Comme la plupart des prix (de la banque de Suède), ce dernier prix (Nobel) récompense un développement de la doctrine économique dite "néoclassique" ("la science économique"). Ici en sa branche économie publique, version "école de Toulouse" (TSE), que nous nommerons doctrine JJ Laffont.
Quelle est la caractéristique (ici retenue) de l'économique néoclassique ? D'être une théorie normative du marché. Non pas une théorie descriptive, positive, mais une théorie performative à ambition politique (ce que l'on nomme néolibéralisme, où le libéralisme repensé devient un objectif politique et non pas une réalité empirique). Que doit être un marché ? Comment assurer la concurrence (définie techniquement par la théorie) ? Comment peut-on fabriquer des marchés ex nihilo ?
C'est cette ingénierie (politique) des marchés qui est la marque du néolibéralisme (néoclassique). Libéralisme constructiviste (contra Hayek) fortement technocrate, le jouet des ingénieurs. Une science politique performative pour ingénieurs s'amusant à "guider" la société (au nom de la raison, de la rationalité, etc.).
Quelle est alors la caractéristique de la branche économie publique de ce libéralisme constructiviste ? D'affirmer que nous avons le modèle complet du marché (de plus en plus affiné, voilà du travail pour des générations de prix Nobel !), que nous en connaissons LES LOIS, que nous en avons LE PLAN. Sur cette base "scientiste", il est alors possible, encore une fois à la manière des ingénieurs arraisonnant les lois naturelles (dont font partie les lois du marché !), de déployer une ingénierie (political engineering) pour contrôler l'économie.
La si célèbre (pour les économistes professionnels) "planification par le marché", dont l'idée est presque aussi ancienne que la théorie néoclassique elle-même (ce sont des élèves de Pareto, fasciste notoire, qui étudient l'équivalence plan = marché), est le cadre de la doctrine Laffont. Barone, Lange, Bénard, etc. puis toutes les recherches sur la "décentralisation informative" forment le socle sur lequel s'appuie cette doctrine primée (sous le nom de Tirole).
Retenons quelques éléments qui permettent de justifier le titre : une reconnaissance pour la politique néolibérale "socialiste" (PS). La difficulté de la planification technocratique néolibérale (par construction de marchés artificiels ou par déploiement d'une concurrence autoritaire) est celle du "comportement" des agents (subalternes). On sait que la théorie néoclassique est une sorte de gigantesque psychologie normative (comment fabriquer de l'homme économique ou de l'entrepreneur individuel). Que doit être le comportement de ces agents (à fabriquer) pour qu'un néo marché puisse fonctionner correctement ?
Incitations, stimulations, surveillance, contrôle, règles pour contrôler les régulateurs, et au niveau global, gouvernance cybernétisée. Voilà le programme de recherche sur la logique politique (normative) des décisions publiques.
Programme technocrate autoritaire typique du néolibéralisme (de "droite" ou de "gauche"). Car il faut comprendre que la constitution d'une économie de marché (nous ne sommes pas dans une économie de marché ! trop d'imperfections ou d'irrationalités !) exige un pouvoir autoritaire, celui-là même qui "planifie" (le marché cette fois-ci !). Programme que nous nommerons DESPOTIQUE, en honneur aux fondateurs physiocrates du libéralisme despotique ou du despotisme éclairé (par la science économique).
Jean Tirole, alors. Plus qu'imposteur... dogmaticien du despotisme.
Tirole et surtout Jean Jacques Laffont (véritable fondateur de la Toulouse School of Economics) sont les maîtres de la nouvelle économie publique néo (néo) classique. Théorie néoclassique qui est intégralement normative (ni descriptive, ni positive, etc., lire le livre sur l'imposture économique de Gaël Giraud... L'imposture se trouve DANS la théorie, non pas dans les "collusions", dont Laffont-Tirole sont des spécialistes !).
Doctrine de l'économie publique (néoclassique) qui succède et prolonge la plus ancienne théorie de la planification par le marché (Lange, Bénard, Vickrey, cf. le mécanisme de Vickrey Clarke Groves). Rappelons que pour les économistes il n'existe pas de différence entre planification & marché (ce point essentiel est à la base de toute l'analyse style Laffont-Tirole). Par exemple, une entreprise planifie en utilisant les "lois du marché", et, à l'envers, un marché (à la néoclassique) est totalement calculable (on en connaît "les lois") modélisable, réductible en algorithmes de planification (cf. théorie des marchés financiers avec prix calculables).
Quel est alors le problème central de la planification par le marché ? Celui du contrôle des actions. Comment être sûr que les agents subalternes obéissent & agissent avec dévouement, zêle, efficacité, etc.? Qu'il n'y a pas de triche, de fraude, de mensonge, de "truffe" (au sens russe de "truffer les comptes", à la manière Andersen ou Goldman). Vaste programme qui s'étend bien au-delà de l'entreprise (Tirole) et de l'économie publique normative (Laffont) pour atteindre les principes constitutionnels mêmes (Laffont).
Les travaux de Laffont-Tirole concernent : les incitations ou les stimulants matériels, la révélation ou le contrôle, la surveillance des régulateurs ou le contrôle des contrôleurs, et finalement la gouvernance (cybernétisée). Tout le programme du despotisme économique (néolibéral), celui d'un "PS" néolibéral, est concentré en deux ouvrages essentiels (pour découvrir le nouveau visage du despotisme éclairé technocrate) :
Theory of Incentives in Procurement and Regulation, MIT, 1993, Laffont -Tirole ; Theory of Incentives, Princeton, 2001, Laffont-Martimort.
Pour plus de détails, regarder le site de la TSE