Monsieur le Président,
Mon métier d’instituteur m’a conduit à travers le monde enseigner la France et le français à des élèves de toutes origines. Mon constat est que, quelle que soit leur origine, les enfants sont avant tout des enfants, et que la manière dont on les traite aujourd’hui détermine en grande partie les adultes qu’ils seront : bêtes fauves ou femmes et hommes des Lumières pour être caricatural. Au final, le monde de demain, apaisé ou violent, découlera de nos actes présents.
C’est à travers ce vécu que j’appréhende ce qui arrive au jeune Madama Diawara, jeune majeur malien arrivé en France il y a deux ans, alors qu’il était mineur, et confié à un couple d’enseignants. Inscrit en lycée professionnel, bientôt en apprentissage, ce jeune n’a jamais posé aucun problème. Son avenir s’annonçait prometteur, pour lui comme pour nous, jusqu’à ce que la préfecture du Puy-en-Velay décide tout récemment de le mettre en centre de rétention en vue de son expulsion au Mali.
Au delà des considérations humanitaires qui motivent cette lettre, cette situation soulève quelques questions que je me permets de vous soumettre :
Combien de cas comme celui de Madama faudra-t-il pour que la réputation de la France, pays des Droits de l’Homme, ne soit ternie ?
Combien d’entorses à la loi censée protèger les mineurs étrangers faudra-t-il pour que notre pays ne puisse plus apparaître comme un état de droits ?
Expulsé au Mali, que seront les sentiments de Madama envers notre pays ? Quel message va-t-il diffuser autour de lui ? Combien de Madama faudra-t-il pour que la situation de la France au Mali, actuellement pas si brillante, ne devienne intenable ? Quid des autres pays d’Afrique, soumis au même problème ?
Bientôt les élections présidentielles. Combien de Madama faudra-t-il selon vous pour que les électeurs humanistes, jugeant vos politiques trop identiques, décident de s’abstenir si, au 2ème tour des élections, vous êtes opposé à la candidate du Rassemblement national ?
Michel Rocard a dit que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde, mais il s’est empressé d’ajouter qu’il fallait qu’elle en prenne sa part. Je suis en total accord avec lui sur ce point. A bien y réfléchir, choisir comme part Madama et ses frères d’infortune est un très bon choix, y compris et surtout si l’on en considère le rapport bénéfice/investissement. Et je ne peux qu’espérer que vous pensiez de même et que vous demandiez au Préfet concerné de délivrer à Madama Diawara un permis de séjour sur le territoire.
Recevez, Monsieur le Président, mes salutations les plus citoyennes.
Fait au Tignet, le 13 mars 2021
Jean CANTONI