«Une honte pour les singes»
C'est ainsi qu'Aurélien Pradié a cru drôle de faire une blague en direction de Sandrine Rousseau lors de sa question au gouvernement mardi dernier à l'Assemblée nationale. Alors qu'elle interrogeait le ministre de la Santé sur les doses disponibles, et la nécessité d'accélérer la vaccination contre la variole du singe, la députée écologiste de Paris s'est permis de rappeler que le nom donné à la maladie intensifie la discrimination envers les porteurs, et provoque un sentiment de «honte».
«C’est surtout une honte pour les singes !» a rétorqué ainsi le député du Lot. Ce n'est que le lendemain, sur le compte-rendu officiel de l'Assemblée nationale qu'apparaît au grand jour la «blague» d'Aurélien Pradié. Une remarque d'une homophobie crasse quand on sait que plus de 95% des cas sont des hommes homosexuels ou bisexuels (ayant des rapports avec d'autres hommes).
Je ne l’avais pas entendu dans le brouhaha du moment. @AurelienPradie vous devez vous excuser. Je vais saisir la présidente de l’Assemblée @YaelBRAUNPIVET https://t.co/VKcKNARQOi
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) August 3, 2022
S'ensuivent alors deux jours de défense(s) bancale(s) - changeant de version toutes les 12 heures, plaidant d'abord n'avoir jamais prononcé cela, alors que sa sortie homophobe a été consignée noir sur blanc sur le compte-rendu de séance. Ce sont une équipe d'huissiers de l'assemblée qui sont spécialement dédiées à la retranscription qui sont chargés de retranscrire mot pour mot les différentes exclamations de tous les bancs de l'hémicycle. Un travail d'un «très grand sérieux» se défend l'institution auprès de Têtu. Le compte-rendu officiel serait donc un mensonge ?
Le député n'aurait «jamais voulu dire une chose pareille». Que vouliez-vous donc dire? Je crois que nous sommes tous très impatients de le savoir. Développez un peu votre raisonnement, pour qu'on comprenne ce qu'on peut déceler d'autre qu'un commentaire homophobe spontané envers les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Qu'avez-vous vous donc «voulu dire» par «c'est surtout une honte pour les singes» ? Nous attendons votre explication. Mais je crois que nous n'en avons pas besoin.
C'est la faute à Rousseau : se victimiser plutôt que s'excuser
Le député du Lot préfère alors attaquer Sandrine Rousseau, qui dénonce l'homophobie de sa remarque, plutôt que de reconnaître le malheureux de sa sortie, s'excuser auprès des personnes concernées et de se faire discret (le minimum acceptable). «Cette méthode politique» lui «file la gerbe» selon lui. Mais la méthode consistant à rejeter la faute sur d'autres alors qu'on a été pris la main dans le sac plutôt que de s'excuser, elle file quoi elle ? Cette fois-ci, vous êtes tombé bien bas, le nez dans le caniveau, mais c'est pas la faute à Rousseau.
Dénoncer des propos problématiques transforme maintenant les personnes LGBTQIA+ et leurs alliés en «inquisiteurs politiques», et en «danger pour la démocratie». Quoi de plus indécent ? Plutôt que jouer la victime, il aurait été plus simple de vous excuser auprès des personnes concernées. Mais il faut un certain courage pour cela. Et nos responsables politiques en manquent beaucoup.
Jusqu'où ira la tolérance de propos homophobes de la part de responsables politiques, surtout pris la main dans le sac ? Le pire ? Ne pas le reconnaître, ce qui continue de banaliser l'homophobie au plus haut de la société. Intention ou pas, vous savez qu'ils ont blessés. Mais non, on préfère dénoncer un «procès stalinien» à son encontre. Plutôt que s'excuser envers les personnes qui auraient pu être blessés, on exprime sa «profonde tristesse». Pour les regrets, il faudra repasser.
«Dire que tous ceux qui ont voté contre le mariage pour tous étaient homophobes, c'est faire un raccourci» s'est tenté alors Christophe Béchu ces derniers jours sur BFMTV, également dans le viseur pour ses déclarations homophobes. Parallèle intéressant. Pourquoi ne jamais reconnaître que des positions passées étaient homophobes, et reconnaître qu'on a évolué sur la question ? Présenter les mois de discussion parlementaire du mariage gay, de la violence de la Manif pour Tous comme d'une période où nous devons faire preuve d'une amnésie collective sur les propos homophobes qui ont été tenus, devant effacer de notre mémoire les positions de tel ou tel responsable politique et ainsi occulter ce passage de leur vie parce qu'ils auraient (prétendument) changés me paraît malhonnête et néfaste. Pourquoi donc ne jamais reconnaître sa faute ? Sa position homophobe passée ou sa remarque homophobe présente. Cela serait déjà une grande chose. Cela ne suffit malheureusement pas, mais la classe politique en sortirait meilleure. Et le débat public par la même occasion.
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