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Sous le toucher ondoyant de François Dumont, tout le long du clavier, coule la phrase déliée de Fauré. C’est le tempo juste, comme spontanément, avec parfois la houle et de temps à autre le bondissement. Les aigus sortent avec rondeur, avec bonheur. La prouesse mérite d’être soulignée car un piano ancien peut sonner parfois dur ou rustique. Cet Erard de 1891 du musée de la Musique accordé à 435 Hz chante avec François Dumont comme on n’aurait osé l’espérer.
Le violoncelle Van Wilgenburg, de Matteo Goffriller créé à Venise en 1777, sonne avec un timbre bien à lui, riche et savoureux et permet à Marc Coppey un phrasé articulé, expressif dans une couleur changeante adaptée à chaque registre et contour mélodique. Mais il ne faudrait pas séparer ces interprètes dans les éloges tant ils trouvent l’essentiel : la complémentarité, la fusion.
La musique de Fauré ne perd pas son identité dans une volonté de la moderniser par crainte qu’elle suggère l’atmosphère des salons du XIXe que tout le monde se doit de mépriser. Ici le ton juste règne, la couleur adéquate se module et l’esprit du temps, que chaque art traduit et doit fixer, se retrouve aisément. Un Fauré certes pas extraverti, mais rêveur, parfois traversé par le tragique et souvent attiré par le méditatif.
Un disque à figurer nécessairement dans la discothèque d’un mélomane averti. Il faut ajouter que l’enregistrement effectué à la Cité de la Musique, dans l’amphithéâtre, est d’une qualité exceptionnelle, d’une belle clarté, d’une exacte dynamique. Le CD vient de paraître. A défaut de le trouver à la Fnac, je l’ai déniché par hasard chez Gibert boulevard Saint Michel.
Jacques Chuilon
Août 2024