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Billet de blog 19 octobre 2011

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Pour un manifeste du convivialisme, Alain Caillé (Editions Le Bord de l'Eau, 120 p., 12 euros)

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Le texte d’Alain Caillé apporte un peu d’air frais dans le débat politique ambiant, rompant avec tous les vieux "ismes" actuels pour en proposer un autre, le convivialisme, à certains égards convaincant, même si son manifeste n'en est qu'au stade de l'ébauche.
Alain Caillé reconnaît que « les idéologies politiques héritées, inventées il y a deux ou trois siècles ne sont plus à l’échelle » (p.14). Il vise pêle-mêle « libéralisme, socialisme, anarchisme ou communisme », qui s’inscrivent « dans le terreau de l’utilitarisme et ne développent en fin de compte qu’une interprétation instrumentale de l’idéal démocratique. Pour elles, l’homme est avant tout un homo oeconomicus » (p. 76). Et il ajoute : « la condition sine qua non de réalisation de leur idéal réside dans l’augmentation indéfinie de la production matérielle et dans le progrès technique. »
Alors que nous propose Alain Caillé dans son projet de manifeste, qui s’appuie sur les travaux de nombreux intellectuels hétérodoxes comme Serge Latouche, Jean Gadrey, Dominique Méda, Christian Laval, Yann Moulier-Boutang, Geneviève Azam, François Fourquet, Paul Jorion, René Passet et bien d’autres (p. 9), sans oublier Tim Jackson, qui conclut à « une prospérité sans croissance » comme perspective pour notre planète ?
De penser l’histoire des sociétés humaines, non comme d’abord celle de la lutte des classes (Marx) mais comme celle des règles de vie en société pour permettre de vivre ensemble « en s’opposant sans se massacrer » (Marcel Mauss).
Devant la grave crise planétaire que nous subissons avec le délitement des liens sociaux au profit d’un individualisme de marché, la question du vivre ensemble, de la convivialité se pose en de nouveaux termes pour sortir du néo-libéralisme.
Mais quelles propositions concrètes avance-t-il, me demanderez-vous, en cette période électorale en France, propice au débat politique ?
Citons-en quelques-unes :
- au nom des principes de "commune humanité "et de "commune sociabilité", un revenu minimum et un revenu maximum ;
- une forte redistribution des richesses, en se basant sur les 10-15 % de la valeur ajoutée qui sont allés des revenus du travail à ceux du capital, depuis la fin des années 1970 ;
- un nouvel universalisme culturel contre l’hégémonie de la culture occidentale ;
- une internationalisation des Etats-nations, avec un double droit pour les populations "composites" de ces Etats : un droit d’appartenance et un droit de se différencier ;
- une mobilisation associative de la « multitude » pour gérer, à l’échelle des personnes associées, les biens communs ; à l’échelle des Etats ou des grandes associations, les biens publics ; à l’échelle des organismes internationaux, les biens communs de l’humanité.
Utopique me direz-vous ? Pas nécessairement, même si ces propositions ne sont pas suffisamment localisées, ancrées dans des territoires concrets, celui de nos agglomérations urbaines, de nos pays ruraux, de nos espaces naturels dans le cas de la France et de l’Europe et dépendent fortement des mobilisations associatives.
Salutaire certainement, car offrant une autre perspective que celle – complètement vaine aujourd’hui en Europe - d’une croissance de la richesse matérielle. Caillé défend le progrès mais un "progrès humain", favorisant l’être au-delà d’un certain niveau d’avoir, augmentant les capacités des êtres humains à être reconnus dans leur dignité par les autres, à agir et à créer pour le bien-être social dans les limites que nous fixe notre patrimoine naturel commun. A lire donc, pour débattre, approfondir et expérimenter.
(Jacques Milan)

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