Plus d’un million de logements inhabités supplémentaires en 10 ans, un désastre écologique et social
Chaque année fin juin, l’Insee produit ses dossiers statistiques par commune avec les données agrégées du dernier recensement. Fin juin 2024 ont été produits les éléments correspondant à l’année 2021, puisque les indicateurs de l’Insee sont produits sur des moyennes mobiles de 5 ans
Les données sur le logement en France ont révélé au mois de juin une nouvelle progression du nombre de logements sous-occupés. Il y en a désormais en France plus de 6,6 millions soit 3,6 millions de résidences secondaires et 3 millions de logements vacants.
Ce nombre augmente de façon continue, 100 000 logements sous-occupés de plus par an, plus de 1 million supplémentaire en 10 ans. Sur la dernière décennie, quand 350 000 logements ont été construits par an, plus de 100 000 l’ont été pour devenir de fait des résidences secondaires ou sont laissés vacants. Cela représente l’équivalent de 30% de la construction annuelle de logements.
Le bâtiment contribue d’une façon très importante aux émissions de gaz à effet de serre. nous devons tout faire pour économiser l’énergie, pour produire à bon escient. Au lieu de cela, la part des logements inhabités n’a jamais autant progressé : près de 18% de l’offre de logements en France. C’est un gâchis social et environnemental.
Sur ces 6,6 millions de logements sous-occupés, une part importante sont situés dans des zones dites « peu tendues » où la demande de logements est faible. Mais beaucoup d’entre eux se situent en zone extrêmement tendue. A Paris, le nombre de logements sous-occupés ne cesse de progresser, au rythme de près de 8000 logements supplémentaires par an. Paris compte 270 000 logements sous-occupés, pour moitié des résidences secondaires, pour moitié des logements vacants, soit 20% de l’offre totale de logements !
Dans nombre d’autres zones touristiques, tout aussi « tendues » que Paris, la situation est similaire, voire pire. A Nice, cette proportion atteint 27%. On peut estimer à 1,5 million le nombre de logements sous-occupés en zones tendues.
Ces logements inoccupés sont situés souvent au centre des agglomérations. Ils aggravent la crise et les remettre sur le marché locatif « classique serait extrêmement bénéfique pour le droit au logement pour tous et le climat. 1 million de logements supplémentaires habités, c’est 1 million de logements de moins à construire. Environ 70 millions de tonnes de CO2 émises en moins, soit près de 20% des émissions françaises d’une année.
Il y a donc urgence à agir contre cette sous-occupation des logements, particulièrement en zone tendue. Un objectif de sortir 1 million de logements de la sous-occupation sur les 6,6 millions existants en France doit être notre ambition.
Alors comment faire ? On peut évidemment envisager de façon ponctuelle les réquisitions. Aucun Gouvernement n’a réquisitionné de logement depuis Jacques Chirac et Lionel Jospin. Mais soyons réalistes, on ne réquisitionnera pas 1 million de logements.
Les outils fiscaux me semblent plus à même d’apporter une réponse structurelle. Deux outils existent : la taxe sur les logements vacants créée en 1999 par le ministre Jean-Claude Gayssot, et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, créée en 2014 suite aux propositions que nous avions formulées avec Ian Brossat, à l’époque adjoint au logement et désormais sénateur de Paris, dans notre ouvrage « Paris n’est pas à vendre ». Mais les taux de ces taxes, qui sont déterminés par le Parlement, sont encore bien trop faibles.
Suite à de nombreuses mobilisations, le taux de la taxe sur les logements vacants a été un peu remonté en 2024, et le nombre de communes pouvant mettre en place la taxe sur les résidences secondaires a été augmenté, passant de 1136 à 3697 en 2024. Cela a d’ailleurs été un succès : selon la Direction Générale des Finances Publiques, nous sommes passés de 308 à 1461 communes ayant mis en place la taxe sur les résidences secondaires en un an. A noter ici que la nécessité de mieux taxer ces logements est partagée par les maires de tous horizons politiques, tant la multiplication de ces biens sans habitants met leur ville en péril.
Malgré ces avancées, les taux de ces deux taxes sont encore beaucoup trop bas pour être incitatifs. A Paris, nous estimons qu’un propriétaire de logement vacant ou de résidence secondaire ne contribue en moyenne qu’à hauteur de 2500 euros par an.
Sur proposition des élus communistes, le Conseil de Paris a voté à de nombreuses reprises en faveur du relèvement de ces taxes, qui doit être entériné par le Parlement. J’estime que si les taux étaient multipliés par trois, nous pourrions espérer remettre 100 000 logements parisiens sur le marché. Cela ne permettrait pas de combler totalement le déficit de logement en Ile-de-France, estimé à 300 000 logements, mais cela y contribuerait de façon très conséquente.
Pourquoi se priver de telles mesures qui peuvent permettre de lutter très rapidement contre la crise du logement, et de mieux gérer notre patrimoine, avec un effet très bénéfiques pour le climat et la biodiversité ?
Il faut qu’au plus vite un gouvernement propose au Parlement un relèvement des taxes sur la sous-occupation des logements. Rappelons notre objectif : remettre sur le marché 1 million de logements en zones tendues. C’est possible, et avec une mesure qui ne coûte pas un sou aux finances publiques.
Jacques Baudrier, adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement et de la transition écologique du bâti