Retraité, j’allais encore à l’assemblée générale de ma caisse locale, non pas pour la partie statutaire ni pour le laïus du représentant de la direction qui voulait faire croire que le Crédit Agricole était toujours mutuel mais pour revoir les employés de l’agence de ma génération au cours de la réception finale.
C’était bien quatre ou cinq ans après mon départ en retraite, alors que nous plaisantions entre anciens collègues, un verre à la main, le cadre de direction se joint à notre groupe ; quelqu’un fait les présentations et là ça fait tilt : « Ah, c’est vous qui avez fait retirer 1700 bulletins de salaire pour un centime ? »
Ce que c’est que la renommée ! Il était arrivé à la caisse après mon départ, nous ne nous étions jamais rencontrés mais il avait entendu dire que j’avais fait recalculer et retirer toute une paye.
‑‑ Est-ce un reproche ou un compliment ?
‑‑ Heu, Un centime quand même !
‑‑ Qu’est-ce qui vous étonne le plus, qu’on l’ait demandé ou que la caisse se soit exécutée ?
‑‑ Heu, Un centime quand même !
‑‑ À l’inverse de la pile Wonder, le droit du travail ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Nous avons tout simplement fait valoir le principe de faveur : Lorsque plusieurs calculs sont possibles, il faut utiliser le plus favorable au salarié. Ça s’applique sur chacune des lignes du bulletin. Quand on a une base multipliée par un taux, le résultat peut avoir plus de deux décimales. Si c’est un gain, on arrondit, si c’est une retenue, on tronque. Il peut donc y avoir plus d’un centime sur chaque bulletin.
Les atteintes au droit du travail ne se font généralement pas à la hache mais plutôt à coups de canifs.
Denis Kessler a défini la feuille de route du MEDEF : « Il faut détricoter maille par maille le programme du CNR ». Une maille par ci, une maille par là, sans faire de bruit, sans provoquer des levées de boucliers, puis lorsque le front a été bien entamé, on fait intervenir les politiques pour constater dans la loi l’avancée subreptice.
L’exemple le plus emblématique aura été le regroupement des délégués du personnel, CHSCT, comité d’entreprise en un unique CSE, entérinant la fin de la proximité des instances représentatives.
Le premier rôle des syndicalistes devrait être d’empêcher les velléités patronales de ce genre. Les équipes de terrain font ce qu’elles peuvent, mais les niveaux nationaux sont bien trop occupés à guigner les bonnes places, au prix de « renoncements », pour s’offusquer de ces atteintes subalternes.
C’est peut-être pourquoi ce principe de faveur qui devrait s’appliquer aussi aux retraités est systématiquement refusé. Les retraités ne disposent pas de représentants de proximité !