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Billet de blog 12 avril 2013

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La France peut-elle encore gagner la compétition avec l'Allemagne?

Y a-t-il, comme l’écrit le politologue de Harvard Stanley Hoffmann (voir le Monde daté du 12/12/2011), une hantise française de l’Allemagne, la comparaison avec notre grand voisin, parce qu’elle n’est pas forcément en notre faveur, contribuant à créer un sentiment de déclin ?

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Y a-t-il, comme l’écrit le politologue de Harvard Stanley Hoffmann (voir le Monde daté du 12/12/2011), une hantise française de l’Allemagne, la comparaison avec notre grand voisin, parce qu’elle n’est pas forcément en notre faveur, contribuant à créer un sentiment de déclin ? Il ne fait pas doute que l’histoire nous a fourni de nombreuses occasions de compétition et même d’affrontement, puisque, depuis 1870, deux guerres mondiales ont conduit nos deux nations a des combats quasi suicidaires ayant causé la relégation de l’Europe en deuxième zone derrière les Etats-Unis et maintenant, peut-être, en troisième zone avec l’avènement de la Chine en superpuissance globale. Y-a-t-il une obsession des hommes politiques français à l’égard d’une Allemagne que la France souhaite égaler ou dépasser ? Les malentendus politiques n’ont pas manqué entre nos deux pays, dont le plus frappant est sans doute l’intention prêtée à François Mitterrand, sinon de s’opposer maladroitement à la réunification allemande, du moins d’avoir voulu arrimer définitivement l’Allemagne à l’Europe en la verrouillant par la création de la monnaie unique. Pourtant la France n’est-elle pas à l’origine même de cette puissance allemande qui nous fascine ? Faut-il rappeler que c’est la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, qui a contribué à façonner l’Etat allemand en provoquant l’exil des protestants, dont Max Weber reconnaîtra en 1905 ,dans son œuvre « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », qu’ils sont les meilleurs soutiens du capitalisme parce que leur religion fait de la réussite matérielle la clé du salut divin ? Mais cette recherche de la réussite matérielle s’effectue de façon austère. Elle n’a pas pour objectif de satisfaire des plaisirs. La rigueur est une vertu morale en elle-même indépendamment de ses effets. En contrepartie, la France se rapproche du Sud dans sa défiance à l’égard de l’argent qui reste souvent « honteux », comme le rappelait François Mitterrand pour qui l’argent corrompt. Les français sont d’ailleurs au diapason, puisque le figaro d’hier rappelait qu’en octobre dernier, un sondage IFOP, établissait que 78% des Français estimaient qu'être riche est «mal perçu» en France. Cette moindre disposition de la France à fonctionner au sein d’un système capitaliste explique pour une grand part notre difficulté à nous adapter à la mondialisation d’un capitalisme global de marché que plusieurs milliards de citoyens du monde sont venus rejoindre avec succès depuis la chute du mur de Berlin et depuis l’effondrement de l’URSS et de son modèle, soit disant alternatif, de développement fondé sur la propriété publique et la centralisation des décisions économiques. Il n’en demeure pas moins que la volonté de « coller » à l’Allemagne sera certainement jugée demain par les historiens comme une coupable obsession. Pour résumer, on pourrait dire que depuis la politique du franc fort, le peuple français n’en finit pas de payer pour cette vision erronée de la compétition avec l’Allemagne, qui en singeant sa politique nous fait oublier qui nous sommes. Et les choses ne se sont pas améliorées depuis l’introduction de la monnaie unique. La France n’a-t-elle pas commis une première faute historique en ratifiant le traité de Maastricht, et une deuxième en ne ratifiant pas la constitution européenne, privant ainsi l’Europe des instruments de gestion nécessaires pour piloter un continent et, plus particulièrement, une monnaie communs à tous ? Aujourd’hui le carcan de l’euro est devenu, pour la France une farce triste et un piège dont elle ne parvient pas à sortir. La signature du pacte de stabilité, qui verrouille la politique économique de chaque pays sur les directives de Bruxelles, inspirées directement de la rigueur allemande, n’avait de sens qu’en contrepartie de la mise en place d’une politique européenne de rééquilibrage financière et budgétaire en faveur des pays moins compétitifs, politique de rééquilibrage qui n’a jamais vu le jour. En un mot nous avons la peine sans le remède. Le « décrochage » de la France par rapport à l’Allemagne ne pourra que s’accentuer tant que l’euro, tel qu’il fonctionne,  continuera à sévir, laissant le champ libre à l’Allemagne pour dicter ce que sera demain une Europe, qui à défaut d’être allemande sera d’inspiration germanique, puisque, de fait, le modèle allemand, qui est déjà fédéral avec des Lands autonomes, est sans doute mieux adapté à une Europe des nations, que ne l’est l’approche universaliste française qui suppose un centralisme administratif fort, contribuant ainsi à laisser de côté la vision française d’une politique de puissance européenne, pour une politique de recherche de compromis commun et de souplesse nationale. Mais disons le tout de go : cette Europe là ne convient pas à la France et au peuple français qui pour servir l’idée européenne est obligée de s’y asservir. Alors ou nous autres français plongeons collectivement dans le bain de la réforme pour nous réapproprier notre destin par le haut, ou nous quittons ce cadre européen qui est entrain de nous broyer. Mais dans tous les cas : France réveille-toi.
 

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