Les propos de Caroline Cayeux font réagir depuis maintenant une semaine. D'abord invitée sur Public Sénat, elle dit alors « maintenir évidemment (sic) ses propos» homophobes qu'elle a tenus lors de la discussion de la loi pour le mariage pour Tous. Elle qualifiait notamment le mariage homosexuel de « contre-nature» en 2013 au Sénat. Elle se défausse ensuite de toute homophobie en affirmant qu’elle a « beaucoup d’amis parmi tous ces gens-là». Après le tollé que ces déclarations ont suscité, elle tente de s'excuser...
Nous ne savons d'abord pas ce qu'elle pense. Ou plutôt nous savons très bien ce qu'elle pense, et nous détestons les hypocrites. Comment croire ses excuses le lendemain en se présentant comme défenseuse des droits LGBTQIA+ quand elle affirme la veille en direct sur un plateau de télévision maintenir ses propos ?Comment croire ses excuses quand elle doit faire valider sa lettre d'excuses par le cabinet de la Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances ? De qui se moque-t-on ?
La qualifier d'homophobe l'aurait « beaucoup contrariée» durant toutes ces années. « Contrariée», oui. Pense-t-elle à un seul moment à ces jeunes, aux personnes LGBTQIA+ qui se sont senties « contrariées » par des semaines et des mois de discours homophobes lors de la discussion parlementaire ? « Contrariée». Nous avons été insulté·e·s, méprisé·e·s, certain·e·s traîné·e·s de force dans les rangs de la Manif pour Tous alors qu'ils étaient enfants et eux-mêmes LGBTQIA+. Le débat sur l'ouverture du mariage de même sexe a ouvert la voie à une homophobie normalisée, sans retenue, en direct au Parlement et sur les chaînes de télévision. De cette boîte de Pandore ouverte, les maux de Caroline Cayeux en font partie intégrante.
Un bilan en demi-teinte sur les droits des personnes LGBTQIA+
Le gouvernement doit prouver son engagement pour les personnes LGBTQIA+. Se proclamer progressiste et afficher des ministres-totems LGBTQIA+ ne suffit pas. Le dernier mandat nous laisse un goût amer en matière d’avancées. Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, l'ouverture de la PMA aux couples de femmes n'était pas assez ambitieuse. Présentée en Conseil des ministres en juillet 2019, elle est finalement adoptée en juin 2021, quelques mois avant la fin du mandat qui en fait l'une des plus longues discussions parlementaires. Arrivée à point juste pour colorer de quelques couleurs le bilan d'Emmanuel Macron en termes de droits LGBTQIA+. Sans compter qu'elle avait été promise en 2012 par François Hollande. Un choix a été fait de ne pas passer en procédure accélérée. De ne pas vouloir brusquer les réactionnaires farouchement opposés à la loi. Un manque flagrant de courage alors que la société était largement favorable à cette mesure. Une loi qui n'est pas allé assez point non plus, pour satisfaire ce pan de la société. Le fait de ne pas ouvrir la PMA aux personnes transgenres dotées d'un utérus est une faute impardonnable. Combien de renoncements dans cette loi ? La méthode ROPA afin de permettre que l'embryon soit conçu par l'ovocyte d'une des femmes et portée par l'autre, refusée alors que c'est le même dispositif pour les couples hétérosexuels. Les questions autour de la méthode d'appariement qui oblige aux enfants à ressembler le plus possible à ses parents, qui rend long et difficile une PMA pour les femmes non-blanches, balayées d'un revers de la main. Une loi transphobe et raciste qui laisse un goût amer.
Sur l'interdiction des thérapies de conversions, nous ne pouvons pas féliciter le gouvernement, qui l'a toujours repoussée, et qui n'a vu le jour qu'avec l'infatigable force et détermination de Laurence Vanceunebrock, députée LREM et ouvertement lesbienne qui n'a rien lâché. Alors qu'une proposition de loi est préparée par ces soins depuis des années, et de façon transpartisane (notamment avec une mission d'information où elle est corapporteure avec Bastien Lachaud de la France insoumise), Marlène Schiappa annonce l'intégrer au sein de la loi dite « Séparatisme » en la vidant de « sa substance la proposition de loi en se concentrant sur l’aspect religieux et en laissant de côté l’aspect médical et éducatif» selon la députée. Face au tollé, et à la suite de la menace de la députée de quitter LREM, le gouvernement recule. Ce dernier a donc démontré sa réelle volonté en matière d’égalité en repoussant de maintes et maintes fois cette proposition de loi et ayant voulu piétiner le travail parlementaire.
Ces quelques avancées durement gagnées sont surtout le fait du travail des militants, qui n'ont rien lâché et ont maintenu la pression durant ces 5 années. Les personnes transgenres et intersexes, elles, auront été les grandes oubliées de ce quinquennat pourtant si « progressiste ».
Une nomination qui n'a posé aucun problème
Dans la nomination de Caroline Cayeux, n'oublions pas non plus la responsabilité d'Emmanuel Macron qui l'a nommée en connaissance de cause, connaissant très bien ces positions homophobes. Elles n'ont pas un seul instant pesé dans la balance. Son profil concordait donc avec la politique du gouvernement. Une homophobe reconnue membre du gouvernement ne posait aucun souci. Le problème est d'abord là.
Si la ministre est poussée à la sortie, cela sera une bonne nouvelle. Cependant, c'est une femme qui sert encore de fusible. D'autres homophobes notoires siègent encore au Conseil des ministres. Christophe Béchu a-t-il un moment regretté ses propos tenus encore en 2016 ? S'est-il excusé à un seul moment ? Alors qu'une tribune est en préparation par des membres de la majorité, qui serait soutenue par une dizaine de ministres actuels qui seraient « scandalisés », une question est à poser. Pourquoi seulement Caroline Cayeux ? Vous n'avez aucun problème à travailler avec Gérald Darmanin, pourtant accusé de viol et ayant reconnu qu'il a abusé de sa position pour demandés des faveurs sexuelles ? Alors qu'il refusait de marier les couples homosexuels dans sa mairie de Tourcoing ? Aucun problème avec Sébastien Lecornu ou Bruno Le Maire qui étaient opposés au mariage pour tous ou la PMA ? On peut continuer avec Damien Abad ou Jacqueline Gourault et Jean-Baptiste Lemoyne dans les anciens gouvernements de Jean Castex.
On peut évoluer sur sa position, mais les changer au gré du vent et de l'opportunisme politique ne fait pas de vous des alliés. La politique du « en même temps » a ses limites. On ne peut pas avoir dans le gouvernement avoir des membres qui ont voté ou soutenu le mariage pour Tous, et des membres qui ont voté contre, s'y sont opposés et/ou soutenus la Manif pour Tous. On ne peut pas avoir au sein du gouvernement des ministres qui tiennent des propos homophobes - ou affirment ne pas les regretter - et avoir des ministres LGBTQIA+ qui doivent éteindre le feu sur les plateaux de télévision provoqué par leur collègue, affirmant que le gouvernement est progressiste et clamer qu'il n'y a aucun débat sur la ligne.
Le sujet n’est absolument pas clos comme le laisse entendre la Première ministre. Bien au contraire.