En fin de matinée ce 5 Mai, nous avons retrouvé Gérard Lapreuve affaibli, hébété et perdu sur une route de campagne où il faisait du stop, « en direction de Piton la Fortune » nous a-t-il dit.
Rappel des épisodes précédents :
- Après avoir découvert une Rolex autour d’un os,
- Et a finalement été libéré sur un coup de tête du Prince Nicolas le onzième, le 11 Avril.
- A la suite de quoi il nous fit mystérieusement parvenir le 26 Avril dernier, soit quinze jours après sa libération, la transcription d’un « Appel » imprécisément daté de Septembre 2009, il y a 503 ans !
Depuis, nous étions sans nouvelle en dépit de nos appels répétés, or voilà qu’il réapparaît de façon inattendue et en piteux état, tandis que notre dernier contact avec son directeur de recherche, le professeur Isidore Trouvebien, pour le moins éméché au petit matin du 21 Avril dernier, avait lui-même de quoi surprendre.
Avouez chers lecteurs que tout cela est passablement inquiétant, nous avons donc enquêté ; voici les premiers résultats de nos investigations.
G. Lapreuve a été vu par plusieurs de ses connaissances, pour la dernière fois au laboratoire des datations pifométriques le 25 Avril, soit la veille de son envoi de « l’Appel » à notre rédaction. « Il était absorbé, fébrile et visiblement sur le point de faire une découverte majeure » nous a confié O.Nam Pe Plu, sa jeune collègue visiblement inquiète. Aux dires de la jeune femme, Gérard travaillait depuis 72 heures au labo, il expertisait l’os de la Rolex et disait qu’il venait d’y retrouver les traces d’un virus susceptible d’expliquer le décès. Ce qui accréditerait l’hypothèse que le proprio de l’os ait été jeté, déjà mort, du haut de la falaise. Et il se perdait en conjectures « Pourquoi simuler une mort accidentelle et violente ? A moins qu’il ait été porteur sain du virus, sans le savoir ? Mais cela n’exclu pas pour autant l’hypothèse du crime … ni bien sûr celle de l’accident … Cette affaire est vraiment louche, le virus en question est un virus de grippe tout ce qu’il y a de plus classique, or justement les archives de l’époque témoignent d’une alerte suspecte autour d’un virus supposé particulier et soit disant d’origine porcine ou Mexicaine. On ne sait plus très bien, les sources sont contradictoires. En revanche, on sait que les rats ne sont pas sensibles aux affections du cochon, tandis que les cochons eux peuvent contracter au contact du rat. Et notre mort était bien un rat, était-ce un rat mexicain ? Mystère. En fait, je crois qu’il faut que je reprenne tout à zéro, je vais aller revoir Isidore à Piton et lui demander conseil »
Que s’est-il passé entre le 25 Avril et ce 4 Mai, que c’est-il passé en particulier le 26 Avril, et pourquoi Gérard dit « je vais aller revoir Isidore »
Nous sommes donc allés voir nous-même le Professeur qui a bien voulu nous faire quelques révélations :
« En effet Gérard est venu me voir une première fois le 20 Avril au matin, il avait trouvé en revenant au bagne Christian sur l’un de nos plus vieux sites de fouille quelques vieux papiers au fond d’une pile de dossiers que nous avions entreposés là, dans notre baraque de chantier, en attendant, et que finalement nous avions oubliés dans la précipitation de notre départ qu’occasionna la découverte du site de Piton il y a deux ans. Parmi ces papiers, le fameux Appel, rangé au milieu de plusieurs autres documents, dans une chemise portant la mention « Ultra Gauche » et une liste, en fait des listings devrais-je dire. Des dizaines et des centaines de noms, avec des annotations manuscrites, des initiales dans la marge, des noms rayés, des noms surlignés, d’autres avec une croix, parfois deux ou même trois … comme des notations. Et, comme nous étions en train d’échafauder des hypothèses sur la nature de ses listes et le sens des annotations, tout d’un coup, il m’a dit « je crois que je vais demander une analyse croisée au labo des généalogies, ce sera vite fait et ça pourrait nous faire avancer, qu’en pensez-vous professeur ? ». Je n’y croyais pas trop, mais comme il était tellement excité, je ne l’ai pas découragé, et il est reparti aussi vite qu’il était venu, pour transmettre une copie numérisée des liste au labo. Il m’a rappelé le soir même.
- Professeur, professeur, c’est incroyable, tous les noms qui figurent sur les listes sont déjà connus des services, devinez quoi ? … des services d’archéologie fiscale !
- Et alors ? lui ais-je demandé.
- Et bien en archéologie fiscale, ils correspondent tous, soit à la mention « Non soldé », soit à la mention « Classé sans suite » ».
- La mention « non soldé », la mention « classé sans suite » qu’est-ce à dire ?
- Et bien cela veut dire que ce sont des gens auxquels l’administration fiscale s’est intéressée à un moment donné, pour une raison ou pour une autre.
- … ?
- Mais, professeur ! ça veut dire qu’en épluchant leurs archives je vais trouver, je vais forcément trouver quelque chose !
Et là-dessus nous nous sommes rendus à la taverne pour arroser l’enthousiasme plein de promesses de mon jeune disciple. Ce fut un peu copieux je dois l’avouer. Dans la nuit Gérard s’éclipsa en compagnie d’une jeunesse de son âge, et c’est comme ça qu’au petit matin, en rentrant, je suis tombé sur votre collègue … charmante autant qu’il m’en souvienne … comment dites vous ? … ah oui … c’est ça, Jeanne Elise, Jeanne Elise Distout.
- Et depuis, vous ne l’avez plus revu ?
- Ah mais si …si, si, il est revenu le 25 … dans la soirée.
- Et alors ?
- Il était content, et tout fier, et venait me rendre compte de ses avancées. Il avait découvert quantité de choses extravagantes. La plupart des noms figurant sur les listes correspondaient en fait à des personnes qui avaient des liens entre elles, tout ça se recoupait avec des sociétés … c’était très compliqué et un peu confus, mais ce qui l’excitait le plus, c’est qu’il lui semblait qu’il y avait en fait derrière ces listes, tout un réseau de relations organisées, et il a même ajouté « Je me demande si nous n’avons mis la main sur l’élite des rats. Si c’est le cas, et je le saurai bientôt, professeur, nous tenons peut-être la clef de vos recherches ». Alors je l’ai encouragé, je l’ai autorisé à faire des tests à partir de mes propres fichiers, et je lui ai suggéré aussi de consulter le laboratoire d’archéologie judiciaire. C’est alors qu’après m’avoir remercié, il a sorti de sa poche une copie de « l’Appel » et m’a dit « La seule chose qui m’embête dans tout ça, c’est ce document. Je ne comprends pas qu’est-ce qu’il faisait avec ces listes. Et puis il y a ce titre sur la chemise : « ultra gauche » ? Qu’est ce que ça veut dire ? Et si nous faisions fausse route ? ». C’est vrai que ce n’était pas très cohérent, mais je lui ai proposé de la publier, d’en révéler l’existence au grand jour, et d’attendre. On ne sait jamais, peut-être une réaction, quelqu’un qui détiendrait dans ses archives personnelles un document complémentaire, ou tout au fond de sa mémoire familiale une histoire transmise de génération en génération … parfois, un coup de chance ?
- En effet professeur, en effet, c’est ce qu’il a fait dès le lendemain matin. Nous-mêmes, à Médiatout, l’avons reçu dès le 26 au matin, à la première heure, et nous l’avons publiée après l’avoir traduite en aléatoire. Nous avons même publié l’original sur notre canal rétrotemporel en direction de 2009.
- Et alors … ?
- Pour l’instant, pas grand-chose, les gens dubitent, ils glosent sur des abus de pouvoir mais semble s’en accommoder, ils ont l’air préoccupés par certaines affaires judiciaires et se cotisent … ils n’oublient pas aussi de se chamailler fréquemment à propos d’un parlement européen et de réunions syndicales.
- Et oui, et pendant ce temps, les rats pullulaient. Mais, revenons à Gérard, vous m’avez dit qu’il était fatigué ?
- Oh, ce n’est rien professeur tout au plus une mauvaise grippe, et il nous a promis un prochain rendez-vous plein de nouveautés dans quelques jours.
C’est ainsi chers abonnés de l’agence MEDIATOUT (l’agence qui vous dit tout) que ce conclu notre communiqué de ce 5 Mai 501 après le grand basculement.
A nos amis de l’an 2009 de l’ère chrétienne, nous tenons à adresser tous nos vœux de courage et de résistance à la ratitude qui semble bien vous accabler.
Et encore une fois, nos plus vifs remerciements au professeur I.TOUVEBIEN.