Anticor tient son Université, les 1er et 2 octobre 2016, à Nice, sur le thème « Justice, médias, politique... Que Changer pour tout changer ? ». Voici mon discours d'ouverture :
Je ne peux m’empêcher de vous faire part de ma fierté de vous accueillir ici, dans ma ville…
Je tiens, tout d’abord, à vous signaler que l’Université d’Anticor ne se tient pas à Nice uniquement pour faire plaisir à son président… La principale raison était que nous avons ici un des groupes locaux le plus important, soit le 2e après Paris, avec 80 adhérents. Et je salue Jean-Noël Falcou et Gilles Rainero qui sont les deux coréférents d’Anticor 06. Et merci plus particulièrement à Jean-Noël Falcou, qui a été désigné volontaire, un peu comme à l’armée, pour organiser notre université annuelle, tâche à laquelle il s’est acquitté avec beaucoup d’enthousiasme.
Au final, j’espère que personne ne nous en voudra de vous avoir faire venir ici goûter au soleil niçois.
Si je suis si fier de vous accueillir, c’est qu’en 2000, soit deux ans avant la création d’Anticor, j’avais lancé, à Nice, un petit club de réflexion sans prétention sur l’éthique et la politique, ouvert aux citoyens qui pensaient que « seul le respect d'une éthique permettra de réhabiliter la politique ». Bref, c’était Anticor avant Anticor ! Et c’est avec cette initiative que j’ai fini par rencontrer une certaine Séverine Tessier qui m’a proposé de fonder, avec elle, avec Éric Halphen et d’autres, une association d’envergure nationale, Anticor. Je tiens à souligner le rôle essentiel qu'a joué Séverine Tessier : c'est elle qui nous a transmis son énergie, sa passion, j’ai envie de dire sa foi, celle qui fait déplacer les montagnes... et des montagnes, nous en avons déplacé ! En plus, entre temps, elle est devenue Niçoise ! C’est dire si c’est vraiment quelqu’un de bien.
Vous ne le savez peut-être pas mais Nice n’a pas été épargnée par les affaires de corruption. Vous ne le saviez pas, n'est-ce pas ?
Nice a, en effet, été précurseur en matière de prise illégale d’intérêts, à l’époque où cela s’appelait encore ingérence. Elle a été précurseur en matière de gestion de fait (la première démission d’office d’un élu pour ce motif a eu lieu c’est chez nous, en 1996). Elle a été précurseur en matière de remises gracieuses accordées à des élus qui avaient été condamnés à rembourser la ville…
De même, le droit pour une ville de pouvoir donner le nom d’une rue ou d’un lieu à une personnalité maintes fois condamnées a été dûment acquis, en 2007, devant la cour administrative d’appel de Marseille, suite à la décision de la ville de Nice d’attribuer le nom de Jacques Médecin à une place.
À l’inverse, ne cherchez pas le nom de Max Cavaglione, celui que Nice-Matin avait surnommé « le tombeur de Jacques Médecin » et qui a fait économiser des millions à la ville. La municipalité a, en effet, refusé, en 2015, de lui rendre un tel hommage.
Mais, au moins, quelle belle revanche d’accueillir, ici, l’Université d’Anticor !
Mais qu’est-ce qu’Anticor finalement ?
1/ Anticor est tout d’abord un réseau. Avant, les militants anticorruptions était relativement isolés et surtout très exposés aux menaces et pressions diverses et variées. Avec Anticor, tous ceux qui luttent contre les abus sont reliés et solidaire. Et ça change tout. Par exemple Jean-Noël Falcou vient d’être cité à comparaître pour diffamation pour avoir dénoncé l’affaire dite du Port de Golfe Juan. Eh bien, Anticor est là pour le soutenir, y compris financièrement. Vous comprendrez qu’avec cette organisation, il est désormais plus difficile d’impressionner, voire d’userles lanceurs d'alerte.
2/ Anticor est aussi une organisation décentralisée, avec une soixantaine de groupes locaux (le premier groupe local a d’ailleurs vu le jour dans les Alpes-Maritimes, en 2007) ce qui nous permet d’œuvrer aussi au niveau d’un village, où il s’en passe de belles. Et, parfois, les groupes locaux lèvent de sacrés lièvres ! Pour la petite histoire, c’est une plainte d’Anticor 06, déposée en décembre 2012, concernant un marché passé par la ville de Menton qui a déclenché la perquisition à la société Bygmalion !
3/ Anticor, ce n’est pas seulement une association qui dépose de plaintes, même si c’est sans doute l’aspect le plus spectaculaire de notre activité.
Ce n’est pas non plus seulement une association qui remet, chaque année, des prix éthiques à des élus, journalistes ou lanceurs d’alertes… Et je salue au passage la présence de Stéphanie Gibaud, qui a reçu un prix éthique d’Anticor, en 2015.
Anticor, ce n’est pas seulement cela. C'est une association qui fait quelque chose dont personne ne parle et pourtant, c’est notre grande force. À Anticor, on réfléchit. À Anticor, ce n’est pas le Café du commerce où on dirait que « c’est tous les mêmes » et que yaka faukon. Nous passons un nombre inimaginable d’heures à analyser les dossiers, à travailler sur les projets de loi et à rédiger des rapports qui, au final, n’intéressent pas grand monde, il faut bien le reconnaître mais, au final, quand on parle de quelque chose, on sait de quoi on parle ! C'est sans doute cette expertise qui explique que nous soyons régulièrement auditionnés dans le cadre des projets de loi portant sur la lutte contre la corruption et je tiens à remercier mon vice-président, Éric Alt, qui lui aussi a été désigné volontaire pour représenter Anticor à ces occasions.
Oui, à Anticor on travaille beaucoup et tout le monde travaille... pas seulement les juristes ! Par exemple, vous savez ce que fait Jean-Noël Falcou dans la vie : il produit des citrons ! À Anticor, chacun est bienvenu car chacun est citoyen.
C’est dans le cadre de cette réflexion permanente que nous organisons, chaque année, une université, ouverte en grande partie à l’ensemble des citoyens.
J’ai l’habitude de dire que les universités d’Anticor ne sont pas des universités comme les autres dans le sens où nous y abordons des thèmes que les universités des principaux partis politiques, très curieusement, n’abordent pas. Ce sont portant des thèmes essentiels pour rétablir la confiance entre les élus et les électeurs mais aussi pour renflouer les caisses car nous payons tous, au prix fort, le coût de la corruption, de la fraude fiscale, de l’exil fiscal – c’est-à-dire de la fraude fiscale tolérée – et du gaspillage de l’agent public (quelqu'un sait à quoi sert la Villa Méditerranée, située à Marseille, qui nous a coûté plus de 80 millions d'euros ?). Si les choses se passaient normalement, nous ne serions pas en déficit, nous serions même en excédent ! Notre déficit, c’est tout simplement le résultat du manque de volonté de prendre à bras le corps ces questions fondamentales, tant au niveau local, national, européen et même mondial puisque les États tolèrent l’existence de 30 paradis fiscaux.
Si notre Université n’est pas comme les autres, la mouture 2016 est, en plus, particulière car elle est organisée quelques mois avant l’élection présidentielle. Comme vous le savez, sous la Ve république, l’élection du président est l'élection phare, celle qui donne le « là » de la vie politique pendant cinq ans.
C’est donc maintenant qu’il faut aborder les sujets essentiels.
Je vais vous faire une annonce qui va peut-être en décevoir quelques-uns : mais l’homme providentiel n’existe pas. Il n’a jamais existé. Et au regard de la cuvée 2017 des candidats qui s’annonce, je peux vous dire que ce ne sera pas encore pour cette fois !
En réalité, l’homme providentiel, c’est, ce ne peut être que le citoyen ! C’est à nous de trouver des solutions, de convaincre les élus de les appliquer et, à défaut, leur imposer. Regardez le sort du recours d’Anticor contre les privilèges accordés aux anciens présidents de la République. Nous avons, certes, perdu devant le Conseil d’État mais nous avons réussi à relancer le débat sur la question, juste avant l’élection présidentielle qui plus est, au point que François Hollande va annoncer qu’il va réduire les moyens exorbitants qui sont alloués. La pression citoyenne permet d'arracher des avancées. Et c'est même uniquement comme cela qu'on les obtient ! Plus que jamais, souvenons des mots très justes du général De Gaulle : « quand la lutte s’engage entre le peuple et la Bastille, c’est toujours la Bastille qui finit par avoir tort ».
Et c’est parce que la clé, c’est le citoyen que, pour l’élection présidentielle, Anticor a décidé de s’adresser directement à lui. Nous demandons donc aux futurs électeurs de signer notre charte éthique afin de s'engager à ne voter que pour des candidats qui reprendraient, dans leur programme, les dix engagements qu’elle contient, autour du non cumul des mandats et des fonctions, de la transparence, de la fin des privilèges anachroniques, etc. L’idée étant d’avoir suffisamment de signatures pour que, à l’instar du Pacte de Nicolas Hulot, en 2007, les problématiques chères à Anticor, et à vous tous j’en suis sûr, deviennent les enjeux incontournables de cette élection. Notre objectif est de transformer la fameuse prime à la casserole, théorisée par Philipe Seguin, en prime à l’éthique. On peut y arriver !
C’est pour débattre des idées et des propositions des uns et des autres qu’Anticor vous a invité autour de trois tables rondes. Nous aurions pu choisir de débattre de thèmes porteurs, comme le burkini ou les Gaulois, mais nous avons l’audace d’aborder des sujets sans doute moins importants : les médias, la Justice et la Politique.
Alors, au regard de l'échéance électorale majeure qui sannonce, soyons à la hauteur du moment ! Sachons répondre à l’appel de la République car il n’y a pas de République sans républicains qui se battent pour elle. N’attendons plus que les élus nous montrent l’exemple... Montrons l’exemple aux élus ! Car Gandhi avait tellement raison : « l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul ».