Le décès, sans raison apparente, de Richard Descoings me fait penser aux incidents physiologiques causés par le « Jet-lag » et qui sont assez fréquents dans l’aéronautique civile, en particulier pour les pilotes.
Je m’explique.
J’ai été pilote de B747 à « Air Transe » pendant huit ans : cinq années en tant que copilote et trois ans en tant que commandant de bord.
Ce qui est amusant, c’est que, lors de la qualification machine B747, il y a une conférence tenue par le médecin-chef du Centre d’Expertise Médical du Personnel navigant (CEMPN) « d’Air Transe », qui informe les pilotes des particularités des vols longs courriers et nous met en garde contre les effets parfois destructeurs du décalage horaire.
A ce titre, je me souviens de deux cas, déjà anciens, où :
1/ Un copilote a été retrouvé nu dans les couloirs de l’hôtel à New-York, en ne se sachant plus où il était ;
2/ Un commandant de bord qui est rentré sur une civière de Bombay, car il débloquait complètement…
Et le médecin de nous expliquer que cela était causé par l’abus de décalage horaire et qu’il fallait nous méfier, car cela pouvait aussi nous arriver !... D’ailleurs, j’ai bien fait de l’écouter, car avant d’en arriver dans une situation aussi catastrophique, je me suis arrêté !...
Et j’en ai fait une note intitulée : « Les effets du décalage horaire ».
Et bien Richard Descoings a peut-être été victime des effets du décalage horaire !...
Il y a de nombreux cas de pilotes qui ont de sérieux problèmes de santé après un vol trans-méridien.
Je ne retiens que celui de « Phil » (de Fer), un collègue de ma promotion pilote A14 de l’ENAC, de 1971, qui s’est retrouvé, le lendemain d’un retour d’Asie, à quatre pattes dans sa salle de bain en tenant des propos incompréhensibles et en étant incapable de se lever !...
Fort heureusement, son épouse a appelé le Samu qui l’a amené à l’hôpital où a été soigné un accident vasculaire cérébral (AVC).
J’ai remonté avec lui l’Odet, à l’automne dernier, et il s’en est bien tiré…
Les cas sont relativement nombreux et aucun médecin de l’aéronautique n’en parlera en raison du secret médical.
Pourtant, le problème a été levé il y a plusieurs décennies.
J’ai eu une confidence d’un ancien médecin psychiatre de l’aéronautique, le docteur « Claude-Jacques B. », qui m’a appris que, durant les années 70, il avait eu un accord « d’Air Transe » pour effectuer des électroencéphalogrammes sur quelques commandants de bord volontaires, lors de vols Paris-Los Angeles.
Et il a eu la surprise de détecter des « foyers épileptiques temporaux » en fin de vol, au retour, lors de l’approche sur Paris !...
Lorsque les syndicats de pilotes ont eu vent de l’affaire, ils ont demandé que ces expériences scientifiques soient annulées pour « l’image des pilotes », et de la compagnie…
Sans parler des pilotes, j’ai une amie, « Angélique », qui habite mon village normand et s’est retrouvé aux urgences à Boston, au lendemain d’un vol en provenance de Paris !... Elle était complètement perdue, déconnectée du réel.
Diagnostic : effets du décalage horaire !...
Elle a passé deux semaines dans une clinique américaine afin de récupérer ses esprits.
De la même façon que les médecins de l’aéronautique informent les pilotes long-courriers des grandes compagnies aériennes sur les risques du décalage horaire, il serait peut-être temps qu’ils commencent à informer le public.
Cela aurait peut-être évité le décès de Richard Descoings.
Jean-Charles Duboc
P.S. Quelques noms sont modifiés.