Nous sommes passés à une troisième phase de l'humanité : le très haut niveau d'instruction. Il s'agit d'un des phénomènes essentiels de notre époque, je voudrais insister sur un de ses aspects.
Tous les pays à haut niveau d'instruction, sauf un, sont en vieillissement lent, rapide ou accéléré. Leur taux de natalité oscille entre 1,2 et 2 enfants par femme. La seule exception est Israël qui est à 2,5 mais c'est en raison de sa situation particulière. L'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Pologne, l'Ukraine, la Russie, le Japon, la Corée du sud, Taïwan sont autour de 1,3 enfants par femme. Deux-cents adultes font cent-trente enfants, cent-vingt-cinq environ, arrivent à l'âge adulte et feraient quatre-vingt-deux enfants. En trois générations, cent adultes ont soixante-cinq enfants, quarante petits-enfants, vingt-cinq arrière-petits-enfants. Nous ne pouvons pas savoir si cela va durer mais ce phénomène a parfois commencé en 1965, il touche plus ou moins tous les pays développés et, en Europe tout au moins, le problème ne préoccupe pas. Il s'agit peut-être d'une nouvelle loi du comportement humain : un pays à haut niveau d'instruction meurt lentement ou rapidement. Pour vous donner une idée du phénomène, les 300 millions d'Américains font autant d'enfants que les 500 millions d'Européens. En 2007, les 64 millions d'habitants en France ont fait 820 000 enfants comparés aux 690 000 nés en Allemagne, peuplée de 82 millions de personnes. Les immigrés ne représentent qu'une petite partie des naissances. Si cela continue, dans vingt ans, les Français feront deux fois plus d'enfants que les Italiens.
Cette Europe que l'on nous présente comme moderne est en passe de devenir une immense maison de retraite, des vieux partout, écrasant les jeunes, imposant leurs lois, détruisant l'avenir de leurs petits-enfants. La France et les Etats-Unis sont les deux grands pays qui vieillissent le moins, nous sommes autour de 1,9 enfants par femme. La précarisation des nouvelles générations françaises est rendue presque inéluctable par le vieillissement accéléré de nos quatre grands voisins. Notre médiocrité n'est pas le seul handicap pour le futur de nos enfants ou petits-enfants. La démocratie européenne devient une démocratie de vieux, l'Europe meurt si elle continue à faire aussi peu d'enfants. A ce rythme, si cela continue et sans immigration, il n'y aura plus d'Espagnols, d'Italiens, d'Allemands et de Polonais entre 2100 et 2150.
L'immigration ne sera pas une solution parce que tous les autres pays vont connaître le même scénario. Au fur et à mesure que leur niveau d'instruction va augmenter, ils vont faire de moins en moins d'enfants. Ce phénomène s'accélère par rapport à l'évolution historique de la démographie européenne, ainsi les Magrhébins sont passés de 7 enfants par femme en 1970 à 2,5 en 2005. L'immigré va changer de statut, devenir rare et souhaité. Certains peuples font encore beaucoup d'enfants mais ce sont les pays vieillissants qui n'auront sans doute pas la force d'accueillir beaucoup d'immigrés. Comme les Italiens, les Espagnols et les Allemands en ont fait venir récemment beaucoup, nous saurons très vite ce qu'il en est.