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Billet de blog 11 mars 2015

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Loi Macron : et maintenant la câlinothérapie ?

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Le texte a été adopté en première lecture à l'Assemblée au prix d'un recours douloureux à l'article 49-3. Il doit maintenant être examiné par le Sénat avant de subir l'épreuve de la seconde lecture au Palais-Bourbon. Dans quelles conditions ?

Le recours à la procédure du 49-3 a été plus difficile que prévu. Pas sur le plan institutionnel mais du fait de l'onde de choc qu'il a provoquée au sein de l'ancienne majorité de 2012 et particulièrement au sein du groupe d'élus PS.

La future loi ne sera vraisemblablement pas promulguée avant le milieu du mois de mai soit un mois avant le congrès du PS à Poitiers. Cette collision de calendrier donne tout son relief à la question : " et maintenant ? " qui se pose quant au destin parlementaire de la " loi Macron ", d'essence libérale.

L'hypothèse parfaitement possible

Fort de son vote en bloc ( 100% des 198 députés UMP ) sur la motion de censure, le parti de Nicolas Sarkozy sera intransigeant avec le corps du texte lorsque celui-ci sera examiné au Sénat. Il n'est pas douteux que la libéralisation du travail le dimanche sera un des emblèmes de la future guérilla parlementaire. Or, le gouvernement ne pourra guère être accommodant car il sait qu'il devra affronter la deuxième lecture à l'Assemblée où bien des élus socialistes sont fatigués du " on pense à gauche, on agit à droite ".

Autrement dit, pour reprendre les termes de Manuel Valls, il abordera la situation avec " autorité et détermination " et ne cèdera que sur des éléments marginaux.

Le sort de la CMP ( Commission mixte paritaire ) est facile à imaginer : elle n'aboutira pas à un texte recevable par la majorité PS à l'Assemblée. En revanche, il faudra scruter avec intérêt sa composition et recenser la coloration partisane des députés qui seront choisis pour la composer. Un strapontin pour les frondeurs ou plus ?

Le choix probable de la câlinothérapie  

Le gouvernement a trois bonnes raisons de travailler autrement avec sa majorité de députés. Tout d'abord, l'odeur de la poudre à canon du 49-3 est encore présente. Elle risque de polluer durablement et concrètement les marges de manœuvre de l'exécutif si celui-ci fait à nouveau usage de ce droit en deuxième lecture. Puis, le Président déjà candidat de 2017 ne peut rester sourd à la phrase martiale de Martine Aubry qui a déclaré " Mes proches se seraient abstenus " si " on avait continué à discuter ". Face à un tel propos, il est clair qu'une vote définitif sous un deuxième 49-3 serait un acte frontal à un mois de Poitiers. Enfin, il ressort des discussions informelles des élus socialistes que le président de groupe Bruno Le Roux a eu bien du mal à imposer une consigne de vote : la fronde fait tâche d'huile et le futur résultat prévisible des élections départementales ne facilitera pas la deuxième lecture de " cette petite loi " ( François Hollande ).

Pour ses trois raisons principales et par-delà son tempérament, Manuel Valls risque fort de recevoir l'ordre d'être aussi suave que sait l'être, par exemple, un élu du style et du rang de Gérard Larcher.

Les compteurs à zéro et le canot à la dérive

Après analyse, si exercice de câlinothérapie il doit y avoir, alors bien des pans de la loi seront revisitées. Prenons un exemple concret : Martine Aubry et Anne Hidalgo se sont longtemps déclarées en faveur d'un principe : que les ZTI ( zones touristiques internationales ) relèvent de la décision des maires concernés et non de l'Etat. Le frondeur Jean-Marc Germain ( par ailleurs époux de Madame Hidalgo ) a été constant sur ce point comme sur le travail dominical dont il rejette la mouture actuelle. Cette ligne des députés proches de Madame Aubry sera une des équations qui militent pour un " reset " du texte, une remise des compteurs à zéro parmi les quelques 300 articles du projet.

Loyaliste, le député Christophe Borgel a déclaré sur la chaîne LCP : " Plus souple, on ne peut pas faire " : il est à craindre que son propos ne soit démenti et que le " match retour " au Palais-Bourbon ne se présente pas dans la même configuration.

Si les élus sont convaincus que le chausse-pieds de la coercition ( le 49-3 ) ne sera pas utilisé, les amarres du texte seront rompues et il ressemblera, au gré des articles, à un canot à la dérive. D'autant que Benoît Hamon rêve cette fois de fédérer les frondeurs ( sous forme pyramidale ) là où des personnalités telles que Laurent Baumel ( proche de Jean-Pierre Chevènement et membre de " Vive la gauche " ) ou Emmanuel Maurel ( " Maintenant la Gauche " ) veulent voir subsister une logique alvéolaire plus flexible.

La question de la deuxième gauche

La " deuxième gauche " est une expression de Michel Rocard qui remonte à 1977. D'ici le 14 juillet, la France saura de quel type de gauche elle relève. Une chose est certaine, ce débat est très personnalisé et le ministre Macron apparait – respectueusement – comme une bouteille de Gini à bien des élus de terrain : " Un goût étrange venu d'ailleurs ". Il y a, de facto, eu des réponses pour le moins surprenantes de ce responsable ministériel à propos de sections d'un texte qui n'améliorera pas tant la croissance ni le " cœfficient de Gini" ( indicateur d'inégalités de revenus ) de notre pays en crise sociale.

Quant aux professions visées par la future loi Macron, elles ont déjà compris que l'heure est encore à la mobilisation. Finalement, tout ce débat qui s'étire en longueur pour un ancien disciple de Paul Ricœur donne un plein relief à l'analyse d'Edouard Herriot : " Les doctrines ont cet avantage, qu'elles dispensent d'avoir des idées ".

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