Un leitmotiv revient régulièrement sous la plume des commentateurs donnant leur opinion sur la politique économique du gouvernement, c’est son impuissance à modifier le réel. Point n‘est besoin de rappeler l’illusoire promesse du retournement de la courbe du chômage, ou le vain espoir de voir la croissance revenir, pour se rendre compte que la politique économique menée par la France semble ne mener nulle part : de révisions en renoncements, le taux de croissance ne fait que se réduire, pour être fixé à un hypothétique 0,7% pour cette année et le taux d’endettement de la France ne cesse d’augmenter pour se rapprocher inexorablement des 100%, faisant dériver les comptes publiques français loin des rivages fixés par les critères de Maastricht.
Parmi les causes de cette inaptitude de la politique économique française à obtenir les résultats espérés, il y en a une rarement mise en exergue. Car au-delà de la réalité institutionnelle de l’Europe, qui par construction communautaire concentre aujourd’hui les principaux instruments de politique économique comme la monnaie, le taux de change et les objectifs d’équilibre budgétaire, il faut se demander si le niveau d’intervention de l’Etat est le niveau adéquat. Marqué par une histoire qui a donné la primauté au centralisme et à l’idéal d’égalité, les Français ont toujours accordé à l’Etat un rôle particulier en légitimant, pour ces raisons, un large interventionnisme dans les affaires des citoyens.
Mais l’intervention de l’Etat est par définition globale, et au plan économique il concerne ce qu’il est convenu d’appeler le niveau macro-économique. Or la globalisation, qui est la marque de ce début du XXIème siècle et qui met en concurrence, quoiqu’on en dise, tous avec tout, n’offre d’opportunités de gain qu’au niveau micro-économique, niveau qui est le seul où l’innovation, transformée en produits ou en services compétitifs, peut espérer contrer les importations de produits ou services similaires que l’ouverture des frontières rend disponibles ici, même s’ils sont produits là-bas.
Pour le dire autrement, en s’immisçant à tout moment dans le fonctionnement des entreprises, l’Etat manque sa cible, car il est impossible de réguler par les lois, au niveau global, les multitudes de décisions et d’adaptations que les entreprises doivent prendre pour s’insérer avec succès dans la mondialisation.
Pire encore, les interventions de l’Etat en ce domaine ne font même plus illusion et les citoyens comprennent aujourd’hui qu’elles ne sont plus que de la poudre aux yeux dont l’objectif est de justifier le rôle de l’Etat et l’activisme des hommes politiques qui sont à sa tête, afin qu’ils puissent prendre l’opinion publique à témoin des actions engagées, qui malheureusement n’aboutissent pas, la faute en revenant à d’autres : la politique monétaire restrictive de la banque centrale, les critères trop stricts de Maastricht, etc..
La récente « grande conférence sociale » a ainsi plus tenu du vaudeville où les organisations syndicales ont menacé de la boycotter, les organisations patronales d’abord, qui sont finalement venues, les organisations de salariés ensuite, FO, la CGT, la FSU et Solidaires refusant finalement de siéger, tout cela ne faisant que révéler la nature profonde de cette conférence : une mise en scène pour le cirque médiatique.
Mais personne ne se demande : et les entreprises dans tout cela qu’en retirent-elles ?
Pour revenir sur le compte pénibilité, un des sujets de discorde de la conférence entre patronat et syndicats, l’Etat s’est-il penché sur la faisabilité, au niveau de l’entreprise, de sa législation en ce domaine ? Ainsi Jacques Chanut, le nouveau président de la Fédération française du bâtiment (FFB) a-t-il attiré l’attention sur le phénomène suivant : « Quand vous multipliez les dix critères de pénibilité par le nombre de catégories de compagnons chez nous et par les 32 métiers qui les composent, vous obtenez plus de 2.500 cas différents. Vous nous voyez remplir un tableau Excel avec 2.500 entrées pour notre branche ? » (Les Echos 30/06/2014).
En conclusion le niveau macro-économique n’est pas le bon niveau pour intervenir. Partant d’un bon sentiment, l’Etat avec le compte pénibilité n’a fait qu’accroître la complexité administrative des entreprises, sans aucun bénéfice pour elles et alors même que par ailleurs le gouvernement veut mettre en place une politique de simplification des tâches administratives en faveur des entreprises.
Il faudrait que l’Etat se désengage de la régulation normative de ce qui incombe à la gestion des entreprises. Comme le disait crument Pompidou : « Mais foutez donc la paix aux Français et laissez les travailler. » Et dire que c’était dans les années 60 ! Qu’avons-nous fait depuis ?