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Billet de blog 12 juillet 2022

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Variole du singe : chronique d'une (nouvelle) gestion calamiteuse de la vaccination

[REDIFFUSION] Créneaux de vaccination saturés, communication inexistante sur l'épidémie et sur la vaccination, aucune transparence sur le nombre de doses disponible : la gestion actuelle de la variole du singe est catastrophique et dangereuse.

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La Haute autorité de santé a recommandé, le 8 juillet, d'ouvrir la vaccination contre la variole du singe aux groupes les plus exposés : les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, aux personnes trans ayant plusieurs partenaires, aux travailleurs et travailleuses du sexe et aux professionnels des lieux de consommation sexuelle. Alors que les premiers cas en France ont été confirmés dès le 19 mai, il aura fallu attendre près de 2 mois avant que les autorités prennent (difficilement) en main la vaccination préventive pour les populations les plus à risque. Pourquoi laisser la période estivale passer, et notamment les différentes festivités autour des différentes Marches des Fiertés, alors que ces moments auraient pu au contraire servir d'opportunités afin de sensibiliser les populations touchées, sans stigmatisation mais avec une information claire ?

Les messages et discours stigmatisants envers la communauté homosexuelle, eux, doivent être combattus et sont particulièrement dangereux. Faire porter la faute sur une communauté va totalement à rebours des recommandations en matière de santé publique et de gestion d'une épidémie. Présenter la variole du singe comme un nouveau "virus gay" entretien et accentue la stigmatisation dont font l'objet la communauté homosexuelle et les personnes LGBTQIA+ en général. Présenter les groupes les plus exposés à la fois comme victimes et responsable peut être très dangereux, à la fois en accentuant les discriminations mais aussi sur la gestion de l'épidémie. La dure réalité de l'épidémie de VIH/SIDA en est un triste exemple. Rappeler les modes de transmission est nécessaire (seulement par contact direct d'une peau contaminé ou partage de linge de maison, vêtements), et alerter sur le fait que personne ne peut être épargné est important. Des cas de variole de singe ont déjà été confirmés sur 3 femmes et un enfant. Les populations à risque, elles, sont nettement plus suivies par des spécialistes de santé, en centre communautaire ou dans les Cegidd, ce qui a permis rapidement d'identifier des cas, et tenter d'enrayer les différents cas partout en France. Cependant, invisibiliser les personnes les plus exposées et ne pas les nommer ne ferait que contourner le problème. Ou cela expliquerait peut-être le faire qu'on ne veuille pas mettre des moyens pour les homosexuels ? Mettre de l'argent sur la table, déployer une logistique et recruter du personnel pour des gays n'est peut-être pas une priorité ? Ce ne sont que des homosexuels, pas d'urgence.

Un début de vaccination catastrophique

L'ouverture de la vaccination, de façon préventive, contre la variole du singe entamée ce début de semaine a été un échec. Les créneaux disponibles ont été pris d'assaut. Faute de doses disponibles, les centres de vaccination ouverts ont été saturés. Malgré le fait que les autorités de santé affirment que les stocks sont pleins, les vaccins arrivent au compte goutte dans les différents centres, ne permettant pas de répondre à la demande. Ils sont alors surchargés, et ne peuvent prendre des rendez-vous supplémentaires, rendez-vous qui s'accumulent. Considéré comme "stock stratégique" par l'État, aucune information sur les quantités de vaccins disponibles n'a été communiqué. Aucune information également sur l'état des commandes. Cette non-transparence sur les vaccins a montré ses failles et ses difficultés lors de la crise du Covid-19. Le gouvernement n'apprend donc pas de ses erreurs et de ses échecs.

Les communautés les plus à risques étaient en attente, et étaient prêtes. La balle était dans le camp des autorités. Le fiasco était prévisible et n'est que le reflet de la situation de l'hôpital public d'aujourd'hui. Le manque criant de personnels, de moyens et les conditions de travail déplorables mettent aujourd'hui l'hôpital au bord du gouffre. Des services hospitaliers ferment partout en France, en pleine crise sanitaire et en pleine augmentation du nombre de cas de Covid. Les hôpitaux n'ont pas, aujourd'hui, la capacité de gérer une nouvelle vaccination. Le manque de personnel et de moyens dans les hôpitaux, ainsi que l'énorme demande des publics concernés pour un nombre de centres réduits, avec des doses restreintes, était la recette d'un énième fiasco sanitaire. La question qui se pose est donc simple : comment allons nous pouvoir gérer une autre épidémie en même temps ?

L'Hôpital Saint-Antoine déja saturé de demandes de rendez-vous. © Reno

Toutes les structures d'Île-de-France sont déjà débordées. Bien que la région-capitale représentait la majorité des cas (plus de 70% des cas en juin), les autres régions de France sont aussi touchées. Et vont connaître une propagation rapide si rien est fait. Pourquoi l'État tarde autant à organiser la vaccination en région ? Aucune information n'est communiquée sur les stocks, les lieux de vaccination. En Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, rien ne sera ouvert avant le 18 juillet, alors qu'elle représente près de 10% des cas aujourd'hui avec 70 personnes identifiées. Quand aurons-nous une stratégie claire ? Et disponible sur tout le territoire ?

En attendant, les personnes à risques ont pu compter sur le soutien communautaire. Des homosexuels sont sortis de l'anonymat sur différents réseaux sociaux enfin d'alerter sur la maladie et les différents modes de transmission, recoupés avec les informations récoltées lors de leur séjour dans différents services d'infectiologie et de leurs expériences malgré le déferlement de haine homophobe. Signes de la maladie, informations sur la prise en charge, détails des symptômes, tout est abordé. Les personnes avec les mêmes symptômes sont alors mieux renseignés, et plus sûr d'eux, lorsqu'ils sont renvoyés chez eux, sans être cru, par des personnels de santé non sensibilisés à cette épidémie. Une mobilisation communautaire obligée de se substituer à une communication de l'État, qui lui, garde un silence lourd.

Cette façon de gérer, ou plutôt de non-gérer cette crise est source d'exaspération et de colère. Ce sentiment de vouloir en parler le moins possible se fait ressentir et laisse un goût amer à la communauté sachant que les principales victimes sont des personnes ayant des relations homosexuelles, ce qui laisse assez songeur. Cette situation provoque de nombreuses angoisses sur la volonté et la capacité d'endiguer cette épidémie. 

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