Dans le Monde daté du 25 avril, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui s’interroge sur la façon d’envisager le « deuxième temps du quinquennat », aborde la relation avec l’Allemagne sous la forme d’une tension, sinon de confrontation, tension justifiée par la question suivante : « L’Allemagne […] peut-elle continuer à ruiner tous ses clients ? ». Cette approche est pour le moins surprenante pour un Président de l’Assemblée nationale, qui d’un point du vue protocolaire est le troisième personnage de l’Etat, après le Président de la République et le Président du Sénat. Loin d’être l’expression d’un courant du PS, Claude Bartolone est une des voix de la France et son propos est donc significatif. Mais de quoi est-il donc significatif ? Il montre bien l’incompréhension d’une partie de la gauche face à la situation actuelle qui est celle de notre pays. Vouloir rendre autrui responsable de nos malheurs, au-delà de l’affichage malsain d’un penchant à la dénonciation des fautes supposées de notre voisin, semble démontrer que la gauche, ou en tous cas une bonne partie, a été portée au pouvoir, par défaut, c'est-à-dire par antisarkozyzme, mais sans n'avoir rien compris à la crise. Ce que la crise, née de la finance en 2008 met en lumière, c’est la remise en cause des situations acquises. On croyait que les pays « en voie de développement » se contenteraient de produire des tee shirts pendant que nous produirions des avions Airbus et des lanceurs Ariane, et bien non ! L’Occident est dépendant des fusées russes pour ravitailler la station spatiale et les Chinois ont pour ambition de conquérir la lune à un moment où la Nasa doit restreindre ses ambitions. La mondialisation c’est le choc économique, et bientôt politique, entre les maîtres du monde d’hier et ceux de demain. Il n’y a plus de situations acquises dans un monde globalisé où la concurrence est permanente et multiforme, qu’il s’agisse des performances économiques ou des normes juridiques, comme le montre le duel sur les brevets entre Apple et Samsung. Cette remise en cause généralisée des acquis que nous considérions dans notre monde développé « acquis pour toujours » fait écho à la formule du président Mitterrand sur « la préservation des acquis sociaux » face à une globalisation qui érode chaque jour un peu plus l’avance technologique et les positions économiques de nos pays dits « avancés », dans lesquels les acquis sociaux eux-mêmes ne sont peut-être plus que des rêves inatteignables. Croire que dans un système monétaire à parités fixes il nous est encore possible de continuer à entretenir une dépense sociale qui dépasse nos revenus représente un contre-sens, c’est à dire une faute de l’esprit, car on ne peut remplacer l’argent gagné dans le cycle productif par de l’argent emprunté, c'est-à-dire créé, sans finir par atteindre une limite qui est celle des coûts comparatifs entre pays partageant la même monnaie, car la dépense sociale non couverte par la production grève indument les coûts de production. Or ce que reproche Claude Bartolone à l’Allemagne est exactement ce qui a permis à la France de continuer à pratiquer une prodigalité sociale et étatique hors norme en s’endettant à faibles coûts, car c’est grâce aux taux d’intérêts allemands que la dette française a pu croître sans que les intérêts qu’elle paye ne fassent sombrer les comptes publics. Le maître mot d’une telle approche consiste à ne pas dépenser plus qu’on ne gagne et il n’y a pas en conséquence d’autre alternative que de maîtriser nos différents déficits, sauf à reconnaître que nous n’en sommes pas capables et d’en tirer la conclusion logique : l’Euro est trop fort pour nous et nous devons donc en sortir. En effet, il serait vain de croire que la France pourrait s’exonérer des efforts entrepris par les pays « vertueux », en maintenant par exemple la retraite à 60 ans pendant que l’Allemagne porte la sienne à 67 ans et de demander dans le même temps que l’Allemagne accepte les Euro-Bonds pour permettre à notre pays de financer avec le crédit des autres nos déficits sociaux. Il n’y pas d’alternative à une reprise en main de notre destin national par nous même et nous devrions remercier l’Allemagne et sa Chancelière de nous avoir donné le temps nécessaire pour y parvenir, en nous permettant de profiter de bas taux d’intérêts pour financer cette transition. Mais avons-nous compris à quel moment historique nous nous trouvons et n’avons-nous pas gâché collectivement cette chance qui nous a été donnée ?
Billet de blog 2 mai 2013
L'Allemagne est-elle responsable des malheurs français?
Dans le Monde daté du 25 avril, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui s’interroge sur la façon d’envisager le « deuxième temps du quinquennat », aborde la relation avec l’Allemagne sous la forme d’une tension, sinon de confrontation, tension justifiée par la question suivante : « L’Allemagne […] peut-elle continuer à ruiner tous ses clients ? ». Cette approche est pour le moins surprenante pour un Président de l’Assemblée nationale, qui d’un point du vue protocolaire est le troisième personnage de l’Etat, après le Président de la République et le Président du Sénat.
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