Yves Mény, politologue, dans son éditorial du 4 août dernier en première page de Ouest France, se croit obligé de faire l’apologie de la réforme et des réformes. Et de se morfondre du comportement aussi rétif des français vis-à-vis de la réforme. Rétifs très certainement mais sans aucun doute également … lucides quant à la signification de ces dites réformes. Car les français ne sont pas dupes en effet. S’il y a bien un mot qui est particulièrement honni par nos concitoyens c’est bien celui-là. Car comme le dit Jean Claude Guillebaud les fameuses « réformes de structures » convoquées sans cesse dans les débats ou les discours servent à masquer une ruse derrière une formule et désignent neuf fois sur dix des intentions cachées d’amputation du droit social.
En fait ce discours tente de nous faire croire - en nous culpabilisant de surcroit avec la dette dont nous serions tous responsables - que l’Etat - en réformant - nous protègera du marché et de la mondialisation alors que comme le précisent Christian Laval et Pierre Dardot dans leur nouveau livre incontournable « Commun », il est un acteur clé des normes de la « sainte compétition » et de la concurrence élaborées de concert avec les multinationales et les institutions internationales partisanes de la guerre économique de tous contre tous.
Alors qu’il y a 40 ans le mot « réforme » pouvait encore être assimilé « au progrès », il est maintenant perçu par la plupart de nos concitoyens comme « un mot piège » qui signifie avant tout régression sociale (cf la suppression de la demi part pour les veuves et les veufs avec enfants en est un exemple … ). Voilà en tout cas une des raisons majeures de l’impasse actuelle. Tant que le terme réforme signifiera le contraire d’une avancée vers la justice sociale, le peuple refusera cette tromperie. Et que l’on ne nous dise pas que c’est parce que « l’on vit au-dessus de nos moyens » qu’il faut réformer quand on sait qu’une bonne partie de la population vit avec moins de 1300€ par mois dans notre pays !!!
Non, Monsieur Mény ! Ce n’est pas de réformes dont nous avons besoin mais d’une … révolution, une authentique révolution qui permettra - en particulier dans le monde du travail et de l’entreprise - aux citoyens dans leur activité principale quotidienne de 8h à 18h, de sortir de cette « servitude volontaire » et de cette relation de subordination structurelle en participant à toutes les décisions qui les concernent par un véritable partage du pouvoir et de codécision et par une limitation drastique de … « l’abusus » du droit de propriété.
Voilà ce qu’auraient dû commencer par faire les prétendus héritiers de Jaurès s’ils ne l’avaient pas trahi outrageusement.
Jacques Boutbien, le 6 août 2014