jean amédée

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

1 Éditions

Billet de blog 27 décembre 2015

jean amédée

Abonné·e de Mediapart

extrêmes droites ou droites extrêmes ?

les extrêmes droites ne seraient-elles que des droites extrêmes  ? L'extrême droite progresse fortement aux élections, en France mais aussi dans toute l'Europe. Pourquoi  ? Il est possible de soulignerde nombreuses causes, présentes partout.

jean amédée

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les extrêmes droites ne seraient-elles que des droites extrêmes  ?

L'extrême droite progresse fortement aux élections, en France mais aussi dans toute l'Europe. Pourquoi  ? Il est possible de souligner trois causes présentes partout.

La première serait due aux fortes tensions sociales/sociétales, au sein des sociétés démocratiques de la postmodernité. Ces tensions seraient liées à des avancées inégales des modes de vie, des niveaux de vie et des mentalités (individualisme perverti). Elles seraient liées aussi à la réalité des «  mœurs  » décalées par des cultures variées (plus ou moins en synchronie, parfois en sensible diachronie).

La deuxième aurait pour cause majeure la lente agonie des systèmes politiques (démocraties représentatives), particulièrement en ce qui concerne la 5e République française.

La troisième aurait sa source dans le délitement de l'ordre politique et économique mondial, avec son corollaire géopolitique (conflits «  régionaux  », guerres sous-traitées, menaces de 3e guerre mondiale.

Colère et peur s'emparent d'un nombre croissant d'individus/citoyens  ; l'absence d'alternative aux politiques dominantes rend ces gens (hébétés, angoissés, révoltés) perméables aux sirènes populistes.

Ces trois causes sont bien réelles mais suffisent-elles à expliquer comment des millions d'électeurs appellent de leurs vœux, sans y être contraints, des régimes insensés (au sens premier du mot). La droite et la gauche sont renvoyées dos à dos (ou face à face), jugées incapables et/ou impuissantes. Promesses déçues et déchues. Alors pourquoi ne pas essayer «  les autres  »  ? Ben voyons  ! Lorsqu'on y réfléchit bien, il semble que la distinction droite/gauche ne représente plus tout à fait le Réel de la politique des nations où «  sévit  » la démocratie élective/représentative. Pourquoi  ? Parce que, malgré l'alternance (ou à cause d'elle) les institutions évoluent à pas de fourmi et s'orientent vers toujours plus de connivence au sein des élites. De la même manière, il semble aussi que la distinction conservateur/progressiste n'opère plus avec la même clarté. Pourquoi  ? Parce que le grand rêve des «  Lumières  », étayé par le positivisme du XIXe siècle, arrive à son terme (entropie et anthropocène sonnent le glas). L'éveil est brutal, la planète ne supportera plus très longtemps nos délires «  techno-machins  ».

Mais alors, que reste-t-il pour expliquer les pouvoirs, les rapports de force, les hauts et les bas, l'horizontalité et la verticalité, etc.  ? Il reste peut-être la notion de Dominants (D) et de dominés (d) . Les D peuvent-être de droite ou de gauche, peuvent-être conservateurs ou progressistes  ; ils sont les «  élites confondues  », les meilleurs de la classe, les fils de, les assoifés de pouvoir, les ambitieux, etc. Les d  ? Les d sont tout le reste et ils le restent. Pourquoi  ? Parce qu'ils ne font pas de la conquête de la liberté une priorité. Parce qu'il est facile de les «  distraire  » avec le hochet de l'égalité. Parce qu'il est possible de les parquer assez docilement dans les enclos de la fraternité. Parce qu'on réussit plus ou moins bien à faire cohabiter Dieu et Diable avec l'arlésienne de la laïcité à minima.

Le trait est forcé sans doute mais le constat est rude cependant. Citons JJ. Rousseau (in Le Contrat Social) «  Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir  »  ? Ce condensé brutal du pseudo-lien de D et d, du rapport gouvernant/gouverné, éclaire bien l'inanité aboutie des critères droite/gauche et conservateur/progressiste. Concernant la citation ci-dessus, nous pouvons préciser  : que la souveraineté du peuple peut émaner du peuple ou être d'autre nature (empereur, roi, duce, caudillo, secrétaire général...)  ; que le droit peut découler de la démocratie représentative, du divin, de la dictature (terreur)  ; que le devoir peut se réaliser par consentement ou bien par contrainte.

Il apparaît ainsi que la vraie nature du pouvoir n'est jamais l'émanation de la volonté du peuple. L'idée centrale du Contrat Social de Rousseau demeure théoriquement valide et pratiquement séduisante  ; mais, pour autant, ça ne marche pas. C'est «  moins pire  » que tout le reste (pour parodier Churchill) mais ça ne marche pas  ! Pourquoi  ? Parce que la souveraineté du peuple n'est jamais une chose donnée d'avance (sauf dans les discours)  ; elle demeure une question toujours ouverte, un rapport de forces, une béance entre deux combats. La conquête du «  juste  » et la pratique du «  libre  » ne sont jamais choses acquises et/ou choses dues. Une supercherie s'installe toujours, dès le lendemain du choix réalisé par le soi-disant «  peuple souverain», à l'occasion du vote (élections) organisé par l'élite de la démocratie représentative, en vue de sa reproduction/perpétuation. Cette supercherie consiste à glisser, le plus vite possible, de la souveraineté populaire représentée par les promesses électorales, c'est à dire par «  CE  » pourquoi chaque citoyen a cru voter, vers quelque chose d'autre. Glisser vers quoi  ? Vers une mise en dogme, en règle, en institution (lois et décrets, optimisation de tout l'arsenal exécutif/législatif). Dans cette chose (le pouvoir) qui institue, pour ne rien arranger, l'exécutif a une très forte prééminence sur le législatif  ; c'est une réalité caricaturale de la 5e République française.

L'ensemble du dispositif institutionnel fonctionne pour tendre à pérenniser et renforcer l'inéquation D>d. Pour faire bref, lors du vote, les dominés se passent la corde autour du cou. Sous couvert d'être peuple souverain, à leur insu, ils se font peuple servile («  servitude involontaire  » pour parodier La Boétie). Le renversement de D>d à d>D n'existe le plus souvent que quelques mois, après une révolution «  réussie  ». Bientôt, cette révolution doit se faire Terreur (logique connue que nous n'exposerons pas ici). Si une révolution échoue, alors l'ébranlement de D (blessé à mort) peut aussi entraîner une contre-révolution et une contre-terreur  : écrasement de la Commune de Paris, terreur franquiste, contre-révolution de Pinochet, contre-révolution syrienne, etc.)  ? L'histoire des sociétés (royaumes, républiques, fédérations, etc.) est un éternel balancement entre D et d, parce que D n'est jamais le plus fort pour toujours et parce que d n'est pas longtemps le plus fort après une révolte ou une révolution. Pourquoi ce balancement  ? Parce que la torpeur, la paresse, la lâcheté, la peur... soit par ignorance soit par aliénation aux modèles comportementaux dominants (cf. l'habitus de P. Bourdieu) reforge sans cesse une masse de dominés. Comme dans un cancer et ses métastases, comme dans une bombe atomique et sa masse critique, la nouvelle élite des nouveaux dominants (ou des anciens dominants survivants) trouve toujours le moyen d'accélérer vertigineusement l'aptitude à la servitude volontaire des nouveaux dominés. Ayant survécu à la Terreur et à la contre-révolution, ils sont exsangues, fourbus, assoiffés de calme retrouvé  ; le moment est venu de danser sur le ventre des morts. «  Est-ce ainsi que les hommes vivent et leur destin au loin les suivent, comme des soleils révolus  » disait le poète.

Donc, et pour autant, là il devient nécessaire d'être très attentif (pour adhérer ou pas, pour croire ou non, pour douter un peu ou beaucoup). Il n'existe pas les méchants D et les malheureux d. Les choses sont un peu plus compliquées. Les dominés sont co-auteurs/co-acteurs avec les Dominants. C'est comme une sorte de complicité absurde, de nihilisme perdu dans des valeurs difficiles à nommer  : approximativement, on pense à un terme générique du type «  embourgeoisement  », faute de mieux.

Ainsi, la part prise par les dominés dans la domination, dans leur propre domination, est structurelle  ; les dominés co-fabriquent avec les Dominants les éléments structurels de la servitude «  «volontaire  ». Il existerait donc une sorte d'impensé de la servitude, de la soumission. Pourquoi  ? Nous l'avons déjà dit  : torpeur, paresse, ignorance aussi. Plus ça dure et plus ça s'incruste dans l'impensé (cf. les mèmes de Richard Dawkins). Dans le processus, le dogme organisateur de l'ordre D>d (ordre paradoxal du très petit nombre contre le très grand nombre) va de soi, s'impose comme légitimité à ne pas remettre en cause, comme un bloc idéologique à ne pas remettre en cause. Mais, un jour, le réveil arrive.

Il arrive par les franges les plus «  éclairées  » du corps social/sociétal soumis. Alors l'impensé sort de sa torpeur, de sa paresse, etc  ; via la révolte contre l'injuste, ON «  renverse la table  ». On en est arrivé là, après un délai pouvant durer quelques années ou quelques siècles. Toute possibilité de changer les choses dans la concorde et dans la paix est déjà, à ce moment de l'événement/avènement, dépassée depuis longtemps. Il s'agit alors de passer d'une «  terreur  » sournoise, démagogique (celle des D) à une autre «  terreur  » soudaine, radicale, plus ou moins violente (celle des d dont l'élite devient bientôt D' (les nouveaux dominants). Aussitôt, D' doit lutter contre les D déchus. Mais ils sont encore organisés les déchus survivants. Leur puissance de domination se fait puissance de résistance/nuisance et contraint D' à tous les excès (terreur révolutionnaire). D' vient de combattre et de vaincre contre une terreur et inaugure une nouvelle terreur.

Mais alors il n'y a pas de solution alternative  ? Sauf à se «  réveiller  » assez tôt, non il n'y pas de solution. Il existe bien peu d'exemples de réveil précoce abouti.

Nous semblons nous éloigner de la problématique extrême droite/droite extrême. Curieusement ce détour par la case dominants/dominés nous en rapproche. Pourquoi  ? Parce que nous allons pouvoir éclairer la fausse apparence de majorité/opposition qui détraque le fonctionnement de la République et c'est dans cette béance que, précisément, s'engouffre le populisme racoleur . Il peut dédiaboliser tranquillement en se déguisant en droite extrême, il a déposé des statuts de parti politique normal... «  on peut l'essayer  »  !

Ce n'est pas aussi simple. Observons la France de 2015. Le dogme idéo-pratique (institutions et fonctions publiques  : justice, police, etc.) est «  «  au bout du rouleau  ». Ce dogme se rend insupportable après 40 ans de pratique démocratique post-gaullienne. En effet, un président chef suprême (monarque) et la démocratie sont deux termes antinomiques. Ce dogme est, hélas, indépassable aussi car les «  en place  » ne vont pas se sacrifier eux-mêmes. Ce serait pourtant le moment, encore, de changer les choses mais ça ne se fera pas. Vers l'été 2013, avec une vision beaucoup plus jaurésienne que gaullienne, Hollande aurait pu s'atteler à la tâche (noble tâche du monarque). Il aurait pu décider d'un moratoire sur toutes les improvisations «  perlinpinpin  » en cours (CICE, virage libéral, etc.). Il aurait pu mettre un point final à cette «  hernie constitutionnelle  » du président élu au suffrage universel et pouvant se présenter x fois. Il a fait le contraire  ; il est devenu chef de guerre, il a activé l'article 16, il s'est octroyé des pouvoirs exorbitants, il peut prolonger l'état d'urgence à sa guise. Si ce n'était pas aussi tragique que de préparer le trousseau clef en mains, pour on ne sait quel successeur en 2017, on pourrait rire aux éclats devant l'énormité de la prétention, de l'orgueil, du nihilisme, de l'ambition. Si Hollande avait choisi l'option 1 il serait rentré positivement dans l'histoire  ; avec l'option 2, et la probabilité d'être éliminé en 2017, il s'assure de joindre la nuisance et l'inutile au ridicule de sa prétention à vouloir 10 ans de «  règne  ».

Malgré tout cela, observable et mesurable, les dominés de France tardent à se réveiller ou, plutôt, ne se réveillent pas. Paradoxalement, ce sont peut être les abstentionnistes occasionnels qui s'expriment le plus et le mieux. Pourquoi  ? Parce qu'ils récusent le paradigme politicien présenté comme un «  plat unique  », avec la seule offre d'une Constitution immuable dans un paysage de bipolarisation «  perpétuelle  ». Mais cette solution par défaut ne peut pas durer très longtemps. Un jour, si l'on poursuit dans cette voie, les frontistes «  régneront  » à leur tour  ; On leur aura tout préparé pour ce faire  : le centralisme intact, les institutions pour pouvoir durer, le dérisoire parlement face à l'omnipotent exécutif, etc.

Le clan Le Pen, à aucun moment, n'a envisagé de modifier la Constitution. Clefs en mains, il disposera d'une «  machine de guerre  » pour installer le seul régime compatible avec ses chimères  : un régime autoritaire d'abord et plus si nécessaire. Que la droite ait campé sur le terrain provisoire de la «  Grande Loi  » depuis la crise de 1958, on peut le comprendre  : ma Constitution gaullienne, mon élitisme des possédants, etc.  ; que la gauche social-démocrate mette et remette le «kit élection présidentielle  » sur les tables électorales, cela est beaucoup plus étonnant. A ce jeu, le plafond de verre du containment frontiste finira par se briser un jour. Un sursaut d'une part vive du peuple républicain, par dessus les bla-bla des partis politiques, ne suffira pas toujours. Tous ces errements de l'élite cossue, plutôt âgée, installée dans le cumul, aux «  responsabilités  » durant des décennies, finiront par produire leur effet. Quel effet  ? Une marée de votes extrêmes  !

Les libertés s'étioleront sans doute plus vite qu'on ne peut l'imaginer tant que l'on est vautré dans le confort d'un acquis (1789 – 1830 -1848 - 1871 - 1945). Après, un jour, il faudra une reconquête de plus. La durée et l'intensité des sacrifices, des luttes nécessaires pour éliminer ce «  boulangisme  » du XXIe siècle, ce chancre idéologique anachronique et mortifère (vieille France, nationalisme étroit, racisme actif...) n'est pas facile à imaginer. L'environnement européen et la géopolitique feront varier cette durée de façon imprévisible. Avec le rêve éveillé d'une présidentielle «  gagnable  », par la permanence d'institutions dépassées, le clan tribal frontiste dispose d'une rampe de lancement. La fusée fonctionne au carburant populiste, le parti est autorisé, installé, prospère, fertilisé par la crise et par l'obsession de ses adversaires à croire que la diabolisation suffira toujours. La responsabilité entière du processus dépend des deux partis de la bipolarisation (1981 à 2017 voire 2022)  ; ou bien ils comprennent la nécessité d'un changement profond ou bien ils font basculer la République dans le fossé. La tribu frontiste ne s'abaisse pas à des questions «  subalternes  ». Quid de l'économie, de l'emploi, de la culture  ? On verra, bla-bla-bla...

Le quidam/citoyen qui vote pour ces «  prophètes de malheur  » ne se pose pas toutes ces questions. Il a peur  ? Mais de quoi au juste et il a cinq fois plus peur dans un canton rural (les «  loin de tout  ») que dans le Xe arrondissement à Paris. Il a perdu son emploi  ? Mais les frontistes n'ont pas de «  baguette magique  » pour lui retrouver un travail. Il croit à l'augmentation de salaire promise  ? La sortie de l'Euro et l'inflation subséquente engloutiront cette promesse. Il rêve aussi, le quidam/citoyen, respectable et honnête jusque dans sa peur et dans sa colère, à un retour vers la retraite à 60 ans  ? On pourrait aussi bien dire à 50 ans, si l'on savait comment la financer. Enfin, quid de la fuite des cerveaux, du commerce extérieur, de la culture au régime sec, de l'université sous tutelle, de la police sommée d'obéir à «  tout  », de l'usage de l'article 16 et du 49-3, etc. On pourrait poursuivre longtemps cette litanie, sans oublier le rôle dévolu aux médias, aux moyens de communication en général.

Le quidam/citoyen va donc voter, après des années de dédiabolisation réussie, parce que les deux partis de la bipolarisation se succèdent dans une alternance «  qui ne donne rien de bon  » (chômage, détricotage, néo-libéralisme, Europe des affaires contre Europe des citoyens d'Europe, insécurité récurrente, politiques d'immigration fluctuantes, terrorisme, etc.).Le quidam/citoyen va donc voter parce que, après tout, on peut bien confier les «  manettes  » à ces gens qui nous disent «  ce qu'on a envie d'entendre  ». On ne les a pas essayés après tout pourquoi pas, on verra bien. C'est vieux comme le monde  ! Je ne veux plus aller à droite, je ne veux plus aller à gauche. Je fonce tout droit  : ouille  !

Le quidam/citoyen ne s'est pas demandé s'il n'existerait pas, par hasard, une tierce solution  : une Constitution équilibrant l'exécutif et le législatif, éliminent la prééminence du président-monarque, prévoyant d'humaniser décemment les processus de création et de répartition des richesses, décentralisant pour de vrai, etc.). Trop tard pour tendre vers ces solutions, trop tard aussi pour une construction européenne en prise sur du Réel (supranationalité, armée de défense non-interventionniste, équilibrage du rapport avec les USA et avec la Russie, etc.). Trop tard donc  ; le réveil a trop tardé, par ignorance, par déficit intellectuel, par distraction éthique. Des parts importantes de l'impensé de la servitude/soumission cherchent un «  autre chose  » qui n'existe pas et, comme les grenouilles qui se cherchent un roi, ces parts de l'impensé sombrent dans le simplisme, dans le populisme, dans l'incohérence mentale, dans l'incompétence à venir du soi-disant «  Front National  » qui n'est qu'un front d'opérette, pour une nation fantasmée et anachronique. Front effronté, insolent, ami de tous les courants et résidus nauséabonds de toute l'Europe et au-delà. C'est avec ça que les français devraient s'inventer un destin collectif  ? Trop tard hélas, c'est le dilemme, encore une fois, de l'enfin trop tard et du déjà trop tôt. Au fond de ces prédictions sombres, demeure l'espoir de détourner du pire en le décrivant/annonçant. C'est un faible espoir, il ne pèse pas lourd.

Le front d'opérette, évoqué plus haut, pourrait aller assez vite (si on laisse l'exécutif en l'état) jusqu'à pratiquer une terreur liberticide qui ne serait pas du cinéma. La torpeur hébétée de nombreux dominés le laisse craindre. Solution  ? Il n'y en aura pas sans un très profond changement  ; or, ce profond changement ne peut pas venir de ceux qui le refusent depuis 40 ans. Nous revoilà en boucle  ! Il faudra se révolter, lutter, renverser les pseudo-dominants mis en place par les dominés excédés, en colère, déboussolés, perdus dans une histoire sans sujet ni fin (fin aux deux sens du terme  : finalité comme but et fin sans borne temporelle). Notons que la chose n'a rien de nouveau  ; elle s'est produite de nombreuses fois dans l'histoire des hommes, des empires, des nations.

Le jeu tragique des prophéties millénaristes et des apocalypses imminentes se répète depuis plusieurs millénaires, pour mener la «  populace  » par le bout du nez. Rien de nouveau sous le soleil. Nos élites (soi-disant hyper-compétentes, hyper-ceci, hyper-cela, se pavanant sous les lambris doré de la République depuis des décennies) nous offrent un cadeau empoisonné du genre «  après nous le déluge  ». La somme des souffrances, des sacrifices, des «  héroïsmes  » (cf. la Résistance) à engouffrer dans la lutte anti-frontiste ne sera, hélas, connue qu'après. «  Les réveils nés de longs sommeils sont plus difficiles à opérer  » C. Fleury, «  Les irremplaçables  » Gallimard 2015. La force acquise de l'extrême droite (acquise par l'étourderie élective des dominés  : peur, prudence, lâcheté... pendant longtemps, très/trop longtemps) ne se maintiendra pas toujours sous le masque. Pas de magie, pas d'enchantement  ; cette force devra se traduire en abus de droit (nécessité de sauver la France diront-ils) et le devoir des français, de tous les français, se fera obéissance forcée (nécessité de l'ordre pour réussir diront-ils).

Quid de la liberté  ? Pauvre liberté, accommodée à toutes les sauces, éclaboussée par les postillons des discours  ! La «  liberté libre  » (cf. A. Rimbaud) n'existe pas vraiment, elle n'a pas de passé, elle n'a pas de futur. Il n'y a guère que la quiétude (on me laisse tranquille) à opposer à l'inquiétude. Or, lorsque l'inquiétude redevient dominante, elle est bientôt l'antichambre de la peur. Nous voilà de nouveau en boucle. L'absurde et son ombre nihiliste reviennent à l'esprit. Libre  ? On n'est libre ou servile que dans l'instant  ; chaque moment et chaque lieu de cette liberté sont une lutte, une conscience en éveil tendue vers la réalisation de toutes les formes et pratiques de la circulation sociale/sociétale des libertés.

L'exemple typique de ce qui vient d'être exposé est, précisément, hic et nunc, la résistance contre l'extrême droite déguisée en droite extrême (en France, en Europe et partout dans le monde). Hélas, dans la France de 2015, cette résistance ne peut pas s'appuyer sur les deux partis de l'alternance. Ces deux D (Dominants) constituent la falsification et la mystification du rapport des D et des d  ; elle vient d'eux-mêmes. Ils n'ont aucune aptitude à réparer ce qu'ils ont détraqué  ; ils vont persévérer dans l'erreur jusqu'à ce que le sursaut républicain ( hors de leur volonté, issu du «  cœur mémoriel  » d'un peuple) ne suffise plus. Loin de s'amender vraiment, ils vont couvrir sous des verbiages rhétoriques la nécessité de «  tout changer pour que rien ne change  ». Leur toxicité ne fait, au contraire, que s'accroître avec le temps. C'est un schéma identique à celui de la supercherie des COP (de 1 à 21). On demande aux élites du monde, responsables éminentes de la dégradation du climat (et bien au-delà du seul climat) de régler le problème, de «  promettre  » qu'on ne dépassera pas 2° de réchauffement. Ben voyons  ! Foutaise ou enfantillage  ? C'est bien pire encore, c'est de la prestidigitation amateur. Dans la cornue de l'alchimie mijotée par les D, on prépare la mort brutale et tragique de centaines de millions de dominés qui n'y peuvent mais...

Il n'y a pas que le climat qui va se réchauffer. Ce n'est pas l'apocalypse mais le malheur toujours recommencé, à la mesure des moyens du temps présent  : «  on fait moins de mal mais on le fait mieux  ». Le côté «  folle aventure  » des extrêmes droites n'est donc pas l'expérience la plus urgente à tenter. Alors  ? Extrême droite ou droite extrême  ? Avons-nous répondu et démontré ce qu' il fallait démontrer  ? Existe-t-il une «  vraie  » réponse ou bien, comme pour la souveraineté populaire, comme pour la liberté, la question demeure-t-elle une question ouverte  ? N'oublions pas toutefois que les populismes, partout et toujours, ont été les «  cimetières  » des idéologies fécondes.

Pour schématiser dans une formule (réductrice comme toutes les formules)  : la diabolisation a façonné l'extrême droite et la dédiabolisation modélise la droite extrême. La tierce solution s'impose pour échapper au dilemme. Il s'agit de «  tout changer  »  ! Si possible...

Droite extrême et extrême droite  ? Janus Bifrons d'un commun péril, apte à subjuguer la puérilité populaire. «  Quand les blés sont sous la grêle ... Fou qui fait le délicat ... Fou qui songe à ses querelles … Au cœur du commun combat  » L. Aragon «  La rose et le réséda  ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.