Agrandissement : Illustration 1
La veille j’avais été voir au Théâtre La Bruyère, Fabrice Luchini et moi. Dans une salle moderne et comme il se doit, sans âme, Olivier Sauton, seul en scène et dans une absence inspirée de décor ꟷexcepté peut-être un banc publicꟷ, revivait l’évolution du jeune blaireau croisant à l’improviste la flânerie nocturne de son idole. L’imitation du chantre de La Fontaine, Molière et Céline prête à rire au début, mais bientôt la plaisanterie s’efface quand le propos devient plus profond, les enjeux s’éveillent plus fondamentaux.
Tous les lycées de Paris ꟷet pourquoi pas de province ?ꟷ devraient y mener leurs classes de petits cons qui en ressortiraient revigorés. Rares sont ceux qui aujourd’hui donnent envie de culture. Fabrice Luchini fait partie des élus. Olivier Sauton prend le relai. Dans la dédicace de son texte opportunément mis en vente à la sortie (Editions de l’Arche), l’illustre comédien m’abjure ꟷde par mon prénom sans douteꟷ « Soyez fataliste !». Le lendemain je courais à la Fnac acheter l’ouvrage de Diderot ꟷLivre de Poche, quatre euros soixanteꟷ qui avait dû se dissoudre dans le fin fond de ma mémoire.
En me relisant pour correction, je me sens obligé de mentionner que cette soirée, avec son plaisir sans partage, eut lieu avant l’exhumation des tweets irresponsables. Mais le spectacle ne raconte-t-il pas l’évolution d’un crétin, d’un conard congénital ? Evidemment comment ne pas porter ensuite un regard bien dubitatif, cependant que rétrospectif, sur la scène du Misanthrope qui permet au jeune couillon de passer à l’âge adulte et d’acquérir les armes du comédien, scène qui rappelle un film subtil à déguster sans modération : Alceste à bicyclette… mais dont il aurait peut-être fallu citer l’emprunt ? Je n’en suis pas encore là et n’apprendrais que plus tard la suspension par le théâtre des représentations.
Jacques Chuilon
Paris, mars 2017