Le problème de la France est-il budgétaire ou monétaire ?
Le respect par la France de son engagement européen, acté dans le pacte de stabilité, ou règle d’or, a-t-il une quelconque chance d’offrir à la France une sortie du marasme économique dans lequel elle se débat ? La réponse est non, car l’euro français est surévalué par rapport à l’Allemagne et l’euro est surévalué par rapport au reste du monde. Il est vain de vouloir redresser l’industrie de notre pays s’il est moins cher de produire ailleurs qu’en France. En ce sens, la règle d’or ne fait qu’assujettir la politique budgétaire à la politique monétaire décidée par la BCE, qui, située à Francfort, suit un monétarisme rigoureux calqué sur les volontés monétaires de Berlin. La crise chypriote a d’ailleurs montré que les patrons de l’Euroland, ceux qui prennent les décisions qui comptent, sont Mme Merkel et Mario Draghi. En fait la France, à travers la réaffirmation de son engagement européen, a accepté de se dessaisir des outils lui permettant de piloter son économie en fonction de ses besoins propres, puisque trois des instruments majeurs de sa politique lui échappent, la politique des taux de change, la politique des taux d’intérêts et maintenant la politique budgétaire, qui même si elle reste entre les mains nationales, doit respecter des limites qui ont été fixées collectivement par les européens. Dans un tel contexte il aurait fallu adopter les méthodes de gestion qui sont celles des économies qui dictent la politique monétaire de l’Euroland, c'est-à-dire, pour faire court, celle de l’Allemagne. Qu’il s’agisse de notre histoire courte ou de notre histoire longue, la France n’a pas les dispositions culturelles lui permettant de fonctionner dans le cadre d’une monnaie forte. Lors de l’introduction en 1960 du nouveau Franc, qui représentait déjà une division par 100 de sa valeur, la parité de un franc valait, peu ou prou, un deutsche mark. Le 1er janvier 1999, au moment de la fixation des parités au sein de l’euro, le franc a été retenu à hauteur de 6,55957 pour un euro et le deutsche mark 1,95583 pour un euro, soit entre la France et l’Allemagne une différence de parité de 3,35. Autrement dit en 1999 le franc vaut plus de trois fois moins ce qu’il valait en 1960, par rapport au deutsche mark. Mais entre 1999 et aujourd’hui l’histoire s’est répétée et la France a vu la valeur de sa monnaie se déprécier sans que l’on puisse l’ajuster, ce qui explique la prise de conscience récente dans le débat public du problème de la « compétitivité ». Quelle que soit l’explication que l’on donne à ce phénomène, qu’il s’agisse d’une moins bonne cohésion sociale qu’en Allemagne ou d’un tissu industriel moins bien organisé, la conclusion la plus simple qui s’impose est que la France n’est pas l’Allemagne, comme le dirait La Palice, et qu’il faut se rendre à l’évidence : nous ne pourrons pas égaler les performances économiques allemandes en singeant leur politique économique, parce que le peuple français n’est pas le peuple allemand. D’ailleurs jusqu’à très récemment nous n’avions pas à rougir de nos performances économiques et de notre style de vie, que les Allemands, d’ailleurs, nous envient. Mais la conclusion politique qu’il faut nécessairement en tirer est que la politique allemande que nous suivons n’est pas adaptée à notre mode de fonctionnement collectif et, pire que cela, nous devenons le dindon de la farce européenne, car non seulement nos emplois disparaissent du fait de la mondialisation, mais ils sont également happés par la puissante industrie allemande qui continue d’engranger des gains de productivité hors de portée de nos entreprises, affaiblies par des coûts comparatifs défavorables. C’est la dichotomie entre la réalité de ce qu’est notre peuple et la politique que l’on veut lui faire suivre qui explique notre malheur actuel. C’est pourquoi nulle interview à la télévision ne pourra combler le fossé qui devient béant entre le peuple de France et les politiques tant que le programme politique suivi ne sera pas radicalement changé.
Or aujourd’hui, face à des conditions économiques individuelles de plus en plus dégradées, le peuple français est en train de bouger en dehors de tous les cadres politiques connus, comme l’a démontré la dernière élection dans la deuxième circonscription de l’Oise. Face à une France à la dérive, combien de temps encore le peuple acceptera-t-il de dériver ?