L’article 223-6 du code pénal français et l’article 593 du code pénal italien condamnent la non-assistance à personnes en danger. Pourtant, comme le déplorent aussi bien les documents suivants :
« Le changement climatique, les catastrophes et les déplacements humains » – UNHCR- Goodwin-Gill et McAdam (2017)
« Migrations et changements climatiques » – Office International des Migrations – Oli Brown (2008), (signalé ici par : OB)
D’une part les flux de migrants climatiques seront très importants, de 200 millions à 1 milliard de personnes d’ici à 2050.
D’autre part : « On a cependant pu observer une tentative collective d’ignorer l’ampleur du problème, qui a eu un certain succès. Les migrants forcés du climat font les frais des lacunes
existant dans les politiques internationales d’asile et de migration – et l’idée d’élargir la définition de réfugié politique aux « réfugiés » climatiques se heurte à une résistance considérable. »OB
Tout cela laissant présager un crime, avec préméditation, de non-assistance à personnes en danger, de grande ampleur.
L’information à ce sujet pourtant ne manque pas, rendant impossible de plaider, le jour venu, l’ignorance : Les nouvelles s’accumulent, qui confirment l’imminence d’un désastre humanitaire, déjà en cours :
Contrairement à la croyance la plus universellement répandue, l’ouverture totale des frontières ne provoquerait pas un afflux désordonné, mais au contraire permettrait, selon la politologue spécialiste des migrations Catherine de Wihtol de Wenden, de fluidifier les échanges dans les deux sens, en les soustrayant de surcroît à la convoitise criminelle des trafiquants : « Plus les frontières leur sont ouvertes, plus ils circulent et moins ils s’installent car ils peuvent aller et venir. »WdW, Forum migrations de la FIDH à Lisbonne (2007)
Pour revenir vers le document de l’Office International des Migrations :
« En dépit des graves répercussions qu’auront des migrations forcées de grande ampleur sous l’effet des dérèglements climatiques, les moyens mis en oeuvre et l’intérêt manifesté au plan international pour y faire face sont limités. Généralement, les discours audacieux et les engagements précis prônant la poursuite de nobles objectifs tels que le respect des droits des réfugiés, la protection de l’environnement et le développement durable cèdent le pas devant des intérêts géopolitiques étroits lorsque vient le moment de passer aux actes. Dans ces conditions, les migrants forcés du climat n’ont plus personne vers qui se tourner car les politiques internationales en matière d’asile et d’immigration ne comportent aucune disposition les concernant. Il n’existe aucun « havre d’accueil » pour les migrants forcés du climat, que ce soit au sens littéral ou au sens figuré. Ce que l’on constate au lieu de cela, c’est une volonté collective, et qui réussit assez bien, d’ignorer l’ampleur du problème. » OB
Il y a là une forme de stratégie que l’OIM qualifie lui-même de stratégie de l’autruche, consistant à nier le mal.
Les prétextes sont nombreux, au premier rang duquel figure , en Europe, une peur de donner des arguments aux mouvements d’extrême droite, qui est en fait une peur de ces mouvements, et par là , le meilleur moyen de les mettre en confiance, d’une part, et une certaine façon de leur donner raison : en fait tout le monde a peur, car cette situation ne s’est jamais présentée, et nous avons surtout en l’occurrence peur de l’inconnu, comme si la pandémie mondiale en cours n’était pas à la fois un signal d’alarme sur nos pratiques environnementales, mais aussi une forme de répétition pour engager l’humanité à savoir réagir, et de façon globale, à une situation nouvelle.
Ce que ce projet prétend faire au contraire, et cette page en est vraiment le cœur, c’est peu à peu assembler une série d’éléments pour « conjurer la peur », pour reprendre l’expression de Patrick Boucheron : Organiser non pas les transferts eux-mêmes, mais les moyens d’y faire face, en respectant la vie et la dignité de chacun, est la tâche la plus urgente qui soit, et trop peu s’y attellent.
En Europe, les propos des soi-disant « collapsologues », ceux sur «l’effondrement», semblent ignorer que celui-ci est en cours depuis plus de cinquante ans : les crises climatiques dans le Sahel en 1973 en étaient déjà des signes évidents : comme le souligne encore l’OIM : « A l’heure actuelle, par exemple, des femmes parcourent déjà quotidiennement jusqu’à 25 km dans le Sahel pour aller chercher de l’eau. Si ces va-et-vient devaient encore se rallonger, elles seraient contraintes à aller voir ailleurs pour de bon. » OB
Et :
« D’ores et déjà, un tiers de la population urbaine mondiale, soit un milliard d’habitants, vit dans des taudis, c’est-à-dire dans des logements rudimentaires ne disposant que d’une alimentation restreinte en eau potable, de peu d’installations sanitaires et de structures éducationnelles limitées. D’ici à 2030, on estime que leur nombre sera passé à 1,7 milliard » OB.
Il y aurait pourtant à s’attaquer à cela, d’une part une forme de justice :
« Certains analystes commencent à exprimer l’opinion que l’immigration, outre qu’elle est nécessaire pour une juste redistribution mondiale, apporte une importante réponse aux changements climatiques, et ajoutent que les responsables des émissions de gaz à effet de serre devraient accepter un contingent de migrants du climat proportionnel à leurs émissions depuis le début. Andrew Simms, de la New Economics Foundation fait valoir à ce propos : « Si certains Etats portent plus que d’autres la responsabilité d’avoir créé des problèmes tels que le changement climatique mondial, est-il juste de faire porter à tous les Etats le fardeau des personnes que ces problèmes auront déplacées ? » OB
Mais aussi une forme de prise de conscience de nos propres intérêts :
« Un rapport des Nations Unies de 2000 sur les migrations de remplacement pointe le vieillissement de la population européenne à l’horizon 2030 ainsi que les pénuries de main d’oeuvre et les déséquilibres entre la part des actifs et des inactifs : selon les scénarii proposés, il faudrait introduire plusieurs millions d’immigrés en Europe pour répondre aux besoins du marché du travail, augmenter le nombre des actifs ou rééquilibrer la pyramide des âges. » WdW
Sur cette question de la main d’œuvre, et de notre rapport au travail manuel, il sera question maintenant.