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Billet de blog 3 juillet 2012

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Le retour de la critique sociale : mais où est donc ?

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Le retour de la critique sociale : mais où est donc ? un tombeau pour Rousseau.

A propos de l’article de Joseph Confavreux (mediapart.fr/journal/culture-idees/280612) consulté le 01/07/2012.

Le débat sur la “subjectivité politique” (poststructuraliste !) est maintenant bien ancien. Essayons d’apporter quelques arguments non-conformes, suite au renouveau de ce débat sur le thème de “l’idée du communisme” (Badiou, …, Zizek).

Ponctuellement, ceci se voudrait être une “non réponse” à l’appel (pour l’engagement) passé sous le nom de « Corcuff », à une certaine conception (euro centrée) de l’engagement : du lien théorie/pratique, que ce lien soit positiviste, dialectique ou par “antinomies équilibrées”, etc., disons conception du temps de la XIème Thèse, ou encore conception du temps du triomphe de l’Europe intellectuelle (l’occident des ingénieurs).

“Non réponse” qui voudrait rappeler le (fantôme du) tiers-mondisme aujourd’hui (Fanon est “commémoré”) et qui pourrait commencer par la question suivante :

mais si l’Europe (l’occident) n’était plus qu’une vaste maison de retraite (intellectuelle) ? un rivage (plus que) « mélancolique », “ostalgique”, désespérément recouvert par la vague rétro conservatrice : rigueur, austérité, gueule de bois d’après la grande bringue, …, culte des racines, traditionalisme, régionalisme, culte muséal du passé, célébrations johanniques, néo-pétainisme déguisé en écologisme (les racines !), toboggan vers la droite extrême, en particulier aux USA (« la plus vieille et plus constante démocratie »), etc., et finalement ressentiment raciste ?

Bien sûr, il n’existe pas de débats philosophiques (Deleuze) ; pas plus que de débats « rationnels argumentés » (à la Habermas).

Il n’existe que des choix axiomatiques (des décisions éthiques), entre des axiomatiques irréconciliables et incommensurables (telle est la “finitude politique” : pas de conciliation imaginable).

Alors, ici, étroitement, déclarons notre conflit : “Efficacité” contre “Justice égalitariste” (justice sociale) — et il va de soi que nous “choisissons” l’axiomatique égalitariste (« notre camp ») qui constitue le cœur de la pensée de l’émancipation.

Que faire alors ?

Que veut dire : engagement ?

D’abord développer tous les théorèmes (toutes les conséquences) de l’axiomatique.

Soit l’exemple d’actualité : la RGPP n’est pas conciliable avec la démocratie, théorème égalitariste (encore une fois, l’égalité est posée, à la Rancière, comme axiome).

Quelle implication ? Nous devons appuyer, légitimer, tous les mouvements de Désobéissance (comme l’Appel des appels et autres pulsions sarkophagiques). Ce qui veut dire “pratiquement” attaquer les cadres de la gestion : depuis les inspecteurs de l’administration, en passant par les nouveaux consultants publics (il faut les séquestrer), jusqu’aux cadres collabos ; déclarer hors la loi (égalitariste) Didier Migaud, l’un des pères bipartisans et récidivistes de la LOLF ; refuser de collaborer avec une administration sous LOLF (comme la LRU : comment rester universitaire dans une université sous contrôle néolibéral ?). Préparer la lutte contre le cadrisme (Duménil-Lévy).

Construire ce corps de théorèmes se nomme alors : réenchanter le monde, revenir au “grand récit”.

Car il va bien falloir secouer les vieux (le chant du départ : le lâche accablé d’ans…), les incrédules, les agnostiques, les cyniques, les arrivistes, les drogués de la “visibilité” médiatique, etc. Où la politique et la religion se recroisent ! Croisement du reste nécessaire contre les droites religieuses et rappelant cette évidence : la religion n’est-elle pas la première forme de la politique ?

Prenons alors Philippe Corcuff à son (plus constant) mot : donnons dans l’optimisme, voire dans l’enthousiasme (encore politique et religion qui se recroisent).

Mais quel optimisme ?

Choisissons celui de Gramsci, celui de la pensée directement agir, du fond de la prison.

N’oublions jamais que l’homme est d’abord force de pensée avant que d’être force de travail (l’abeille et l’architecte), désanimalisé (dénaturé !) par le symbolique (même « le sexe » est impossible sans fantasmagorie !).

Alors soyons radical : jusqu’aux racines, mais déracinées, au plus loin de l’Europe.

Que veut dire, alors, engagement, aujourd’hui ? En situation (d’Europe néolibérale). Que peut être l’engagement pour l’émancipation (la cause de l’axiomatique égalitariste) ?

Aujourd’hui, dans la situation de mondialisation impériale et, localement, en ce moment du conservatisme (nommé ici “PS”) aiguillonné par le réactionnaire (de la droite extrême à l’extrême droite) ? Aujourd’hui, en ce moment de congélation, où se déploient toutes sortes de blocs identitaires, traditionalistes, localistes – avec le phantasme du grand projet européen d’une Europe des Régions reconstituée comme le Saint Empire féodal ? Où tout semble reculer, backlash généralisé, ou se vitrifier ; posons seulement un peu fort la question simplement réformiste : comment penser la nouvelle (VIème) république ? Impossible ? Partout de l’impossible !

Notre ère brejnévienne : néolibérale autoritaire. (L’analyse de la fin de cette ère, sur le cas russe à la Eltsine, est décisive : aucun mouvement populaire, bien au contraire “l’ostalgie” !)

Où le nouveau parti conservateur (“PS”) s’arcboute sur les institutions monarchistes qui le privilégient et, surtout, survit replié dans le bunker institutionnel de l’Europe néolibérale. TINA for Europe !

Si donc l’analyse de la situation ne permet pas de trouver « le sujet politique » tout prêt, puisque la subjectivité est transversale à l’objectivité, elle permet cependant, négativement, d’éliminer des potentialités (purement) abstraites : celles liées à la (croyance en la) domination intellectuelle de l’Europe, que le sujet politique devrait être “européen”.

Ce que l’on peut résumer sous forme d’une question : l’émancipation n’a-t-elle pas (définitivement) déserté les rivages “mélancoliques” de l’occident (plus que tristes, amers et pleins de ressentiment, le rétro conservatisme de la mode de l’Algérie française muséifiée).

Ou, pour le dire plus directement : comment ont été achetés les cadres (hauts fonctionnaires, consultants, encadrement politique de gestion (la police politique du clientélisme), journalistes stipendiés) et les intermédiaires, cynisme, dénégation, acceptation des avantages du pillage (comment Hitler a-t-il acheté les allemands ?).

Engagement veut dire invention, création institutionnelle.

Et d’abord défense de cette création : légitimation (de la Désobéissance).

Tentons une analogie : nous sommes dans le même cadre (Nouvel Ancien Régime, nanar) despotique éclairé que celui dans lequel survivaient les philosophes des Lumières (le XVIIIème siècle) – au décalage près que notre despotisme économique (libéral !), notre nanar est le produit (involontaire) des Lumières libérales (du XVIIIème) ; il faut donc tout recommencer, en situation. Nous avons alors le même devoir d’invention : il n’est plus temps de changer le monde, il est temps de le réinventer ; imaginer de nouvelles architectures institutionnelles (au travail les juristes ! sortez-nous du parlementarisme, cette fleur vénéneuse du XVIIIème à la Montesquieu ; au travail les économistes ! sortez-nous de l’économie, le plus beau fleuron du libéralisme et de sa “société civile écossaise” – enfin, pensez mondial, post colonial). Il faut refuser d’être achetés par les “bienfaits” des dictatures périphériques et de leurs peuples écrasés (le textile de l’Inde, « la plus grande démocratie du monde »), ces dictatures qui sont la vérité de notre “démocratie” impériale (Chomski).

L’engagement est donc d’abord une cure de lucidité (les lumières) qui implique un diagnostic dur de la mondialisation impériale ; qui implique un contre lavage de cerveau : les psaumes contre la possession.

(1) Crier : nous ne sommes pas en démocratie ! Voilà ce qu’il faut hurler sans cesse (pour parer la plus forte propagande : celle de la démocratie (libérale) « où nous serions installés »).

Notre Régime (nanar d’enrégimentement) peut se nommer : capitalisme despotique éclairé, capitalo-parlementarisme, féodal fascisme (à clientélisme), etc. tout ce que l’on veut qui paraît pertinent ; mais jamais « démocratie ». Il faut de Nouvelles Lumières contre le Nouveau Grand Mensonge (déconcertant, démoralisant, démobilisant), voilà la priorité pour la prison.

Maintenant le combat pour la démocratie (crier : il n’y a jamais eu encore de démocratie) est le combat contre l’économie, contre la mesure, la valeur, l’appréciation, la comptabilité, tous les éléments de l’efficacité ; ah ! l’efficacité des institutions exécutives (monarchiques autoritaires) ! Contre le totalitarisme inverse (nouveau nom possible pour notre nanar) de la technocratie économique et des médias mercenaires (tous les agents de la possession).

D’abord le combat des idées, des vérités (« nous ne sommes pas en démocratie » est une vérité de notre axiomatique égalitariste ; inversement la proposition « nous sommes en démocratie » signale l’axiomatique technocrate du despotisme éclairé néolibéral).

Il n’est plus temps de participer au combat politicard de la gestion (de) police : il est temps de déserter intellectuellement (radicalisation des thèses de José Saramago sur la “Lucidité”).

Comment remotiver ? les abstentionnistes, les sécessionnistes ; en créant de nouvelles formes de vie, au plus près de la vie quotidienne, mais hors du territorial (dissoudre les institutions municipales, censées être de proximité ! les cantonales, les départementales, les régionales), hors du communal ou du communautaire (au sens US) : les Soviets cosmopolites (qui seront d’abord, en situation, le spectre multinational des multinationales), seule base de la démocratie. Ces Soviets seront l’institution élémentaire de la démocratie cosmopolite (par dissolution de l’économie mondialisée).

L’éthique politique de l’émancipation est transversale, voire orthogonale, tranchante et décisionnelle (logique axiomatique).

Elle ne peut se déployer comme équilibration des contraires (misère de la philosophie para-dialectique), mais comme négativité de rupture ; les états de faits ne la concernent que peu, sauf à titre d’une préhistoire incroyable.

Psaume : nous ne sommes pas sortis de la préhistoire (et de ses féodalités).

(2) Imprécation : il faut sans cesse et sans répit dénoncer le colonat où nous sommes assignés (à résidence identitaire). Qu’est-ce que ce « citoyen », propriété sacrifiable de l’état despotique de gestion ? Pour qui l’austérité à la grecque ?

La démocratie sera non territoriale ou restera féodale fasciste.

Voilà la plus grande invention institutionnelle, pour laquelle il faut s’engager de toute son âme, celle qui préparera « le socialisme du XXIIème siècle ». Des formes politiques non localisées, cosmopolites (transversales à la mondialisation interétatique impériale), ni nationales, ni régionales, ni supranationales, ni même internationales, des formes constituées sur la base de Soviets : où je pourrai siéger à côté des mangeurs d’ordures du Bengladesh (pour rester “indien”), où mon « textile » toujours moins cher (la politique économique libérale préfère la baisse des prix et privilégie toujours la lutte contre l’inflation : défense de la « propriété réelle ») deviendra immédiatement politique.

Quel sera le premier mot d’ordre de ces Soviets ? il faut maintenant organiser le dépérissement de l’économie (thème de la Décroissance). Car il n’existe pas de solution de moyen terme, centriste conservatrice (“PS”), entre l’efficacité et la justice. Nous devons donc penser (et si la pensée est en vérité, elle est un agir, déjà contre le cynisme enseigné par le médiatique) sous le seul axiome de la justice – l’intendance suivra !

La conjuration des égaux fut le point culminant des premières lumières : il n’y a plus qu’à recommencer.

(3) Psaume : il faut sans cesse dénoncer l’idée propriétariste que l’efficacité (productive immédiatement, mais politique (de gestion) aussitôt après – l’homme réduit à un compte), ou bien encore « le développement économique », ou bien « la croissance » (laquelle ?), serait nécessaire à la justice (le fameux gâteau). Cette idée géniale (un beau mensonge déconcertant) qui permet de renvoyer aux calendes grecques (sic), aux lendemains miraculeux, dans l’attente de « l’abondance pour tous » (voilà où se trouve l’échec du marxisme, dans son économisme – voilà en quoi les nouveaux conservateurs sont d’anciens marxistes).

Le rejet de l’idéologie de l’efficacité (économico-politique) est identique au refus de la territorialisation (à l’enracinement préhistorique) des institutions. Les institutions fondées sur une terre (un patrimoine) ne sont que des rejetons du militarisme féodal (donjons et villages, nobles et colons).

La mise en cause des bipartismes autoritaires doit aller jusqu’au rejet de la forme « parti ». Parti et clientèle, Parti et structure féodale de chefferies : cette vieille notion du XIXème siècle (allons ! un peu d’invention !) est seulement compatible avec l’état XVIIIème des lumières et son utopie parlementariste à l’anglaise, sa réalité des monarchies constitution-nelles fortes des despotisme éclairés économiques.

Où se retrouve le soviétisme ? Dans la conjonction du rejet des formes parlementaires (archaïques de représentation – critique de Derrida) et du refus de l’économie, parlementarisme et capitalisme qui organisent à deux le Régime nanar par séparation/inclusion (self overlapping) des pouvoirs : la politique est police de gestion (les cadres du capitalisme), l’économie est adossée à l’état conservateur (par une corruption institutionnelle – lisez Mediapart !).

Quel peut être l’engagement ? Casser toute professionnalisation – dénoncer (nouveaux psaumes) la professionnalisation généralisée, de la politique (de gestion), de l’engagement (les ONG, devenues entreprises au service de l’esprit d’entreprise), voire de « la révolution » !

Voilà de beaux théorèmes (démontrables en logique, selon l’axiomatique). Voilà les guides de la pensée directement agir.

Oui ! Soyons optimistes ! Tout est à réinventer ! Le conservatisme le plus installé suscite le (faire le) vide de la création politique.

Honorons Rousseau. Nous sommes comme au début du XVIIIème siècle ; Louis XIV n’est même pas encore mort ! et il faut construire, par la pensée d’abord (tel est le destin humain), puis pas à pas, point par point, la nouvelle hégémonie qui portera la démocratie (pré socialiste) à la fin du siècle. (L’incapacité de la projection longue et endurante (encore la religion !) est le défaut majeur de la pensée postmoderne, son aspect tristement collabo.)

La pensée endurante est le seul vaccin contre le tétanos réformiste.

Et la forme adoptée de l’engagement (positiviste ou pas, par antinomies équilibrées ou par sécession) un signe de santé (Nietzsche).

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