ou, du désir d'émancipation comme moteur.
(Ce billet est encore le prolongement du précédent, qui lui même... Sous forme de reprise d'un commentaire)
Peut-être n'est-il pas vain de considérer qu'en arrière plan de la "lutte des classes", le désir d'émancipation est en fait le vrai moteur de l'histoire.
Et qu'en arrière plan de l'oppression des peuples par leurs "élites", le besoin de sécurité est la vraie raison de tous les conservatismes et régressions.
Au désir d'émancipation, "répond" le besoin de sécurité (ou de protection).
En contexte :
L'état, et ses "appareils" (de "protection sociale", de police, de justice, militaire etc...) sont les instruments de cette protection.
Ils sont aussi et simultanément des appareils d'aliénation, en tant qu'appareils saisis par et dans la dynamique capitaliste comme mode de production et d'allocation (ou distribution) fondamentalement injuste des ressources.
Or l'accès aux ressources est une des conditions de l'émancipation.
Cette ambivalence protection/émancipation a me semble-t-il été relativement équilibrée et donc viable, assurant simultanément, et l'une partiellement, et les conditions de progression de l'autre, tant que le capitalisme s'est developpé "à l'abri" des états et sous leur tutelle. En l'occurrence des états-nations, comme héritages de l'histoire.
A partir du moment ou le capitaliste, s'émancipe lui même du cadre contraignant de l'état-nation, s'exonère en cela de la charge des appareils de protection, s'exonère de sa contribution à leur mise en oeuvre, il rompt l'équilibre.
Dès lors, la question est de savoir s'il est possible de contraindre le capitalisme à réintégrer le cadre des états-nations, ou si sa dynamique l'interdit. Autrement dit s'il est possible de restaurer la fonction protectice des états-nations.
Avec la financiarisation, comme processus et aboutissement(?) de l'expansion capitaliste jusqu'à sa mondialisation, et le transfert ou la socialisation à perte de cette charge de la protection, nous venons de constater à travers la crise de 2008 et ses conséquences qu'il n'en était rien.
Non seulement il n'est pas envisageable de contraindre le capitalisme, mais il s'avère que c'est lui qui désormais instrumente sans partage les états-nations. ("La nouvelle raison du monde" de Laval et Dardot)
Et que ceux-ci ont effectivement échappés totalement au contrôle démocratique.
La "puissance publique" est, d'une certaine façon, devenue une puissance privée mettant en compétition les peuples les uns contre les autres, aujourd'hui pour le service des tenants du capital comme autrefois, sous l'ancien régime, au service des tenants de la terre.
Ce n'est ni plus ni moins que le rétablissement du servage, et l'abandon de toute perspective d'émancipation.
Et la souveraineté des peuples, des nations, n'est plus qu'un leurre ou une nostalgie.
Alors dans ce contexte, la question devient me semble-t-il : comment rétablir la puissance publique ?
Comment la rétablir comme expression et bras armé de l'intérêt général ?
Comment, non pas dépasser les états-nations, mais comment reconquérir les conditions de possibilité de l'émancipation, telle qu'elle a été originellement exprimée par "la déclaration des droits".
Et si le dépassement des états-nations est l'une de ces conditions de possibilité, alors ils doivent en effet être dépassés.
Cela ne signifie en rien qu'ils doivent (ni peuvent d'ailleurs*) disparaître, cela signifie "simplement" qu'ils doivent peut-être s'intégrer, pour créer un ordre, ou cadre supérieur de légitimité, tout comme pour la protection de leurs sujets, les féodaux ont du intégrer les domaines de leurs suzerains. A l'époque on disait "rendre hommage", aujourd'hui, selon le code démocratique il s'agit de délibérer et d'exprimer une volonté générale.
L'alternative à cette hypothèse consisterait pour rétablir la fonction protectrice des états-nations à les libérer de l'emprise du capitalisme. Autrement dit à dépasser le capitalisme(**).
Cette hypothèse valide implicitement, en tant qu'alternative, qu'elle puisse être envisagée séparément par une seule nation isolée (si non, elle ne peut reposer que sur un dépassement préalable d'au moins quelques peuples solidaires, du cadre de leurs propres états- nations).
Vieux débat qui me semble-t-il a été tranché.
Et que l'analyse rationnelle de notre contexte actuel interdit me semble-t-il de réouvrir.
(Billet très largement inspiré comme indiqué en introduction d'une réponse, en discussion de : "De la nation, de la souveraineté, de l'Europe et de la gauche")
(*) Les nations ont je crois de beaux jours devant elles, si justement et paradoxalement (en apparence seulement), elles savent vraiment et non pas selon la parodie de l'actuelle UE, mettre en commun la part de souveraineté singulière que chacune détient et qui est nécessaire à la reconstitution par addition d'une souveraineté pleine et entière reconquise en commun. Un peu comme chaque citoyen qui se soumettant à la loi, abandonne une part de sa liberté pour garantir l'exercice de la part restante (c'est fractal). Enfin bon... solidarité, mutualisme etc. etc. (Soit donc, en filigrane, toute la critique de l'actuelle construction européenne -il n'y a pas photo- qui ne justifie aucunement pour autant qu'il faille la détruire. Il convient "simplement" et solidairement avec les autres peuples d'europe de la transformer. C'est l'objectif que devraient se fixer "les forces de la transformation sociale".)
(**) Relativement au "dépassement" du capitalisme, les fils de discussion sont ouverts :
(Décidément, c'est la fête des points d'interrogation ! Et c'est pas plus mal.)
Et, pour essayer d'y voir clair, la suite avec
un petit viatique pour traverser la grande pétaudière politique.