Que faudrait-il penser devant la censure dont a fait l'objet les affiches du spectacle "En mai 2012, Stéphane Guillon s'en va aussi", sur les murs du métro parisien ? Une affiche "gentillet", sans violence ni insulte, qui fait une référence allusive, quoique bien comprise, à l'échéance électorale programmée pour la même période. Publicité "à caractère politique" donc, car faisant référence de manière allusive à une élection présidentielle. Publicité à caractère "trop politique", car le comédien s'affiche ouvertement critique du gouvernement en place.
D'abord viré des ondes de la radio publique française, Stéphane Guillon se voit aujourd'hui refusé les murs de Paris : car une allusion ne se tolère pas en temps électorale, du moins quand ce n'est pas l'opposition qui est visée ? Des affiches jugés acceptables par la RTP, l’autorité de régulation de la publicité professionnelle en France, et puis arrachées des murs du métro parisien quelques heures après leur apparition, par l'entreprise privée chargé de coller les affiches aux murs. Faudrait-il en conclure qu'une "démocratie irréprochable" n'admet point de voix qui ne s'accorde avec la voix de son maître ? Et qu'une entreprise française privée, chargée de coller les affiches jugées acceptables par l'autorité de régulation, peut s'adonner à des actes de censure comme bon il lui semble, car commanditée par et soumise aux pouvoirs en place ? « La convention qui nous lie à la RATP nous interdit toute publicité à caractère politique ou religieux. Lorsque nous avons découvert le visuel ce mercredi matin, que l’agence de communication ne nous avait pas transmis, notre direction juridique a estimé que celui-ci était trop politique qui plus est en période électorale. “S’en va aussi” suffit à polémiquer. On voit très bien qu’il évoque Nicolas Sarkozy » explique à Mediapart, Katia Ivanoff, responsable de la communication de Métrobus.
Ne faudrait-il se rappeler d'abord que toute publicité, comme toute promotion, est politique ? Banaliser la consommation à outrance, banaliser l'égoïsme, banaliser le gaspillage, privilégier la convoitise, banaliser l'inégalité et la rendre désirable pour des gagnants d'un système injuste car ça nous arrange, promouvoir le goût du luxe, jouer inlassablement sur la distinction, pousser inlassablement à l'excès, nier toute relation entre les réalités sociales qui lient ceux qui produisent, ceux qui vendent et ceux qui consomment, au nom du "rêve" : toute "campagne de publicité", même la plus anodine, est d'abord politique, avant même de vendre sa lessive ou rendre son produit et ses désirs désirables.

Interdire des publicités "à caractère politique" ne veut donc strictement rien dire ; il s'agit soit d'une erreur de langage, soit de la négation de cette réalité que toute publicité concourt à nous faire oublier : que toute publicité est politique par essence même : Ne faudrait-il donc mieux parler, s'il faut en parler, de "toute publicité qui fait référence explicite au politique, ou qui fait allusion au politique" ?
- Une pièce de théâtre à connotation politique - par exemple une pièce intitulée "Casse toi pauv' con !" (phrase hélas célèbre, prononcée par l'actuel Président en place) - serait interdite donc de toute publicité ? Une pièce qui s'intitule Les Tontons de Karachi, ou Le Majordome de Bettencourt, ou Salut les Pédophiles!, peut-elle voir le jour en France, ou serait-elle interdite de toute publicité ? C'est à dire, de toute promotion ?
Alors, je voudrais bien l'écrire.