir Traces 133)

Pour conclure, faut-il se retenir de naître ? Non. De lutter ? Encore moins. Lutter, c’est renaître. Nous parlerons d’utopies.

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