Pour schématiser : le "projet Mediapart" ou l'entreprise Mediapart.
Et tout l'enjeu du débat est bien me semble-t-il de savoir si l'on peut remplacer le "ou" par un "et".
Et si oui, quel "et" ?
Côté abonnés et pour rester très schématique on peut distinguer aux extêmes, les tenants de Mediapart en tant que "projet participatif", à l'instar du collectif CAMEDIA et en référence au texte fondateur justement intitulé "le projet Mediapart", et à l'opposé ceux qui ne voient dans Mediapart qu'une entreprise de presse comme une autre, certes d'un modèle nouveau mais ne proposant un outil participatif (le club) qu'à titre d'argument promotionnel. Combien de fois a-t-on pu lire sous leurs plumes que le club n'est en fait qu'un moyen de vente, un pot de confiture ? Cynisme réaliste ou procès d'intention malveillant...
Pour ma part, je perçois bien cette double réalité, mais à contrario de ceux qui, se croyant sans doute investis d'une mission de pédagogues auprès des masses naîves et ignorantes, pensent utile et intéressant d'exacerber les indéniables contradictions objectives dont elle est porteuse pour révéler la supposée perversité du projet et de ses instigateurs, je considère que là est au contraire tout l'intérêt de l'aventure. Foin des procès d'intention, sans angélisme béat, je veux bien voir Mediapart comme un défi, ou plutôt comme un complexe de multiples défis emboîtés, qu'il nous est loisible, ou pas, de relever.
On peut sans doute envisager diverses entrées dans ce complexe, probablement déterminantes de cheminements et de conclusions différents.
Personnellement j'identifie sans hésiter comme premier défi celui de la viabilité économique du projet. Autrement dit celui des conditions de possibilité de son existence, et de sa pérennité.
Il semblerait qu'il soit gagné. S'agissant toutefois d'un projet en contexte évolutif et concurrentiel, rien n'est jamais définitivement acquis et toute inflexion ou modification du projet ne peut être envisagée qu'à la condition de ne pas le fragiliser et si possible de venir au contraire le consolider.
Et aussitôt s'impose au devant la réalité entreprenariale de Mediapart. Il s'agit bien d'une entreprise, qui fait vivre ses salariés en valorisant leurs compétences sur un marché.
La réalité de cette entreprise ne procède pas de la génération spontanée, mais de la volonté de ses créateurs traduite dans le projet sur lequel ils se sont accordés pour faire route ensemble.
Et ce projet quoiqu'on puisse en dire n'appartient qu'à eux-mêmes, sauf à ce qu'ils décident de le partager.
En tant que projet d'entreprise journalistique il porte donc en lui d'une part la promesse "alimentaire" faite à ses salariés et la responsabilité sociale qui va avec, et d'autre part la promesse éditoriale faite à ses abonnés, mais également à ses journalistes.
Cette promesse éditoriale, que je préfèrerais personnellement qualifier de "politique", repose elle même sur deux piliers, d'une part la fonction traditionnelle de l'investigation journalistique et de la production d'informations et d'analyses à destination d'un lectorat, et d'autre part "l'expérimentation participative" conjointe proposée simultanément aux abonnés et aux journalistes.
En réalité donc, à nouveau deux promesses :
- du contenu
- et un plongeon danss l'inconnu, une exploration.
Cette association d'une pratique professionnelle et du partage (partiel) de "l'outil de production" avec les clients est en soi un nouveau défi car rien ne dit à priori que tous les explorateurs vont partir dans la même direction, ni même qu'ils seront tous au départ dotés du même équipement, et qu'au final l'attelage puisse tenir la route dans la durée.
Après 9 ans de progression de l'expédition qu'en est-il ?
Peut-on faire un bilan ?
Eventuellement d'étape, suggérant donc qu'il y aurait bien une direction... vers un horizon commun ?
C'est un peu me semble-t-il les questions qui sont aujourd'hui posées.