Monde mode d’emploi : tel pourrait être le titre à la Perec de ce puzzle, où la plupart des pièces sont de la couleur du ciel , ou bien des nuages, des utopies, ce qui rend l’assemblage difficile. Pour y voir plus clair, toutes les 24 "heures" vient un moment de synthèse …l’objet restant toujours de trouver comment partager l’espace et construire ensemble un futur habitable par tous, à l’heure où le réchauffement climatique se mesure jusqu’au Canada , où l’on meurt de chaud.
64 – Architectes 2
Gandhi avait l’habitude de dire: « Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi ». Parmi tant de projets de De Carlo, nous nous sommes penchés sur celui des logements de Terni, où c’est au long de multiples réunions quotidiennes entre De Carlo et les habitants que s’est élaboré le projet.
Celui de Colletta, et sa relecture d’un village abandonné en Ligurie, montre l'intérêt de De Carlo pour l’architecture vernaculaire. Il n’est pas le seul : à preuve Giovanni Michelucci.
63 – Architectes 1
Michelucci, lui aussi, donc, éprouve le plus grand respect pour ce qui a été construit sans architectes, maison paysanne, ou bien ville, comme Sienne, dont il évoque la construction, et le rapport au relief existant. Il a porté son attention sur la ville composée de liens humains que chaque groupe suscite, ville parfois plus réelle que la ville matérielle . Il prend exemple pour le formuler sur les migrants quittant l’Italie sur le pont d’un navire, et constituant ville entre eux.
62 – Migrations 4
La lecture des travaux d’Eléa Giraud nous alerte sur deux points : fermer les portes aux réfugiés n’est bon pour personne , ni pour eux, ni pour nous. Au-delà de la simple exigence de justice envers eux, nous devrions comprendre que la structure même du pouvoir dans les pays qui se ferment, dont l’Europe, est affectée par cet enfermement qui se révèle à double effet : externe, et interne. A quoi bon poursuivre une politique aussi néfaste à tous ?
61 – Migrations 3
Catherine Wihtol de Wenden est la plus affirmative parmi les chercheurs travaillant sur ce sujet des frontières : elle en encourage l’ouverture : le premier avantage serait d’établir une fluidité dans les voyages entre les pays, empêchant à la fois les trafics, et les nombreuses morts qu’ils occasionnent, mais permettant aussi des retours sereins au pays d’origine, sans crainte de devoir affronter de nouveau affronts et violences. S’oppose à cela une conception bien étrange de l’identité, notamment nationale, que nous devrons un jour abandonner…
60 – Créolisation 2
Une généralisation au monde entier de la notion de créolisation, née dans l’enfer de l’esclavage aux Caraibes, voilà ce que propose Edouard Glissant dans ses ouvrages :
« Les exemples de créolisation sont inépuisables et on observe qu’ils ont d’abord pris corps et se sont développés dans des situations archipéliques plutôt que continentales.
Ma proposition est qu’aujourd’hui le monde entier s’archipélise et se créolise. » EG
Edouard Glissant nous prévient de «L’imprédictibilité des résultantes. »
Imprévisible, certes, mais toujours mieux que la très prévisible haine montante entre tous.
59 – Créolisation 1
« La créolisation est un outil conceptuel reposant sur des données matérielles et sur l’imaginaire (une façon, des façons, de rêver le monde) qui permettent de penser à la fois l’avenir mais aussi de réinterpréter et de transformer les formes du passé. »Myriam Cottias
Nous garderons en mémoire cette offrande de Glissant, pour reprendre ses propres termes : « Je vous présente en offrande le mot créolisation, pour signifier cet imprévisible de résultantes inouïes, qui nous gardent d’être persuadés d’une essence ou d’être raidis dans des exclusives. »EG
Comme moyen, parmi d’autres, de vivre cette multiculturalité que nous avons proposée ici dans les Traces 47 et 48, Glissant reprend le thème de la musique comme modèle.
58 – Gratuité 2
Nous retrouvons là Glissant, et huit autres artistes de la Caraïbe, dans un « Manifeste de la gratuité» , ou, plus justement, pour les « produits de haute nécessité ». Le texte, coécrit à l’occasion de grèves en Martinique, nourrit notre démarche : « La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d'une société non économique, où l'idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d'épanouissement »
« Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l'imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l'esprit. » Les neuf.
57 – Gratuité 1
Ce thème de la gratuité est central dans notre recherche. Seul moyen de sortir d’une économie de la marchandise, il permet de substituer à l’idée de revenu, comme seul moyen d’accès à une vie bonne, celle de besoins à satisfaire pour y accéder, en posant la question de l’accès à ces satisfactions : un toit, une nourriture saine et variée, une eau et un air purs,… à partir de biens laissés en libre disposition : un terrain à bâtir, un lopin de terre ,… ce dont l’histoire des Bastides, par exemple : Traces 19 et 20 , nous a enseigné que ce fut la norme, et aussi le moyen de doter le pays de centaines de petites villes.
56– Forêts 4
En question dans le thème de la gratuité, le concept étrange de propriété privée est subverti par les réserves de vie sauvage, dont parle B.Morizot dans « Ranimer les braises du vivant ».
Défendre, comme il le fait, ces tentatives, ne l'empêche pas de songer à d’autres modes de coexistence avec la forêt, dont nous avons vu qu’elle pouvait à la fois être mythifiée comme un lieu intangible, et précisément détruite par ceux-là mêmes qui prétendent la construire et l’entretenir, tout en l’utilisant comme un lieu de profit avant tout , au prix de toutes les destructions : sol, biodiversité, arbres mêmes .
55 – Forêts 3
Comment aux paysans, touchés par l’exode rural, et horrifiés à l’idée de laisser des friches, on a vendu, aux lendemains de la seconde guerre mondiale, l’idée de planter des résineux , et qu’en est-il advenu ? Tel est le sujet de la thèse de Clément Dodane. On y voit que l’ambition productiviste à l’origine du projet est loin d'être réalisée . D’une part parce que la structure de dessertes, qui aurait du préluder à l’ensemble, est encore absente. D’autre part du fait de la mauvaise adaptation des essences plantées à un climat sans cesse plus chaud et plus sec. Enfin, compte-tenu de l’éloignement de la terre natale des héritiers. Le contre-exemple, cité dans la thèse, de René, l’homme du châtaignier, vivant au contact des réalités locales, et les faisant évoluer , est, de ce point de vue, éclairant.
54 – Toucher terre 4
De contact, il est question ici , et des plus manuels, celui des mains tordant la paille, la tressant entre les traverses de bois, puis la recouvrant de terre. Ainsi peut-on résumer la technique du torchis, choisie ici, parmi les utilisations de la terre crue, comme la plus souple, la moins fatigante, la plus isolante, et surtout, celle qui se prête le mieux à une transmission de savoir-faire, depuis la structure de bois à l’enduit final. Il sera question un jour d’une utilisation optimum de la ressource forestière, évitant le plus possible les pertes . Le torchis, qui permet d’utiliser des montants non rectilignes, permet d’éviter une grande part des 50% de chutes occasionnées par le sciage.
53 - Toucher terre 3
Il a été question d’architecture vernaculaire avec De Carlo et Michelucci. Mes références en la matière sont landaises. De la maison traditionnelle de la Haute Lande, on retiendra la savante adaptation aux données climatiques : orientation de l’auvent, des pans de toiture … Mais aussi le recours à des matériaux locaux : bois de chêne et de pin, roche de grès, terre, paille de seigle, tuiles,… Enfin, comme dans d’autres régions, le Queyras, par exemple, des modes de cohabitation entre hommes et animaux, où les premiers se réchauffent , tout en nourrissant commodément les seconds …Une convivialité perdue.
Les prochaines synthèses, après 100 Traces, seront l’occasion de résumer l’ensemble du parcours, qui ira jusqu’à la Trace 1001.
En attendant, il sera question de modèles, de transmission, d’eau encore, de bois, du jeu de go, de lenteur, de terre encore, de cité-jardin de nouveau, de savoirs autochtones, d’animaux encore, même de champignons, et du Japon enfin.