JALIL BERRADA

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Billet de blog 5 octobre 2025

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LA DÉCADENCE DE L’ÉDUCATION NATIONALE AU MAROC : “FINE KENTI, WOU FINE WELLITI ?”

À l’aube de l’indépendance, l’école publique marocaine était un modèle d’excellence et d’égalité. Aujourd’hui, elle symbolise le déclin d’un système oublié, miné par l’improvisation et l’hypocrisie des élites. Réformer l’éducation, c’est refonder la nation : redonner à l’école sa dignité, et à l’enseignant, son rang.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il fut un temps, pas si lointain, où l’école publique marocaine brillait d’une lumière rare.

C’était l’époque où l’on croyait encore à la méritocratie, où l’élève studieux des quartiers populaires pouvait côtoyer, sur les mêmes bancs, le fils du notable ou du fonctionnaire.

L’école formait alors des esprits libres, des consciences éveillées, des citoyens fiers.

Les candidats libres décrochaient le baccalauréat français sans trembler : le savoir était leur arme, la discipline leur force.

Aujourd’hui, tout semble s’être inversé.

L’école publique n’est plus un tremplin, mais souvent un refuge de fortune pour ceux qui n’ont pas le choix.

La promesse d’égalité s’est dissoute dans la résignation.

Là où le savoir ouvrait des portes, il entretient désormais la frustration et l’exil intérieur.

Le grand chantier oublié

L’éducation devrait être le cœur battant de la réforme marocaine.

Elle ne peut se réduire à des textes de loi ou des réformes de façade.

Elle doit redevenir un projet de civilisation — une promesse faite à l’enfant marocain d’apprendre à penser, à douter, à rêver.

Car un peuple privé d’esprit critique devient vulnérable, malléable, prêt à suivre les premiers marchands de certitude venus.


Les années de plomb intellectuel

Hassan II, confronté aux tensions politiques d’une époque agitée, fit le choix d’une arabisation précipitée, instrumentalisée.

Un virage idéologique qui, au lieu de réconcilier l’école avec sa culture, a amputé le pays de son capital intellectuel.

Exit la philosophie, le débat, la pensée libre.

Un abrutissement méthodique — ce “taklikh” assumé — a anesthésié des générations entières.

L’État croyait maîtriser les esprits ; il n’a fait que les endormir.

Sous Mohammed VI, un souffle à prolonger

Avec le règne actuel, une ouverture s’est dessinée : plus de transparence, plus de volonté.

Mais l’héritage est lourd, les résistances nombreuses.

Certains courants, nostalgiques d’une identité figée, préfèrent la médiocrité confortable à la modernité exigeante.

Ce repli sur soi, faussement vertueux, menace l’avenir de tout un peuple.

Réinventer l’école marocaine

Réformer l’éducation, c’est d’abord oser une révolution culturelle.

C’est rompre avec les syndicats nombrilistes, avec les calculs politiciens, avec le fatalisme social.

C’est replacer l’élève et l’enseignant au centre — le savoir comme boussole, la dignité comme horizon.

Les outils numériques ne sont pas une fin, mais un levier.

Tablettes, plateformes interactives, pédagogie visuelle : ces innovations peuvent sauver des années perdues, à condition d’y mettre du sens et de la rigueur.

Et surtout, il faut rendre à l’enseignant la place qu’il mérite.

Le respect, la reconnaissance, la formation.

Un pays se mesure à la manière dont il traite ses maîtres d’école : les nations les plus avancées le savent depuis longtemps.

Langue et savoir : une fausse querelle

Le débat sur la langue d’enseignement est devenu un écran de fumée.

Ce qui compte, ce n’est pas le véhicule, mais la destination : l’accès à la connaissance mondiale.

Qu’elle passe par le français, l’anglais ou l’arabe, peu importe — pourvu qu’elle élève.

La traduction des grandes œuvres scientifiques devrait être une politique d’État, pour que le Maroc cesse d’apprendre le monde à travers les yeux des autres.

L’hypocrisie des élites

Comment croire à la sincérité des réformes quand ceux qui les votent inscrivent leurs enfants dans les missions étrangères ou les écoles privées hors de prix ?

Ce mépris déguisé en pragmatisme est une gifle au citoyen ordinaire.

Il alimente la colère et la défiance, ces deux poisons de la démocratie naissante.

Pour une école du XXIe siècle

Le Maroc a besoin d’une école qui élève, pas qui enferme.

D’une école du partage, du mérite, de la curiosité.

Une école où chaque enfant, quelle que soit son origine, puisse rêver à l’avenir sans barrière de langue ni de fortune.

Une école où l’instituteur serait honoré comme un ministre — car il forge le destin d’un peuple entier.

Le reste n’est que littérature.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.