Lorsque le coup de marteau vert de Laurent Fabius s’est abattu sur le tapis de l’accord de Paris ce 12 décembre 2015, beaucoup d’entre nous avions pensé que, même si trop de temps s’était écoulé depuis le rapport Meadows de 1972 et le 1er rapport du GIEC de 1990, les gouvernements avaient enfin pris la mesure des menaces que faisait peser l’activité humanité sur notre planète et le vivant.
Mais il faudra attendre finalement 4 ans, le 4 mai 2021 pour que la France se dote d’un véritable outil législatif s’attaquant à des sujets clefs : la rénovation thermique, l’artificialisation des sols et le renforcement de la gouvernance climatique des politiques publiques.
La mise en place d’une convention citoyenne pour le climat, dont le travail sera grandement édulcoré par le gouvernement, a très certainement été utilisée comme le meilleur thermomètre du niveau d’acceptabilité des mesures envisagées.
Mais la réalité sera plus dure lorsque les grands principes de la loi viendront se fracasser sur le réel quotidien des Français.
Car si pour nos concitoyens les efforts demandés sont immédiats, les bénéfices ne sont qu’hypothétiques et lointains.
Car pour une partie des Français, cachés sous d’abominables acronymes, les zones à faibles émissions, (ZFE) viennent avant tout limiter la mobilité, souvent des moins aisés.
Idem pour l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols de la loi ZAN (zéro artificialisation nette) qui sera tout de suite contesté par ceux qui n’ont pas eu le temps de construire notamment en ruralité.
Atteinte à la liberté de se déplacer, atteinte à la liberté de se loger, la tentation était trop grande pour celui, qui, sondage après sondage ne décolle pas, mais pour qui, dans la course qu’il se livre avec le rassemblement national, comprend l’intérêt de s’ériger contre les lois jacobinistes qui « mettent les communes sous cloches ».
Loin de la désobéissance civile qui s’inscrit dans les grandes luttes politiques contre l’arbitraire, Laurent Wauquiez lui substitue la désobéissance cynique, celle qui joue contre l’intérêt général.
Le Président de Région sait pourtant que la Loi Climat et Résilience ne lui laisse pas le choix, et surtout pas celui de sortir du ZAN.
Il n’ignore pas que son Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Egalité des Territoire devra se conformer aux objectifs de la zéro artificialisation.
Que ce SRADDET sera soumis au contrôle du préfet qui devra le rejeter si l’artificialisation n’est pas endiguée.
Que sans SRADDET, la Région perdra tous les leviers de sa politiques d’aménagement du territoire, sur la rénovation thermique, la gestion des déchets, les énergies renouvelables, la préservation de la biodiversité, sa politique climatique.
Au-delà, Laurent Wauquiez laisse courageusement le mistigri du ZAN au Scot ou aux communautés de communes, voir aux communes.
Si dans sa sortie d’anonymat politique, Laurent Wauquiez devait capitaliser sur cette stratégie, il pourra s’enorgueillir auprès de sa famille politique, très mollement à ses côtés, d’avoir été le 1er à dégainer sur ce qui devient clairement la nouvelle fracture politique.
D’un côté, une techno croyance qui flatte les capacités de l’innovation et du progrès à trouver les solutions lesquelles doivent se libérer des procédures, des contraintes techniques et de la bureaucratie. Ce « don’t look up » permet entre autres d’exalter le génie français : Le bon sens plus que la Loi, le politique plus que l’administratif.
Libérale sur le plan économique, libérée de la tutelle de l’Etat à travers la loi, elle s’affranchie souvent de la science et du droit.
De l’autre, une prise en compte dans toutes les politiques publiques des limites planétaires et des impératifs de sobriété. L’intervention de la puissance publique mais également d’autorités administratives indépendantes permet de corriger des inégalités économiques et sociales. Ce progrès « éclairé » n’est pas décorrélé de l’intérêt général.
Gageons pour Laurent Wauquiez que d’ici 2026, le temps fera oublier aux Français qu’un Président de Région a bafoué l’institution démocratique qu’il préside, sans aucune concertation, ni délibération mettant toute sa région, « la deuxième de France » se plait-il à rappeler "hors la loi".
On devra également oublier qu’un candidat putatif aux plus hautes fonctions de l’Etat, "clef de voute de nos institutions", méprise à ce point la Loi, pourtant l’outil démocratique aux yeux des Français.
Sans doute pris dans une autre course à la surenchère, mais cette fois face aux autres Présidents de région galvanisés par « les annonces corses », Laurent Wauquiez, a surtout donné, dans ce piètre épisode, des arguments au pouvoir central qui pourraient freiner les velléités de décentralisation soutenus par des Présidents frondeurs et anti-républicains.
Pierre JANOT
Avocat
Elu à la région Auvergne Rhône Alpes
Groupe Les Ecologistes