Comme à de nombreuses reprises depuis le début de l'invasion Russe de l'Ukraine, ce samedi 21 mai, Place de la République à Paris, se tenait un rassemblement aux couleurs Bleues et Jaunes de l'Ukraine. En m'approchant de la place, un peu après 17h, une centaine de personne est présente autour d'une scène improvisée où une très jeune enfant au micro, chante ou récite des paroles que je ne parviens pas à comprendre de là où je suis.
Arrivant au cœur du regroupement, la stupeur me saisit, j'identifie parmi les drapeaux ukrainiens, d'autres drapeaux, rouges et noirs que je n'avais jamais vus flotter lors de rassemblements précédents. Peu de gens sans doute, connaissent la signification de ces couleurs en Ukraine. Et je reconnais qu'à cet instant, je me mis à douter des connaissances que j'avais sur le sujet, en me disant :"Ce que tu penses savoir, ne provient après tout, que de ce que tu as pu en lire sur internet. Peut-être t'es-tu laissé embarqué par de la propagande...".
Je décide alors d'en avoir le cœur net et m'approche d'une des personnes brandissant ces couleurs. Je la salue et lui demande quelle est la signification de ce drapeau. Elle me répond, sans ambages, avec un léger accent, qu'il s'agit du drapeau représentant le parti du célèbre Stepan Bandera. Personnage, qu'elle s'empresse de me décrire comme un héro de la lutte pour l'indépendance ukrainienne.
Ah ! Je n'avais donc pas été dupé par une propagande pro-Poutine. Cette personne, d'une trentaine d'année à peine, faisait flotter au vent de la Place de la République, les couleurs d'un parti fondé par un idéologue notoirement Nazi !
Mes tripes se nouent. Je la questionne de nouveau en lui demandant si elle n'était pas gênée du fait que Stepan Bandera fût un ardent collaborateur du régime Nazi et que lui et son parti s'était activement engagés dans le génocide des juifs en Ukraine. Elle réfute le fait de collaboration en assurant que Bandera avait combattu pour libérer l'Ukraine des Nazis et des Soviétiques. Pour la question du génocide des juifs, elle reste beaucoup plus évasive, de la gêne sans doute. Peut-être même de l'ignorance, me dis-je en m'éloignant après l'avoir saluée.
Au micro, la petite fille avait laissé sa place à un homme beaucoup plus âgé. Et si je n'avais pas bien saisi les paroles de l'enfant, celles de ce jeune homme étaient parfaitement audibles. Ce dernier interpelait tour à tour, Macron et Biden en les enjoignant de venir en aide au peuple ukrainien, en libérant "les héros du Bataillon Azov".
"Libérez Azov ! " Il entonna ce slogan une douzaine de fois en chœur avec la foule attroupée devant lui : "Libérez Azov ! "
Je tourne les talons et quitte la place. Je suis dévasté. Je tente, tant bien que mal, de me raisonner en me disant que mon désarrois du moment, n'est rien au regard des horreurs de la guerre subies par ce peuple. Ce qui est indéniable, il n'y a pas de commune mesure. Pour autant, l'Histoire, elle, ne s'efface pas et je me dois, aussi, de faire la part des choses. Je le dois avant tout pour la mémoire de celles et ceux de ma famille exterminés dans les camps Nazis.
Bien qu'étranger à toutes tentations d'amalgames douteux, qui voudrait mettre un signe "égal" entre ces gens regroupés sur la Place de la République et les bourreaux qui ont participé de mon histoire personnelle ainsi qu'à celle de millions d'autres durant la dernière guerre mondiale, il reste néanmoins un fait avéré. Au XXIè siècle, un pays Européen, voue un culte national à un personnage, historiquement reconnu pour avoir collaborer avec le régime Nazi et ayant activement participé à la commission de crimes de guerre et de génocide. C'est un problème.
Dans un contexte de confusion extrême, du fait de la guerre engagée par la Russie, il serait bon que cette dimension "politique" soit considérée autrement que par le déni et par l'opprobre jetée sur celles et ceux qui, à juste titre, voudraient attirer l'attention sur ce problème. Car oui, une quelconque résurgence politique à l'échelle d'un pays, peu ou proue en lien avec l'idéologie Nazie, qui plus est en Europe, est inacceptable !
Bien que ne me faisant guère d'illusion sur la prise en compte de ce sujet, par les fins stratèges militaro-industriels qui nous dirigent, je garde une lueur d'espoir quant à une possible prise de conscience des peuples pour que cessent toutes formes de surenchères guerrières. La paix vaut toujours la peine d'être vécue.