"Des tracts sont distribués, voici ce à quoi invite l’un d’entre eux le 27 juillet 1940 : « Les soldats allemands sont vos frères, pactisez, ne vous trompez pas, votre ennemi c’est le grand capital, les trusts de France, d’Angleterre, d’Amérique »… Les tracts distribués par Guy Môquet n’appellent pas à la résistance : ils épargnent les nazis, accablent les capitalistes français, justifient le pacte germano-soviétique, attaquent l’Angleterre et les Anglais, insultent de Gaulle, font de l’URSS le pays de la liberté et de la démocratie.
Comme M. Onfray ignore ou fait semblant d'ignorer ce qu'implique le constat et la logique de classe d'un communiste de ces années-là, il ne peut pas comprendre que, dans le même temps que les communistes vivent une guerre avec tous les fascismes en Europe (Italie, Espagne, et avec la guerre, partout en Europe), ils peuvent à la fois lutter contre les armées, leurs dirigeants, et notamment banquiers et industriels, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Madame Lacroix-Riz, et ne pas considérer les soldats comme étant nécessairement leurs ennemis, puisque ce sont souvent des ouvriers enrolés de force. D'ailleurs, dans cette lutte armée que les communistes mettent en place dès 40-41, avant même la rupture du pacte, ils vont préférer assassiner des officiers plutôt que des soldats, même si, selon les circonstances, cela pourra être inévitable, nécessaire. Rol Tanguy, démobilisé en août, ne met que deux mois pour s'engager dans ce qui va s'appeler "la Résistance", en étant l'un de ses fondateurs et animateurs : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Rol-Tanguy et http://rha.revues.org/index1043.html Etant donné que le nazisme est, pour les communistes, la créature montrueuse des capitalistes allemands et européens, comment les tracts diffusés par Guy Môcquet et qui les citent et les visent expressément pourraient pas concerner cette créature monstrueuse qui les traque ? Seulement voilà : Guy Môcquet et ses amis n'ont jamais identifié ALLEMANDS & NAZIS. Ils avaient raison à plus d'un titre, et notamment sur le fait qu'il y avait au sein des armées allemandes des pacifistes, des francophiles, des communistes qui ont donc décidé d'aider la résistance française.
Cf cet article très important : http://fr.wikipedia.org/wiki/Résistance_allemande_au_nazisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_résistants_allemands_au_nazisme Dans cette liste on trouve la présence d'un grand nombre de communistes allemands. Les communistes français, rappelons-le une fois de plus, savaient ce que leurs frères allemands subissaient. Donc en aucun cas, Guy Môcquet n'aurait pu diffuser un tract pour inviter des citoyens à fraterniser avec les soldats allemands en tant que nazis, mais avec les soldats allemands en tant que membres d'un prolétariat instrumentalisé par le Capital.
"Guy Môquet est arrêté par la police de Vichy le 13 octobre 1940, non pas comme résistant, mais comme communiste stalinien appelant à pactiser avec l’occupant nazi."
Je renvoie à ce qui a été dit auparavant : les mesures anticommunistes ont commencé dès 39-40, ont été confirmées et amplifiées par le régime de Pétain, avec la menace de mort. Donc Guy Môcquet résiste, en tant que communiste, stalinien si on veut. Et d'ailleurs Staline va être très vite le principal dirigeant en Europe contre l'Allemagne nazie.
"Il est interrogé, mais pas torturé. Il vit dans le camp sous un régime qui n’est pas concentrationnaire. "
Le club Med de l'époque. Que de délicatesses. Les camps en France n'étaient pas des camps "concentrationnaires" ? Comparés à ceux qui se trouvaient en Allemagne, le régime imposé aux prisonniers devait être en effet un tantinet moins dur. Mais être dans un tel camp, prisonnier, à la merci d'une condamnation à mort et de son exécutation, est-ce que ce n'est pas subir la logique d'un camp concentrationnaire ?
"Le 22 juin 1941, Hitler envahit l’URSS. "
Que c'est mal dit, et que tout ce langage approximatif et inexact reflète bien la manière si suffisante et si peu sérieuse de M. Onfray d'aborder l'Histoire et cette Histoire. Hitler fait attaquer l'URSS, et lance l'invasion, mais il ne peut pas envahir l'URSS (lui n'y est pas), et ses troupes, même d'un grand nombre, s'engagent à l'Ouest de l'URSS, or l'URSS va jusqu'à Vladivostok, jusqu'au Pacifique. Il rompt le pacte, ce qui était inévitable étant donné les idées, les volontés, des uns et des autres.
"Fin du pacte germano-soviétique brisé unilatéralement par les nazis. Les communistes changent de stratégie, presque un an après la déclaration de la guerre, ils entrent enfin dans la résistance."
Il y a les communistes, il y a le parti. Des dirigeants français du parti communiste ont souhaité, étrangement, faire reprendre au parti une vie officielle, notamment avec la republication de "L'Humanité", ce qui était factuellement impossible. Mais les communistes savaient, parce ce qu'ils vivaient, qu'ils étaient en guerre, à la vie, à la mort, avec les nazis. Je l'ai prouvé, mais d'autres preuves pourraient être ajouter : un grand nombre de communistes n'ont pas attendu juin 41 pour commencer à résister, à s'organiser. Mais il est certain que DES LE 22 JUIN 1941, la mobilisation des communistes français franchit un pas, s'accélère. C'est l'ensemble des membres du parti qui sont mobilisés dans la Résistance - donc dès juin 41 ! D'autres, socialistes, radicaux, de droite, ne s'engageront JAMAIS ou alors en 44, quand l'affaire sera, grâce aux coups de boutoir de l'armée rouge, presque pliée. Donc lorsque M. Onfray écrit "ils entrent enfin", c'en est comique. Enfin : oui, totalement, définitivement, quand tant d'autres coupèrent les cheveux en quatre, eurent des années d'atermoiement.
"Des nazis sont abattus dans les rues. L’occupant organise des représailles et prélève des otages dans les prisons. C’est dans cette configuration que Guy Môquet est fusillé le 22 octobre 1941."
Bientôt M. Onfray va accuser les communistes résistants d'être responsables de la mort de Môcquet ! Mais qui l'a, avec ses amis, condamné à mort ? Qui a exécuté la sanction ? Qui était ce Pucheu qui a conseillé aux allemands de fusiller des communistes ?
"Le PCF qui a demandé la reparution de L’Humanité le 20 juin 1940 à l’occupant nazi sous prétexte qu’ils avaient des ennemis communs, (les juifs, les capitalistes, les anglais, la ploutocratie, le parlementarisme, lire le détail dans Juin 40. La négociation secrète de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier), ont eu besoin de se refaire une santé à la Libération – avec l’assentiment du général de Gaulle…"
"Se refaire une santé" est une expression que je voudrais volontier qualifier mais je préfère m'en abstenir. Quand on sait ce que les communistes en Europe ont subi -traques, éliminations, tortures-, ce qu'ils ont donné dans toutes les résistances européennes, ce que les soldats soviétiques ont également subi et donné, de courage et de sacrifice, face à la violence nazie, entendre un petit ploutocrate "libertaire" (cf. la multiplication de la vente de livres via de nombreuses maisons d'éditions) accuser les communistes français d'avoir besoin de "se refaire une santé", comme si, eux, avaient des choses à se reprocher ! Et pourquoi M. Onfray est-il si ignorant de celles et ceux qui ont collaboré activement ? De cette extrême-droite cagoularde et synarque qui a préparé la chute de la République déjà largement gangrénée par des radicaux si à droite à la fin des années 30 ? De cette "milice" dont il ne dit pas un mot ? De Gaulle, qui n'était pas un grand démocrate, comme le putsch de 1958 le démontrera avec la rédaction de cette Constitution monarchique dont nous souffrons tant encore, n'a pas eu à donner son "assentiment" de monarque mais a été obligé de faire avec le CNR et les Communistes étant donné leur rôlé dans la Résistance et dans la libération, de la France et de l'Europe.
"Guy Môquet fut un moment idéal dans le dispositif légendaire communiste : ce jeune homme stalinien qui défendait l’union des communistes avec les nazis contre la démocratie parlementaire, autrement dit le contraire de la Résistance, devint la figure emblématique d’une résistance communiste totalement inexistante à cette époque."
Je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà répondu à ces âneries et monstruosités. Ce ne sont pas seulement les communistes, mais beaucoup de citoyens qui dans les années qui ont suivi la guerre ont pu apprendre le parcours, simple, "modeste" (car Guy Môcquet n'a pas eu le temps de pratiquer la résistance armée, il a diffusé des tracts), et tragique d'un jeune français.
"Il y eut d’autres moments dans cette légende : le PCF fabriqua un faux pour faire croire qu’il avait appelé à la Résistance dès le 10 juillet 1940, « l’appel du 10 juillet » ; il s’intitula « le parti des 75.000 fusillés », alors qu’il y eut au total 4100 fusillés et que tous n’étaient pas communistes ; il présenta fautivement quelques noms de communistes comme résistants de la première heure (Tillion, Guingouin, Havez) alors qu’ils furent de bons soldats du pacte hitléro-stalinien ; etc. « Qu’avez-vous encore contre les communistes ? » me feront savoir nombre de mails ou de courriers que je sais déjà insultants… « Rien ». Rien contre les communistes, mais tout pour l’Histoire.
Non, M. Onfray, ce n'est pas ni vrai que vous n'avez rien contre les communistes quand on lit une telle note-torchon, mais ce n'est pas plus vrai que vous avez "tout pour l'Histoire", quand on constate que vous l'ignorez dans ses faits, dans ses profondeurs, et que sur la base de telles superficialités, vous méprisez la mémoire d'hommes et de femmes qui se sont battus pour libérer la France d'un péril mortel. Car faut-il vous le rappeler : sans victoire contre le nazisme, les citoyens de France auraient fini eux aussi par prendre la direction des camps d'extermination, puisque selon Hitler, l'Allemagne avait trois ennemis définitifs et radicaux : les Juifs, la France, et le communiste. Je me permets donc ici de rendre hommage à tous les Résistants français, communistes ou non, mais plus encore à ceux qui étaient communistes, français et juifs, c'est-à-dire qui cumulaient selon les délires d'Hitler toutes les tares possibles - je précise que, en faisant cela, je ne me rends pas hommage à moi-même, en tant qu'hériter, car je suis certes français mais je ne ne suis pas juif. Quant à communiste, je ne pensais pas l'être jusqu'ici, mais mesurant l'activité de la propagande d'extrême-droite anti-communiste relayée de toutes parts, fondée sur des mensonges, par des journalistes, prétendus historiens, intellectuels incultes, je me pose désormais des questions.
"Qu’il s’agisse de Freud et des freudiens, de Sartre et des sartriens, des communistes et de leur saga, le combat contre la légende et les mythes s’effectue moins « contre » que « pour » – en l’occurrence : pour l’histoire. Car le déni de l’histoire constitue et nourrit le nihilisme. "
Pour déboulonner des légendes, des mythes, il faut être fort. Vous présumez de vos capacités, M. Onfray.