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Billet de blog 8 octobre 2025

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La France est le seul pays laïc au monde qui élit tous les cinq ans un prophète.

La République se dit laïque, mais elle n’a jamais cessé de croire. Tous les cinq ans, la France élit un prophète et s’étonne d’être déçue. Le vrai courage politique n’est plus dans la ferveur présidentielle, mais dans la responsabilité parlementaire : croire moins, agir mieux.

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La République se veut laïque, mais elle a gardé la ferveur d’une religion politique. Tous les cinq ans, les citoyens se préparent à élire non un chef de gouvernement, mais un sauveur. Pendant ce temps, le Parlement, pourtant dépositaire de la souveraineté nationale, joue les figurants. Il est temps de rendre à la démocratie sa responsabilité plutôt que sa foi.

La France a séparé l’Église et l’État, mais elle n’a jamais cessé de croire. Elle ne croit plus au ciel, mais elle croit au pouvoir. Tous les cinq ans, elle invente un prophète, un homme providentiel, un messie laïc censé incarner le peuple et purifier la politique. Cette ferveur électorale, que Tocqueville aurait qualifiée d’illusion démocratique, n’a rien d’anecdotique : c’est le cœur de notre mal français.

La Ve République, conçue pour des temps d’urgence, est devenue une théocratie électorale. Le peuple y prie, le président y règne, le Parlement y consent. Et lorsque le miracle n’a pas lieu, lorsque le prophète déçoit, on prépare simplement le suivant.

Pendant que l’Élysée orchestre le culte de l’homme fort, le Parlement s’efface. Ses membres confondent prudence et soumission, compromis et effacement. Pourtant, la crise actuelle — majorité relative, 49.3 en série, budgets contestés — aurait dû rappeler une évidence : le gouvernement n’est pas le maître du Parlement, il en est l’expression.

Le Parlement n’est pas un théâtre d’ombres. Il est la voix du pays réel, de ses contradictions, de ses coalitions possibles. C’est à lui, et à lui seul, de reprendre la main : de nommer le Premier ministre, de voter le budget, de composer le gouvernement à son image. La République n’a pas besoin d’un nouveau prophète. Elle a besoin d’un Parlement adulte.

Un pays mûr ne cherche pas un sauveur, il se gouverne. Le pouvoir présidentiel, hypertrophié, infantilise la nation ; il réduit la politique à un duel et la démocratie à un plébiscite. Rendre au Parlement sa pleine autorité, ce n’est pas affaiblir la République : c’est la sauver d’elle-même.

Les crises contemporaines — sociales, écologiques, financières — exigent des choix, pas des croyances. Et ces choix ne peuvent naître que de la confrontation, de la délibération, de la pluralité. Bref, du politique, non du sacré.

Il est temps que la France renonce à son vieux rêve christique de salut républicain. Qu’elle cesse d’attendre l’homme providentiel et redécouvre la vertu du compromis, de la raison, du collectif. La démocratie n’est pas une foi : c’est une pratique. Et le Parlement n’est pas un sanctuaire : c’est un chantier.

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