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Billet de blog 20 août 2011

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Une grande philosophe de la cause animale, Françoise Armengaud.

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Françoise Armengaud vient de démontrer dans un livre essentiel qu'elle est l'une des plus importantes philosophes de la cause animale en France. Son livre qui vient de paraître s'intitule : Réflexions sur la condition faite aux animaux. Celles et ceux qui s'intéressent sérieusement aux questions touchant les animaux, le respect qu'on leur doit et le rôle qu'on leur fait jouer dans nos sociétés carnivores, prendront la mesure de l'importance de ce livre et par conséquent de celle de cette philosophe française, normalienne, agrégée et docteur en philosophie, qui a longtemps été universitaire et qui a décidé de consacrer son temps libre à la réflexion sur les animaux en vue de proposer une véritable philosophie animale intallant ainsi ce vivant non-humain au centre de la pensée contemporaine, comme ce fut le cas dans la philosopohie grecque antique.

Qu'est-ce qui fait l'importance de ce livre ? D'abord, le fait que Françoise Armengaud a lu tous les auteurs qui comptent aujourd'hui dans la réflexion sur l'animal (Jacques Derrida, Florence Burgat, Peter Singer, Elisabeth de Fontenay, Michel Foucault, Gary Francione, Hans Jonas, Tom Regan principalement). Il les a lus en profondeur, en cherchant vraiment à les comprendre pour restituer avec le plus de rigueur possible la puissance de leurs réflexions. Cette lecture attentive des grands philosophes de la réflexion animale est quelque chose encore de très rare dans la mesure où le militantisme en faveur des animaux, militantisme qu'il faut admirer, s'appuie trop rarement encore sur ces auteurs essentiels qui ont consacré leurs oeuvres à comprendre justement ce que nos sociétés font aux animaux. Rien que pour la formidale érudition mobilisée par Française Armengaud, mais toujours avec une grande simplicité, de celle qui montre que l'auteur sait de quoi elle parle, ce livre mérite toute notre attention. Mais ce qui fait vraiment la force de cet ouvrage est de ne jamais séparer l'érudition de l'action, autrement dit la pensée animale de la morale ou de l'éthique au service des animaux. Autrement dit encore, l'auteur a écrit là l'un des plus importants livres engagés en faveur des animaux, pour les animaux et donc pour que leurs conditions de vie, qui sont en très grande partie de conditions de misère et de souffrance, fassent l'objet d'une prise de conscience radicale des citoyens que nous sommes, prise de conscience qui tarde incontestablement, voire qui régresse si l'on tient compte des dernières mesures prises par l'Etat en faveur des lobbies économiques qui ne font qu'exploiter la vie des animaux pour leur plus grande souffrance. D'où des chapitres passionnants du livre consacrés, par exemple, à la question essentielle du sacrifice des animaux ( "Du sacrifice des animaux, ou comment l'absurde et le cruel se sont parés des plumes de l'intellligible"), à celle de l'argumentation en faveur du droit des animaux ( "Sur quelques sophismes touchant les droits des animaux") ou encore un sublime et décisif chapitre sur l'anthropomorphisme ( "L'anthropomorphisme : vraie question ou faux dévat") où elle règle leur compte à tous les pseudo-arguments utilisés par ceux qui ne veulent pas davantage protéger les animaux et les respecter véritablement (zootechniciens, scientifiques expérimentateurs, agriculteurs féroces et consommateurs aveuglés par leur égoisme carnivore...). Enfin, la force de ce livre réside essentiellment dans le fait qu'il nous invite par une pensée toujours argumentée à voir autrement les animaux, à chercher à mieux les comprendre en en faisant des êtres méritant toute notre attention et notre respect moral, démarche qu'on peut résumer dans la pharse de Derrida qui est la clé de son éthique animale :

"L'animal nous regarde. Et penser commence là" (L'Animal que donc je suis).

C'est en hommage à ce principe moral derridien que Françoise Armengaud a écrit un des plus beaux chapitre de ce livre : "Le visage animal : bel et bien un visage". Chapitre qui devrait être lu par tous ceux qui n'ont jamais véritablement vu le visage d'un animal, même leur animal de compagnie, et qui ne sont jamais demandés ce que voir du côté de l'animal, pour l'animal, veut dire. Ou encore ceux qui n'ont pas accepté, au sens fort du mot, être vus par leur animal. Toutes ces raisons font de ce livre un grand livre érudit et engagé et de cette philosophe une voix qu'on ne pourra plus ignorer quand on osera encore parler des animaux comme nous le faisons et comme l' a fait, jusqu'à maintenant, l'humanité entière, sauf très rare exception...Merci infiniment Madame de votre regard généreux sur nos frères animaux...

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