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Billet de blog 15 juillet 2010

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Le flou du roi ?

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Le flou du roi ou comment un grand enfumeur relègue Christian Blanc au rang de petit crapoteur.

« Tout inculpé a le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable. »

Chaque citoyen reconnaît sans ciller qu'Eric Woerth tout comme Christian Blanc n'ont commis aucune faute. Aucune. Bien que des preuves ou même des témoignages soient avancés. Ils sont donc présumés innocents, quoiqu'il puisse leur être imputé, même si l'un des deux a déjà été exclu du gouvernement. Sans doute parce que Christian Blanc occupait un rôle moins important et que sa présomption d'innocence avait moins bonne mine que celle d'Eric Woerth.

Halte là. Un tel propos est injuste. Il faut le reconnaître, il n’est pas question de justice dans cette affaire.

Même si le recourt à l’expression de « présomption d’innocence » est devenu systématique, cette notion floue dans nos esprit, serait-elle en période de procès dits « d’intention » un bon rempart oratoire ?

Eric Woerth et Christian Blanc ne peuvent bénéficier de la présomption d'innocence puisqu'ils ne sont pas inculpés. Ils ne peuvent être qu'innocents et ne peuvent reconnaître aucune faute, puisqu'il n'y a rien, cela va de soi. Circulez. L'expression de présomption d'innocence n'est-elle pas en principe employée pour des personnes poursuivies par la justice ? Or, le ministre, et l’ex-secrétaire d’Etat ne sont, on l'a bien compris, ni mis en examen, ni poursuivis par la justice. Et pourtant, Eric Woerth et Christian Blanc, sont bel et bien jugés ces dernières semaines, ici où là, certes quelques jugements de valeur dans nos chaumières, jugés, mais par aucune juridiction.

Défendre une goutte d’eau face à l’avalanche Woerth ?

S'il fallait prendre la défense d'une goûte d'eau, ou d’un frêle flocon de neige, Christian Blanc avec sa poignée de cigares figurerait au premier rang, heureux élu.

En effet, les boîtes de cigare de Christian Blanc sont bien innocentes à côté de la boîte de pandore que semble détenir le ministre Eric Woerth. Tout n'est que projection, hypothèse, suggestion, ou élucubration de l'esprit. Et tout cela dépasse de loin la boîte à chaussures de Roland Dumas.

Loin d'éteindre la polémique qui a entraîné son éviction du gouvernement actuel, Christian Blanc est toutefois écarté des premiers rangs du gouvernement. Il peut désormais faire office d'enfant de chœur. "Le soldat Woerth" est au front, il campe sur sa position.

Creuse t'il des tranchées ? Une guerre de position est-elle à prévoir ?

Les révélations estivales s’emboîtent le pas jour après jour. Elles courent l'actualité, Woerth dans le peloton de tête. Maillot jaune à chaque étape. Une épreuve, ce peloton ? Peloton, pilori, gili ? Une affaire sensible à plusieurs volets qui chatouille sur un pied d'égalité le contribuable et le politique. Enfin de grands moments d'union ! Dans ce feuilleton familial, politique et financier, où tous les ingrédients sont réunis pour concocter un bon scénario, le premier rôle d’ange gardien pourrait très bien convenir à Eric Woerth.

Encore un peu de homard ? Cachez vos cigares !

Les cigares des politiques, rien de très fumant ! Qu’ils soient achetés à leurs propres frais ou achetés avec l'argent public, du pareil au même ? La différence entre dépenses de la vie privée et de la vie publique apparaît parfois très ténue (sans doute est-ce là l'importance des rappels à l'ordre destinés aux ministres "pour une république irréprochable", car sans taupe de ministère, les fameux cigares auraient très bien pu passer ou être considérés comme des frais de bouche, non ?

Qui se soucie réellement des frais de bouche des politiques ?

Un homard arrosé d’un vin rare passe peut être mieux et plus discrètement qu’un nuage de cigare dans l’opinion publique.

Mais le photographe ne prend jamais l’assiette du politique. Et pourtant c’est de cuisine dont il s’agit, de cette même cuisine dont il est question, la cuisine interne du financement des partis politiques -vieux sujet - et des prises illégales d’intérêts, de conflits d’intérêts, qui passionne les français ces dernières semaines.

Les dépenses effectuées lors des repas officiels et autres repas non officiels des ministres ne sont-elles pas plus onéreuses que de simples boîtes de cigares ? Ou est-le sens du service public dans tout cela ? Si la politique est un sacerdoce, chronophage, et elle l'est en principe pour les élus et membres de gouvernement épris de service public, le cigare lui, procure sans doute un semblant d'échappatoire, tout comme la bonne chère (chair). Ces plaisirs très gustatifs sont-ils comparables dans cette perspective du sacerdoce, à un bon vin de messe, ou à un bon agneau Pascal ?

Restreindre les dépenses, est-ce un fidèle cheval de bataille de Nicolas Sarkozy ? Le message passe t-il en signalant bien haut l'abstinence de surprise partie ce 14 juillet, en supprimant tout simplement la Garden party ? En coupant court à tout contact avec les citoyens ? Et bientôt un nouvel avion tout neuf (un « Falcon 7X ») pour mieux les survoler ?

Dépenses faramineuses en déplacement de délégations élargies lors de voyages présidentiels, est-ce là l'exemplarité ? Et les chauffeurs particuliers de chaque ministre ? Une bagatelle indispensable comparée à tout cela ? Ce n’est pas moins cher que des boîtes de cigares tout de même ?

Laurent Fabius aurait-il tout compris à l’époque avec sa deux chevaux avec laquelle il faisait la plupart de ses déplacements ? Le très cavalier Eric Woerth aurait-il tout faux avec ces chevaux, avec l’écurie hippique de luxe tenue par sa femme ? Mediapart et la presse d’investigation viennent-ils nettoyer ou plus modestement éclaircir, porter un peu de lumière dans les box d’Augias ? Pendant que Madame Woerth parie sur les champs de course, palpite chez Hermès, Mediapart joue à sa mesure les Héraclès ?

Ainsi, pour en revenir à Christian Blanc (que je ne connais pas, je ne fume pas non plus, désolé, je précise cela pour les curieux), puisque ce papier s’articule autour de lui, son affaire prend beaucoup de distance avec l’ampleur des dernières semaines et révélations.

Il aurait été victime d’une accumulation de faits ? Et l’accumulation n’est pas étrangère au gouvernement actuel. De façon imagée, le 14 juillet l’a bien montré : hasard du calendrier, cette fois-ci on peut l’affirmer, atmosphère lourde, avec des cumulo nimbus perchés au-dessus de la tribune présidentielle.

Ces observations mineures donnent une autre échelle, une nouvelle dimension au talent d'Eric Woerth. Dans cette perspective, ne relègue t’il pas Christian Blanc au rang de petit crapoteur de bas étage, mis à l’insu de son plein gré, sur le banc de touche du gouvernement ?

Si ce même Christian Blanc a dépensé un peu d'argent public pour satisfaire ses papilles tout en goudronnant ses alvéoles pulmonaires dans les ministères ou dans les airs (peut-on fumer des cigares dans un jet privé tout capitonné de cuirs raffinés ? Alain Joyandet n’aura pas eu le temps de répondre à la question), Eric Woerth pour sa part, dans cette tempête de fond, enfumerait donc le contribuable avec sa tête d'ange gardien. "Est-ce que j’ai une tête à couvrir la fraude fiscale ? s’est-il exclamé. Mais à cette question s’en pose une autre. Un ange gardien peut il être plus innocent qu'un autre ? Tout dépendrait de la personne qu’il garde ? Soit dit en passant, sa question fait surgir l’interrogation de délit de faciès : y a t’il un profil particulier et donc discriminatoire de tête à couvrir de la fraude fiscale ?

Enfumer pour mieux dilapider l’argent public ?

Lors de la présidentielle de 2007, Eric Woerth a été le champion émérite du rassemblement de fonds pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. Un champion incontesté.

Mais une fois nommé au gouvernement, Eric Woerth aurait-il renversé habilement la vapeur ?

Nouvelle conjecture qui occupe le devant de la scène médiatique depuis quelques semaines.

En dehors des conflits d'intérêt qu'il nie en bloc et cela sans monter sur ses grands chevaux , il faut bien lui reconnaître ce nième talent, la vente du domaine de Compiègne attise la polémique et transforme, aux yeux des citoyens, le fougueux soldat Woerth en grand liquidateur des biens de l’Etat qu’il aurait dilapidés à la va vite pour une bouchée de pain ?

Aux questions sur le sujet, sa réponse est invariable, formidable constance du ministre, autre grande qualité : tout a été fait dans les règles de l’art. Et à part ça madame la marquise, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?

« Donne un cheval à celui qui dit la vérité, car il en aura besoin pour s'enfuir ? »

Eric Woerth, ministre du budget, en vendant ou plus justement, en cédant à la hâte le vaste domaine de Compiègne (« 57 hectares dont 6 hectares de golf et 5000m² de superbes bâtiments de style anglo-normand »), à juste titre car l'Etat a besoin d'argent, aurait sans aucun doute pu rapporter des dizaines de millions aux caisses de l'Etat, or il n'en a rien été.

L'hippodrome, le golf et les bâtiments concernés n'ont en tout et pour tout rapporté que l'équivalent de la vente d'une très coquette villa de périphérie urbaine, ou peut être l’équivalent d’une vente d’un beau duplex au cœur de Paris.

Comment un ministre du budget peut-il se permettre de faire perdre à l'Etat des millions, des millions d'euros tout de même, sans appel d’offre, en coulisse donc et avec empressement, et cela une semaine avant qu'il ne quitte son poste de ministre du budget ?

Si le ministre Eric Woerth gère ainsi de telles affaires qui très certainement peuvent être jugées mineures comparées à toutes les autres dont le grand public ignore tout, ou découvre peu à peu, qu'en est-il de la grande réforme actuelle des retraites et de son potentiel bien fondé ?

D’un point de vue symbolique, Eric Woerth porterait-il un niqab ? La presse semble le dévoiler un peu plus chaque jour. Avec « tout ce déchaînement injuste » ou alors avec toutes ses révélations fouillées et étayées, qui aura le mot de la fin ?

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