C'était il y a plus de 30 ans, à la fac. Comme souvent quand j'avais du temps à perdre, je me retrouvais à la section "Périodiques" de la Bibliothèque Universitaire. C'est là que, par hasard, je suis tombé sur "L'Autre Journal". C'était facile: personne ne le lisait. Je ne sais plus sur quoi je suis tombé en premier. Un article d'Ania Francos, peut-être? Mes souvenirs sont assez vagues, je sais juste que c'est la tonalité d'ensemble qui m'a plu tout de suite; cela répondait à un besoin impérieux d'ailleurs ou si l'on veut de poésie. Une poésie qui fait face au monde sans se trahir. Je me souviens, un peu plus tard, d'y avoir découvert le fameux article de Deleuze sur "La société de contrôle". Aussi du bonheur, plus tard, d'avoir découvert "Encore" dans une librairie. Et, un peu plus tard encore, de ce kiosque du XIXème arrondissement, rue de Flandre, où j'ai découvert "L'Azur". Il me semble avoir acheté tous les numéros. Je me souviens aussi qu'à ce moment-là je lisais "Minima Moralia" d'Adorno et que je me disais que c'était dans le même esprit. Cela ne se voyait pas. Là me revient une citation de Tarkovski que m'avait rapportée Marie Ponchelet: "il n'est pas impossible que ce soient des actes individuels, que personne ne voit ni ne comprend, qui fassent l'harmonie du monde". C'était un temps où cette acception de la poésie était une nécessité vitale. Reste l'idée qu'il faut se méfier des gens qui n'aiment pas la poésie.
Merci, donc, à Michel Butel, pour ce qu'il a su défendre et maintenir.