Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour financement illégal de campagne électorale, dans le cadre de l'affaire dite « Bygmalion ». Le Procureur de la République de Paris lui reproche notamment d’avoir dépassé le plafond légal de dépenses électorales, lors de la dernière élection présidentielle.
Anticor s’est constituée partie civile, le 18 octobre 2015, dans cette affaire grave [1]. Si les faits dénoncés s’avèrent exacts, non seulement le principe d’égalité entre les candidats à une élection n’aurait pas été respecté, mais de l’argent public aurait été détourné. En effet, c'est l'UMP (aujourd'hui LR) qui a réglé une partie des factures de la campagne, ce qui a permis de pulvériser le seuil des dépenses autorisées. Or, ce parti perçoit, chaque année, une subvention de l’État (18 millions d’euros, en 2014), sans parler des exonérations fiscales dont bénéficient les donateurs.
Cette affaire démontre l’ampleur des failles dans le contrôle du financement des campagnes électorales et des partis. Pour le bien de notre démocratie, des mesures doivent être prises…
Il est, tout d’abord, nécessaire de renforcer significativement les pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Pour l’heure, cette autorité juge sur pièces mais ne dispose d’aucun pouvoir d’investigation ou de police. Certes, elle peut demander la communication de toute pièce comptable ou de tout justificatif… mais aucune sanction n’est prévue en cas de refus de transmission !
Il faudrait notamment permettre à la CNCCFP, au moment où elle examine les comptes de campagne, d’accéder aux pièces comptables des partis politiques correspondant à leurs participations aux campagnes électorales.
Il serait également bienvenu d’imposer des règles communes aux partis politiques pour que leurs comptes soient consolidés avec ceux des sections locales, associations ou fondations qui leur sont liées.
Il conviendrait, en outre, de sanctionner les abus commis par les micro-partis. Il y avait ainsi, en 2015, pas moins de 435 formations politiques, dont 93 n’avaient même pas déposé leurs comptes à la CNCCFP ! La plupart ne présentant aucun candidat, il semble évident qu’ils servent surtout à contourner les règles de financement politique.
Curieusement, les partis politiques sont les seuls organismes bénéficiant du concours financier de l’État à ne pas être contrôlés par la Cour des comptes. Il est temps de mettre un terme à cette anomalie. Cette juridiction financière pourrait ainsi certifier les comptes des formations politiques bénéficiant de financements publics (en lieu et place de la certification actuellement faite par deux commissaires aux comptes).
Il ne faut pas oublier d’associer les citoyens au contrôle du financement de la vie politique. La mise en ligne des comptes de campagne et des comptes des partis politiques, dans une version détaillée, contribuerait à cette transparence.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, il est indispensable d'instaurer pour l’élection présidentielle ce qui existe pour les autres élections, à savoir une sanction d'inéligibilité en cas d’infraction à la législation sur le financement des campagnes électorales. Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel qui pourtant, selon la Constitution, « veille à la régularité de l'élection du Président de la République », ne détient pas un tel pouvoir. Pour dire les choses clairement, un président frauduleusement élu resterait président.
Ces failles expliquent sans doute, en grande partie, l’affaire Bygmalion…
Note :
[1] Anticor est également à l’origine d’une plainte, déposée le 17 décembre 2012, visant un marché public attribué, sans mise en concurrence, par la ville de Menton à Bygmalion.