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Billet de blog 9 mai 2012

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Eloge de Nicolas Sarkozy alors qu'il chute

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Je veux ici faire l'éloge de Nicolas Sarkozy, alors qu'il est défait. Cette défaite, je l'ai espérée, voulue ; j'y ai cru, et je n'ai pas douté de ma croyance. Voici Hollande élu, et Sarkozy, ses débordements de fiel et d'agressivité, vont rejoindre cet obscur et nauséabond dégorgeoir de HLM qu'on appelle l'histoire. Sarkozy partant trouve les mots de son style, mêlant certaines grandeurs, une affable douceur à une rancoeur de bas-fonds.  

Cet homme, nous ne savons pourquoi, nous fit jouir de mauvaises humeurs, et nous nous ennuierons sans doute de lui, quand il n'y aura plus ni Liliane B., ni combines secrètes où le lucre et le cynisme se combinent pour le pouvoir. Certes il sera poursuivi, et son courre agrémentera encore les colonnes de Médiapart, et d'autres parts encore, mais cela ne sera que réchauffé, fin de partie, car la chasse ne sera plus pareille, puisque  l'animal aura déjà été abattu. 

Quelle bête politique fût-il, et de quelle espèce ? Il faut bien dire que la confusion règne, et pas d'hier. Sans doute faut-il revenir à la guerre, la seconde, qu'on n'ose encore proclamer la dernière, tant d'autres se sont produites et d'autres encore se profilent, à l'invasion donc de la France et à cette guerre civile entre les forces de résistance et celles de la collaboration. Cette guerre, l'extrême gauche l'évoqua dans la campagne jusqu'à en donner la nausée, de la résistance à la libération. Il fut comparé à Pétain, on évoqua les camps, les monstruosités. Mélenchon, fit revenir des morts l'ombre de Thorez mêlant les drapeaux rouge et tricolore, comme au temps où Aragon chantait "mon parti m'a rendu les couleurs de la France".  La campagne pour les élections présidentielles s'est alimentée du fatras mémoriel de cette période dramatique de notre histoire servant de métonymie à notre présent difficile. 

Je dis métonymie et non pas métaphore, parce que, justement, la métaphore est ce qui manque aujourd'hui, même si Mélenchon, puisant largement aux mamelles de la Parque française , allant de Victor Hugo à Jean Ferrat en passant par Aragon, voulut remettre un dictionnaire de rimes au vieux drapeau rouge. Même si, horresco referens, Marion Le Pen sut aussi porter la question du jour au niveau d'un destin, ce fut en fin de compte la victoire d'un socialisme des plus conformistes, des plus bonhommes, louis-philippard presque, qui vint catalyser les espérances populaires les plus chatoyantes, et provoquer l'extase finale d'une victoire sur une ombre chinoise où s'esquissait la silhouette d'un tyran.

Sarkozy était une des pierres d'un gué qui traverse le cours de l'histoire de France, en scandant le rythme. Que cette pierre ait branlé, pour finalement se dérober, elle n'en marque pas moins la continuité d'une ligne, celle des étrangers, quelque peu rastaquouères, réformateurs douteux et opportunistes, qui reviennent comme des comètes dans le ciel morne du pouvoir. Faisons la commencer avec Clovis, pour ne pas dire César,  le César baroque, efféminé, imprévisible et imbu de lui-même, l'aut Cesar aut nullus , pour continuer avec Mazarin, puis les Napoléon Buonaparte, le grand et le petit. Ensuite la confusion commence avec la guerre, le fascisme, la collaboration et la révolution dite nationale. Car cette période brouille les pistes, et s'il y a de l'étrange, voire de l'étranger chez cet officier non-conformiste, issu de la périphérie flamande de la France éternelle,  qu'est Charles De Gaulle, c'est aussi au nom des valeurs de la France et de son passé qu'il se bat, contre l'européanisme hitlerophile d'un Pétain et surtout d'un Doriot ou d'un Laval. 

Le triomphe, toujours temporaire et toujours décisif des périphériques, flamand, italien, corse, hollandais   ( et oui), franc c'est à dire germain, nécessite un moment historique particulier, critique, voire révolutionnaire, où leur génie  et leur créativité en rupture avec les écoles et les établissements leur permettent de bousculer les lignes et d'introduire un ordre nouveau. 

Le discours d'après la défaite  ne fut pas l'abdication de l'Aigle, même si Sarkozy voulut faire de sa campagne du second tour une sorte de campagne de France, et si ses adieux reçurent des larmes de grognards venues des beaux quartiers. Ce fut l'heure, pour paraphraser Brel,  où les épiciers se prirent pour des maréchaux d'Empire, pendant que sa garde commençait à entonner le grand air des demi-soldes, lire des parachutes dorés. Il est possible qu'il revienne sous une forme ou une autre pour cent jours, mais ne nous hasardons pas à entrevoir une résurrection. Car la droite, qui s'était trouvé un leader de rupture, y regardera à deux fois.

On ne sait quelle fut la cause principale de son échec, des circonstances ou du tempérament. Il débuta son quinquennat en réformateur. Il attira à lui, provoqua des transfuges, certains par ambition seule, qui se mêlait, pour d'autres, à leurs convictions. Un certain non-conformisme, non dépourvu d'afféterie, un style rompant avec celui de ses prédécesseurs, abandonnant le corps sacré et la pompe du chef de l'état, à la discipline gymnastique et aux signes de richesse. Son activité débordante mais brouillonne évoquait, en un genre mineur, le travail acharné et génial de l'Empereur. Comme lui, il provoqua des fureurs, et se fit des ennemis résolus, là aussi en un genre mineur, car enfin, avec quelque talent qu'il écrive, Plenel n'est pas Chateaubriand.  A sa décharge, on dira qu'il vint au mauvais moment, et dans un mauvais parti, dans une Europe qui n'était plus à construire, mais à rafistoler, dans une France en souffrance de souveraineté, affaiblie, ankylosée, divisée, restreinte. Il essaya de soutenir un rôle international, fit illusion. Il avait certes les qualités machiavéliques d'un tyran, la rancune sans limites, et le sens du complot. Il s'est entouré de flics et de traîtres, de seconds couteaux et de forcenés. Il tenta de gérer la pourriture, la merde dans des bas de soie et de rayonne. Mais finalement il rata son coup. Fut-il pour quelque chose dans l'affaire du Sofitel de New York ? Dominique Strauss-Khan éliminé, il crut avoir partie gagner. Mais l'histoire ruse et ironise. Il pensait se tirer facilement d'une épreuve avec un compère, rastaquouère comme lui, qu'il espionnait, dont il savait les vices et n'aurait eu aucun scrupule à trahir les règles du milieu pour les rendre publics. Une fois Strauss-Khan abattu, il ne  pensa pas l'habileté des socialistes à se sortir du guêpier, à rester unis là où il s'attendait à les voir se déchirer. Il méprisa Hollande sans voir qu'il avait pour lui la force de la tradition, du conformisme républicain, du Massif Central triomphant de la périphérie. 

Sarkozy talonnait. Moi qui porte le nom de Jacob, le talonneur, ne peux qu'en être touché. Il avait l'énergie virile, phallique un peu ridicule des hommes petits, Picasso, Chaplin, Mitterand. Ce n'était pas un homme à femmes, mais celles qui l'entouraient étaient très belles, très grandes. Il souffrait sur ses talonnettes, à en avoir recours à une thérapeute du périnée pour assurer son maintien. Il fut cocu, et magnifique, ouvertement haï le jour de son intronisation en 2007 par celle qu'il présentait encore comme son épouse. Et l'on vit avec effarement, son épouse actuelle, Carla éclater de rire en disant qu'il travaillait tant qu'il risquait d'en mourir. On ne sait aujourd'hui si elle est rassurée ou inquiète de le voir sans emploi.  

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