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Billet de blog 9 décembre 2009

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De la radicalité… questions.

Ce billet prolonge une discussion contradictoire ébauchée sur son blog avec Velveth dont je reprends l'extrait de fil en introduction. Il est aussi un écho aux échanges houleux entretenus par ailleurs à propos de Badiou sur les blog de Jean Sylvain et Humaro.

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Ce billet prolonge une discussion contradictoire ébauchée sur son blog avec Velveth dont je reprends l'extrait de fil en introduction. Il est aussi un écho aux échanges houleux entretenus par ailleurs à propos de Badiou sur les blog de Jean Sylvain et Humaro.

« Bonjour Velveth,
C’est bien là me semble-t-il que les « gauches radicales » s’enlisent dans l’impasse. Je veux dire que la course à la radicalité ou la revendication de radicalité ne saurait tenir lieu de radicalité effective. Et l’on voit bien que la compétition partisane prévaut, qui n’est en fait motivée qu’aux marges par le principe de radicalité. Lequel est instrumenté en tant qu’argument du débat, en lieu et place d’en être la finalité.
Ceci renvoi bien évidemment à la question de son utilité et de l’utilité de ses interprètes (« les gauches radicales »), c’est un débat que vous avez je suppose épuisé pour votre part relativement à ses aboutissants « organiques », et de ce seul point de vue, je ne me sens vraiment ni en désir ni en capacité d’intervenir.
Par contre il me semble possible de suggérer que l’utilité du principe de radicalité lui-même, puisse et doive être mise en question, non pour le contester, mais bien au contraire pour en renouveler l’interprétation, possiblement efficace, débarrassée de toute visée instrumentale.
Il me semble en effet que la radicalité compromise dans et par le jeu électoral ne peut réellement en être une, car elle est dès lors condamnée à sacrifier au principe de réalité lui même réduit au cadre relatif dans lequel elle prétend s’inscrire. Et il y a lieu je crois de relativiser en conséquence sa réalité, donc son efficacité possible et en fin de compte son utilité.
Ceci amène en effet à discuter de ce que peut ou doit être la radicalité, et c’est au fond la question que je me pose et que je vous pose. Question à laquelle je crois indispensable et utile de répondre préalablement à vouloir en donner l’interprétation la plus opportune.
Je me risque donc à cette proposition provisoire : la radicalité critique (s’entend) est cette faculté de produire un référentiel disqualifiant le référentiel antérieur, de produire autrement dit une transgression du modèle établi qu’elle invalide par la production d’une théorie ou modèle nouveau qui implique le dépassement de l’ancien. (C’est peut être ce que Philippe Corcuff appelle « changer de logiciel » ?)
Et dans cette perspective il me semble pour en revenir à votre billet que ni la dynamique illusoire de 2005, ni la problématique actuelle des recompositions à visées électorales en chantier à la gauche du PS, ne sont porteuses de cette potentialité radicale qui nous serait pourtant bien utile. (Quant à la controverse avec les tenants de Badiou, elle ne participe à mon avis que de cet éloignement... en le radicalisant).
06/12/2009 15:40Par Jean-Claude Charrié


Je risque de me répéter. La radicalité, en tant que telle, n'a aucune signification si elle n'est pas au service d'un projet - ce que Corcuff, tu as raison, appelle un "changement de logiciel.
06/12/2009 16:24Par Velveth

Salut Velveth (et OK pour le tutoiement, bien volontier),

A la lecture d'autres billets et fils de discussion à propos de Badiou, j'ai décidé de reprendre et prolonger notre échange par un billet.

Tu ne m'en voudras pas je pense."

Cordialement"

Ce Mercredi 9/12, bonjour à tous, bonjour Velveth,

Je trouve ta réponse Velveth un peu « pirouettesque » mais surtout pleine d’inachevé.
Faut-il interpréter le « projet » comme visée stratégique, auquel cas je suis prêts à te suivre.
Ou bien comme « projet de société », ou projet concret de changement et là, il y a je pense à discuter.
Supposons que la deuxième interprétation soit la bonne.
Il me semble alors qu’il y a une vraie contradiction (à moins que ce ne soit au contraire une profonde cohérence refoulée) entre l’exigence d’être radical dans ses propositions (« seule signification possible … " de la radicalité si je t’en crois) et l’espoir simultané investi dans la confrontation au suffrage universel comme meilleure forme possible de contribution au changement.
Cette contradiction repose à mon avis sur un déni de réalité rédhibitoire : la réalité de la peur qu’inspire naturellement le changement. (Et la peur en politique est la pire des conseillères, il ne faut je crois jamais l’oublier.)
De là, faut-il conclure classiquement qu’en réalité le jeu électoral n’est pour le NPA qu’un exercice de style visant surtout à ne jamais accéder au pouvoir (c’est ce que vous reproche sempiternellement la gauche modérée). En d’autre terme un simple instrument de propagande dans une perspective stratégique globale, qui ne peut être dans ce cas que « la politique du pire ». C'est-à-dire le pari sur la dégradation des conditions de vie des gens, à un niveau tel, qu’elle devienne insupportable, permettant enfin à la révolte de prendre le pas sur la peur, et au grand soir d’advenir.
Personnellement je ne crois pas à cette version, ni au droit des intentions (bien qu’elle illumine certainement quelques esprits), ni surtout comme perspective plausible (sauf à considérer je ne sais quel totalitarisme populiste comme petit matin radieux du lendemain).
Le principe de réalité commande en fait de revenir à la première hypothèse, le projet comme visée stratégique.
Autrement dit comme argument, comme outil du combat idéologique et non comme anticipation de sa propre matérialisation. (Nous ne sommes pas loin ici, d’un autre débat opposant Education populaire et Formation militante politique amorcé par ailleurs. Mais ce n’est pas l’objet qui m’intéresse pour l’immédiat.)
Et il me semble alors qu’il y a une deuxième contradiction, le combat idéologique pour l’émancipation ne peut se concevoir que dans la démonstration, certainement pas dans la conclusion. Convaincre suppose de démontrer, pas d’affirmer. Sauf à mépriser celui qu’il s’agit de convaincre et à rechercher la croyance plutôt que l’intelligence : éducation / formatage (dirait JPYLG).
Et projeter un changement, adhérer à sa perspective suppose d’avoir préalablement évalué, ou analysé comme désirable la fin de la situation présente (ou comme insupportable la réalité du présent).
Tout est je crois dans ce travail d’analyse ou d’évaluation, on pourrait dire aussi de diagnostic, en réalité de démonstration.
L’étape suivante, qui consiste à prescrire, ne saurait en matière politique être valide et acceptable au droit de l’engagement du citoyen émancipé comme visée stratégique, sans ce travail qui consiste en fait à partager le diagnostic. Toute la contradiction est d’ailleurs résumée dans cette question : un projet politique à prétention démocratique peut-il être prescrit par la minorité ?

Pour conclure, j’en reviens donc à ma proposition initiale pour la préciser sous forme de questions.
Le rôle des gauches radicales n’est-il pas de produire de l’analyse radicale et des représentations radicales en ce sens qu’elles provoquent en renouvelant et décalant les points de vue la mobilisation réflexive (je rejoint ici me semble-t-il ce que Marielle Billy exprime chez Humaro), plutôt que de produire du projet, impossiblement radical en tant que tel et condamné quoiqu’il en soit à la marginalité par la peur du changement qu’inspire sa prétention radicale ?
Autrement dit la radicalité peut-elle et doit-elle s’inscrire en politique et dans une visée démocratique, ailleurs que dans le domaine de l’analyse à vocation émancipatrice ?
Tout débordement de sa part dans le domaine prescriptif du projet, n’est-il pas à la fois contradictoire et voué à l’échec ?

P.S. je n'aurais pas le temps aujourd'hui de répondre aux éventuelles réactions. Merci de m'en excuser et d'être venu jusqu'au bout.

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